Le projet de loi de finances pour 2020 (PLF) confirme la volonté du gouvernement d’imposer en France les dirigeants des sociétés dont le siège est situé en France et qui réalisent un chiffre d'affaires annuel supérieur à 250 millions d'euros. L’article 3 du PLF pose plusieurs questions en matière d’application de la loi fiscale. Explications avec Nicolas Meurant, Avocat Associé au sein du cabinet Deloitte | Taj.
Quelle pourra être l’incidence de cette réforme sur les investisseurs étrangers, et par conséquent sur l’attractivité des entreprises françaises ?
Pour les investisseurs étrangers nommant une équipe de management en France, sans prendre la direction de la société française dans laquelle ils investissent, la réforme ne devrait pas avoir d’incidence. Ceux-ci qui souhaiteraient, compte tenu de leurs investissements en France, devenir résidents fiscaux français, pourront bénéficier du régime de l’impatriation.
Notons que les groupes, français ou étrangers, exècrent les surprises fiscales ; l’application rétroactive de la mesure aux revenus 2019 pourrait conduire le Conseil constitutionnel à durcir le ton sur ce que les services juridiques de Bercy appellent la petite rétroactivité fiscale. Celle-ci est une faiblesse au regard de l’attractivité de notre territoire, difficilement acceptable par les investisseurs post-Brexit.
Cette mesure peut-elle générer une rupture d’égalité devant l’impôt ?
Les propositions d’amendements illustrent les difficultés posées par le texte, s’agissant de la notion de dirigeant, de siège en France, du seuil de 250 millions d’euros et de la rétroactivité du dispositif. Plutôt que d’une rupture d’égalité devant l’impôt, il s’agit d’un manque d’intelligibilité et de prévisibilité de la loi.
Pour autant, l’article 3 du PLF fait dépendre la résidence fiscale du dirigeant, du chiffre d’affaires annuel réalisé par l’entreprise dans laquelle il exerce ses fonctions. Ce critère entraîne une différence de traitement au sein des dirigeants, selon un critère de chiffre d’affaires. De même, l’atteinte du seuil de 250 millions d'euros est contestable, en ce que cette réalisation sera plus ou moins aisée, selon le secteur d’activité de la société. Pour rappel, ce seuil s’élevait dans le texte initial à 1 milliard d’euros avant d’être ramené à 250 millions d’euros au cours des débats parlementaires.
Quelles fonctions exécutives sont concernées par ce nouveau régime fiscal ?
Les dirigeants concernés par le nouveau dispositif sont « le président du conseil d’administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués, le président du conseil de surveillance, le président et les membres du directoire, les gérants » et « les autres dirigeants ayant des fonctions analogues ». Force est de constater qu’il s’agit d’une définition extensive.
En l’état actuel des débats parlementaires, nous n’avons que peu de précisions quant au champ d’application du dispositif, qui devrait couvrir les mandataires sociaux tels que définis par le Code de commerce. Espérons toutefois que la notion de fonctions analogues sera précisée dans le cadre des débats futurs, afin d’éviter d’ajouter à l’imprévisibilité législative, l’incertitude dommageable à la croissance des entreprises en France. Rappelons enfin que ces dispositions de droit interne devront au cas par cas être appréciées au regard des règles de la convention fiscale en vigueur ; ce n’est qu’après un tel contrôle de conventionnalité que la résidence fiscale des dirigeants pourrait en droit être située en France.
A n’en pas douter, les débats juridictionnels succéderont aux débats parlementaires.
Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)