Irrecevabilité de la class action intentée contre la Société Générale

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Pierre Servan-Schreiber et Coline Vuillermet - Avocats - Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom LLPPierre Servan-Schreiber et Coline Vuillermet du cabinet Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom LLP commentent le jugement du tribunal fédéral du Southern District of New York du 29 septembre 2010 qui a fait droit aux demandes de la Société Générale en rejetant pour irrecevabilité la class action intentée contre elle.

Rappel du contexte de cette décision

Dans le contexte de la crise des subprimes et de la découverte de la fraude Kerviel, trois plaintes en nom collectif ont été déposées en mars 2008 contre la Société Générale par des plaignants prétendant représenter l'ensemble des actionnaires de la banque. Ces trois plaintes, déposées devant la United States District Court du Southern District of New York (juridiction fédérale de première instance dans le ressort de laquelle se trouve Manhattan) ont ensuite été consolidées et ont fait l'objet du jugement rendu le 29 septembre 2010.

Au soutien de leurs plaintes, les plaignants reprochaient d'une part à la banque et à ses dirigeants :
- d'avoir fait des déclarations mensongères ou inexactes ou
- d'avoir omis de rendre publiques des informations susceptibles d'avoir un effet sur le cours des actions de la banque concernant :

  • ses mécanismes de contrôle interne (la fraude Kerviel était plus particulièrement visée par les plaignants) ; et
  • son exposition à la crise des subprimes (la communication de la banque concernant ses dépréciations d'actifs était au centre des allégations des plaignants).

Les plaignants invoquaient en outre l'existence de prétendus délits d'initiés commis par d'anciens dirigeants de la banque.

En décembre 2008, une requête en irrecevabilité des plaintes (motion to dismiss) a été déposée par Skadden, Arps, conseil de la Société Générale. Ce type de requête, qui n'a pas d'équivalent en France, consiste, en substance, à demander au juge de constater que rien dans ce qui est allégué par les plaignants ne saurait constituer, à supposer même que leurs allégations soient avérées, une violation du droit boursier américain et, en conséquence, de débouter les plaignants de toutes leurs demandes.

La décision rendue le 29 septembre par le tribunal fédéral de New York a fait droit à cette requête en irrecevabilité déposée au nom de la Société Générale et déboute, dans des termes peu amènes, l'intégralité des demandes des plaignants.

Quels enseignements en tirer ?

Ce jugement est particulièrement intéressant dans la mesure où il nous éclaire sur la portée de la jurisprudence de la Cour Suprême des États-Unis (affaire Morrison c. National Bank of Australia). Dans sa décision de principe en date du 24 juin 2010, la plus haute juridiction américaine avait jugé que les investisseurs ayant acquis des actions de sociétés non-américaines sur des marchés non-américains ne pouvaient agir en justice aux États-Unis pour obtenir réparation sans se prononcer sur la question des porteurs d'ADR. Le tribunal saisi de la class action contre la Société Générale a jugé, en se fondant sur la jurisprudence Morrison, que tant les demandes des plaignants actionnaires que celles des plaignants porteurs d'ADR étaient irrecevables, considérant ainsi implicitement que les ADR sont, par nature, des valeurs mobilières non-américaines.

Quels ont été, selon vous, les éléments déterminants pour la réussite de cette class action ?

La réussite de cette class action repose en premier lieu sur le fait que ni la banque ni ses dirigeants de l'époque n'ont commis un quelconque manquement aux principes du droit boursier américain, ni aucune fraude, ni aucun délit d'initié. Le tribunal a en effet relevé que les plaignants n'établissaient pas que les dirigeants de la banque avaient, en connaissance de cause, fait des déclarations trompeuses sur d'éventuels défauts de contrôle interne qui leur étaient reprochés ou qu'ils auraient eu connaissance d'éventuels manquements concernant les dépréciations d'actifs annoncées par la banque en relation avec la crise des subprimes. Le tribunal a par ailleurs jugé que les allégations de délit d'initié à l'encontre des dirigeants de la banque, visés par la plainte, n'étaient pas établies.

Le second élément déterminant est la très grande technicité des équipes parisienne et new yorkaise de Skadden Arps en matière de contentieux internationaux complexes. Skadden Arps a une très grande expérience en matière de class actions notamment. Skadden a en effet par ailleurs représenté Merrill Lynch & Co., Inc. et Canadian Imperial Bank of Commerce dans des contentieux de même nature, avec le même succès que pour la Société Générale.

Propos recueillis par LegalNews

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