L’avocat pénaliste Sévag Torossian entre dans le cercle des quelques 650 conseils de la planète habilités à plaider devant la Cour pénale internationale. Avocat de l’ancien ministre palestinien Mohammed Dahlan, de la Fondation de Rothschild, du député François Rochebloine ou de la République d’Arménie, l’étoile montante au destin revanchard est issue d’une famille rescapée du génocide arménien.
"Le XXème siècle s’était ouvert sur les plaies du génocide des Arméniens pour se refermer sur la création de la Cour pénale internationale", écrivait-il en 2013 avec le Bâtonnier Pierre-Olivier Sur, dans une tribune du Huffington Post. L’arrivée à la Cour pénale internationale d’un avocat descendant de rescapés de génocide est lourde de sens. Qui défendra-t-il ? Les criminels ou les victimes ? "Tous. Je les défendrai tous. Car ils vivent en moi depuis toujours, victimes et bourreaux". Créée en 1998 par le statut de Rome, la Cour pénale internationale a ouvert une vocation universaliste aux défenseurs des grandes causes. Ce sont actuellement quelques 650 conseils (avocats, universitaires, experts) à travers le monde qui y sont habilités au compte-gouttes pour plaider les crimes les plus graves de la planète - génocides, crimes de guerre, crimes contre l’humanité. "J’ai appris le mot génocide à l’âge de quatre ans. Je l’ai depuis entendu chaque jour de ma vie. Avec un tel bagage, j’allais nécessairement mal tourner, voire devenir avocat".
La notoriété de Sévag Torossian est, comme pour beaucoup de pénalistes parisiens, attachée à son engagement pour la défense des libertés publiques, mais aussi aux grands procès de rupture du monde contemporain. Avocat de l’ancien Ministre palestinien et prétendant à la succession de Mahmoud Abbas, le député exilé aux Emirats Mohammed Dahlan, il est l’un des rares avocats à avoir pratiqué le procès de rupture au XXIème siècle. Et avec succès. Devant le Tribunal anti-corruption de Ramallah, il obtenait ainsi, en avril 2015, une décision historique devenue le symbole de l’indépendance de la justice palestinienne vis-à-vis de l’exécutif tout-puissant. Cette contribution d’un avocat français à l’avancée de l’Etat de droit en dehors de l’Occident marquait l’émergence du concept de procès équitable en Palestine.
Avocat inventif, il affectionne la défense technique, le "démontage des coups montés" comme il dit, obtient la relaxe des syndicalistes de la Maif en 2014, celle du salarié des Galeries Lafayette viré à un an de la retraite pour avoir volé dans les poubelles, du Colonel Alexis Arif, il y a quelques semaines, dans l’affaire du SDIS14 devant la 11ème chambre correctionnelle de Paris qui voit défiler les plus grosses affaires politico-financières de France.
"L’imagination est une vertu que l’on n’enseigne pas à la fac de droit", confie-t-il. Il avait, par ailleurs, été le premier à avoir conceptualisé le "droit pénal politique" en 2013, matière innovante reprise depuis par l’université.
Sévag Torossian assiste actuellement le député UDI François Rochebloine, mis en examen pour diffamation sur une plainte de la République d’Azerbaïdjan, après avoir déclaré que ce pays se comportait comme un "Etat terroriste". Il s’attaque ainsi au thème original des plaintes pénales des Etats étrangers déposées en France pour diffamation et auxquelles il entend mettre un terme. "Le législateur de 1881 n’a jamais eu pour intention de protéger les Etats-nations. Imaginerait-on les Etats-Unis ou la Russie s’évertuer à déposer des plaintes contre tous ceux qui les qualifient chaque jour de "dictature" ou de "terroriste" ? Le droit pénal n’est pas un outil de communication politique, et encore moins un outil de guerre".
Des chambres correctionnelles à la Cour pénale internationale, Sévag Torossian voit dans la mission de l’avocat pénaliste à assister des criminels et causes perdues, une vocation transcendante : "L’avocat est autant le défenseur de son client que des libertés publiques".
Le 6 juillet prochain, il défendra, dans l’un des volets de l’affaire Kouachi, le journaliste Jean-Paul Ney, renvoyé devant la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris pour avoir diffusé, le jour-même de l’attentat ayant frappé Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, l’identité des auteurs, alors que la police cherchait activement les terroristes.