Confidentialité des avis des juristes d'entreprise : l'Assemblée nationale adopte l'amendement

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Les députés ont voté l'amendement sur la confidentialité des avis des juristes d'entreprise. Pour l'AFJE, qui défend le legal privilege à la française depuis 40 ans, « c'est historique ».

L'Assemblée nationale a voté la reconnaissance de la confidentialité des avis et consultations juridiques des juristes d'entreprise dans le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice.

Principe

L'amendement introduit un article 58-1 dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 reconnaissant le principe de la confidentialité in rem des consultations des juristes d’entreprise. Ainsi, le texte prévoit que « les consultations juridiques rédigées par un juriste d’entreprise, ou, à sa demande et sous son contrôle, par un membre de son équipe placé sous son autorité, au profit de son employeur sont confidentielles ».

Conditions

Pour bénéficier de la confidentialité, les consultations juridiques doivent remplir deux conditions :

  • Le juriste d'entreprise ou le membre de son équipe placé sous son autorité doit être titulaire d’un master en droit ou d’un diplôme équivalent français ou étranger 
  • Le juriste d'entreprise justifie du suivi de formations initiale et continue en déontologie.

Par ailleurs,  « ces consultations sont destinées exclusivement au représentant légal, à son délégataire, à tout autre organe de direction, d’administration ou de surveillance de l’entreprise qui emploie le juriste, ou toute entité contrôlant l’un de ces organes ».

Le texte prévoit également que ces consultations doivent porter la mention « confidentiel – consultation juridique juriste d’entreprise » et font l’objet, à ce titre, d’une identification et d’une traçabilité particulières dans les dossiers de l’entreprise et le cas échéant, dans les dossiers de l’entreprise membre du groupe qui est destinataire desdites consultations. Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait d’apposer frauduleusement la mention « confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise » sur un document qui ne remplit pas les conditions.

Matières

Les juristes d'entreprise ne bénéficieront pas de la confidentialité de leurs consultations juridiques en matière pénale et fiscale. Seuls sont visés les documents dans le cadre d'une procédure ou d'un litige en matière civile, commerciale ou administrative. Ces documents ne peuvent faire l'objet d'une saisie ou d'une obligation de remise à un tiers, y compris à une autorité administrative française ou étrangère.

Contestation ou levée de la confidentialité

Le président de la juridiction qui a ordonné une mesure d’instruction dans le cadre d’un litige civil ou commercial peut être saisi en référé par voie d’assignation, dans un délai de quinze jours suivant la mise en œuvre de ladite mesure, aux fins de contestation de la confidentialité alléguée de certains documents.

Le juge des libertés et de la détention qui a autorisé une opération de visite dans le cadre d’une procédure administrative peut être saisi par requête motivée de l’autorité administrative ayant conduit cette opération, dans un délai de quinze jours suivants celle-ci, pour contester la confidentialité alléguée de certains documents ou ordonner la levée de la confidentialité de certains documents, dans la seule hypothèse où ces documents auraient eu pour finalité d’inciter ou de faciliter la commission des manquements aux règles applicables qui peuvent faire l’objet d’une sanction au titre de la procédure administrative concernée.
L’ordonnance du juge des libertés et de la détention peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué. L’appel peut être formé par l’autorité administrative, l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou, le cas échéant, l’entreprise membre du groupe destinataire de la consultation juridique. Le premier président de la cour d’appel ou son délégué statue dans un délai qui ne peut être supérieur à trois mois

Le texte prévoit que « le juge saisi enjoint alors à l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise de mettre à sa disposition l’ensemble des documents dont elle allègue la confidentialité. Il peut en prendre connaissance seul ou avec l’assistance d’un expert qu’il désigne. Après avoir entendu le requérant et l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise, le juge statue sur la contestation et, le cas échéant, sur la demande de levée de la confidentialité. Le juge peut adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection de la confidentialité. S’il est fait droit aux demandes, les documents sont produits à la procédure en cours dans les conditions qui lui sont applicables. À défaut, ils sont restitués sans délai à l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ».

En tout état de cause, l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise peut lever la confidentialité des documents.

L’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise, ou, le cas échéant, l’entreprise membre du groupe destinataire de la consultation juridique, est tenue d’être assistée ou représentée par un avocat dans le cadre de ces procédures.

Un décret en Conseil d’État viendra préciser les modalités d'application du texte, notamment les conditions dans lesquelles l’entreprise assure l’intégrité des documents jusqu’à la décision de l’autorité judiciaire.

Réactions

« Après le vote positif du Sénat et le plaidoyer favorable du garde des Sceaux, l’Assemblée nationale permet aujourd’hui aux entreprises de passer dans une nouvelle ère en adoptant la confidentialité des avis des juristes d’entreprise. C’est un grand progrès pour l’Etat de droit, pour l’intérêt général et la prévention des infractions et de la fraude dans notre pays et en Europe. C’est une affirmation de la souveraineté économique par le Droit » affirment l’AFJE, le Cercle Montesquieu et l'ANJB.

Pour ces associations, « les entreprises françaises seront, à compter de l’entrée en vigueur de la loi, mieux protégées dans le cadre de la compétition économique mondiale, les programmes de conformité pourront être mis en place dans l’intérêt général sans risque d’auto incrimination de l’entreprise. L’attractivité de la place de droit française en sera substantiellement renforcée ».

Arnaud Dumourier (@adumourier)


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