Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti présente ce mercredi 14 avril en Conseil des ministres un projet de loi ordinaire et un projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire. Audiences filmées, encadrement de l’enquête préliminaire, renforcement du secret professionnel des avocats, renforcement de la déontologie et des procédures disciplinaires des professionnels du droit figurent parmi les principales mesures de la loi Dupond-Moretti.
Dès son arrivée place Vendôme en juillet 2020, Eric-Dupond Moretti a dessiné les contours de sa réforme de la justice. Le but de la future loi Dupond-Moretti est de restaurer la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire. Le projet de loi s’articule autour de quatre axes :
- Mieux faire comprendre la justice
- Améliorer le déroulement des procédures pénales
- Redonner du sens aux peines
- Renforcer la confiance des citoyens dans l’action des professionnels du droit
Audiences filmées
L’article 1er du projet de loi « pour la confiance dans l'institution judiciaire » prévoit de modifier la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en autorisant l’enregistrement sonore ou audiovisuel d’une audience pour un motif d’intérêt public en vue de sa diffusion.
L’ambition du ministre est de mieux faire comprendre le fonctionnement de la justice en permettant de filmer tout type d’audience, civile ou pénale, publique ou non.
Rappelons qu’aujourd’hui, seuls les procès à portée historique peuvent être filmés.
La diffusion, intégrale ou partielle ne sera possible que lorsque l’affaire sera définitivement jugée. Cependant, devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, les audiences publiques pourront, après recueil préalable de l’avis des parties, être diffusées en direct.
La diffusion devra être réalisée dans des conditions ne portant atteinte ni à la sécurité, ni au respect de la vie privée des personnes enregistrées, ni au respect de la présomption d’innocence.
Des garanties sont prévues pour les personnes filmées : l’image et les autres éléments d’identification des personnes enregistrées ne peuvent être diffusés qu’avec leur consentement donné par écrit avant la tenue de l’audience. Les personnes jugées et plaignantes ainsi que les témoins entendus lors de l’audience peuvent rétracter ce consentement après l’audience.
Enfin, le droit à l’oubli est également prévu puisqu’aucun élément d’identification des personnes enregistrées ne peut être diffusé plus de cinq ans à compter de la première diffusion, ni plus de dix ans à compter de l’autorisation d’enregistrement.
Le format de diffusion n’est pas encore connu. Peut-être sous la forme d’un programme hebdomadaire. La Chancellerie est en discussion avec plusieurs chaines de télévision.
Secret professionnel des avocats
Le texte rappelle que le respect du secret professionnel de la défense est garanti au cours de la procédure.
Lorsque la perquisition est justifiée par la mise en cause de l’avocat, elle ne peut être autorisée que s’il existe contre celui-ci des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction qui fait l’objet de la procédure.
En outre, le texte prévoit d’encadrer les interceptions téléphoniques.
En effet, les réquisitions prévues portant sur des données de connexion liées à l’utilisation d’un réseau ou d’un service de communications électroniques, qu’il s’agisse de données de trafic ou de données de localisation, qui sont émises par un avocat : elles ne peuvent être faites que sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le procureur de la République.
Déontologie et procédures disciplinaires des professions du droit
Pour « renforcer la confiance du public dans l’action des professionnels du droit », le texte apporte des modifications des dispositions sur la déontologie et les procédures disciplinaires de ces professionnels, et crée des cours nationales de discipline pour chacune des professions (avocats, avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, commissaires de justice, greffiers des tribunaux de commerce, notaires), véritables juridictions disciplinaires.
Chaque cour est composée d’un magistrat, président, et de quatre membres de la profession.
Ces cours seront également chargées de préparer un Code de déontologie édicté sous la forme d'un décret en Conseil d'Etat
Enquêtes préliminaires
La durée d’une enquête préliminaire ne peut excéder deux ans, à compter du premier acte de l’enquête, y compris si celui-ci est intervenu dans le cadre d’une enquête de flagrance. L’enquête peut toutefois se prolonger à l’issue de ce délai pour une durée maximale d’un an, sur autorisation écrite du procureur de la République qui est versée au dossier de la procédure. En définitive, une enquête préliminaire ne peut pas durer plus de trois ans.
Par ailleurs, le recours au contradictoire est élargi. Ainsi, toute personne mise en cause dans une enquête préliminaire peut demander au procureur de la République d’accéder à son dossier si elle a été interrogée dans le cadre d’une audition libre ou d’une garde à vue depuis au moins un an ou encore il a été procédé chez cette personne à une perquisition depuis au moins un an.
Enfin, à tout moment de l’enquête préliminaire, le procureur de la République peut, s’il estime que cette décision ne risque pas de porter atteinte à l’efficacité des investigations, indiquer à la personne mise en cause, à la victime ou à leurs avocats, qu’une copie de tout ou partie du dossier de la procédure est mise à la disposition de leur avocat, ou d’elles-mêmes si elles ne sont pas assistées par un avocat, et qu’elles ont la possibilité de formuler toutes observations qui leur paraîtraient utiles.
Généralisation de cours criminelles départementales
Le texte prévoit la généralisation de cours criminelles départementales instaurées à titre expérimental par la loi du 23 mars 2019 de réforme de la justice. Ces cours sont composées de cinq magistrats professionnels (un président et quatre assesseurs), À titre expérimental, un des assesseurs de la cour d'assises ou de la cour criminelle pourra être un avocat honoraire (âgé de moins de 75 ans). Elles sont compétentes que pour « les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale ».
Application des peines
Le projet de loi supprime les crédits de réduction de peines automatiques.
Une réduction de peine pourra être accordée par le juge de l’application des peines aux condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté qui ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite ou qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion. Cette réduction ne pourra excéder six mois par année d’incarcération et quatorze jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an.
Travail des détenus
Le texte institue « un contrat d’emploi pénitentiaire ». La durée du contrat d’emploi pénitentiaire est fixée en tenant compte de la durée de la mission ou du service confié à la personne détenue. Le contrat mentionne cette durée qui peut être indéterminée
Arnaud Dumourier (@adumourier)
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LES TEXTES :
Projet de loi ordinaire pour la confiance dans l'institution judiciaire :
Projet de loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire :