Clifford Chance et Milltown Partners publient un rapport intitulé Our Relationship with AI: Friend or Foe, a Global Study, issu d’une enquête menée auprès de 1 000 experts – politiques, institutionnels et professionnels de la Tech – en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis par Milltown Partners et YouGov.
Cette publication intervient alors que les dirigeants de l'UE s’apprêtent à définir les grandes orientations réglementaires devant guider la future gouvernance de l’IA ; elle permet de dresser un état des lieux des positions des acteurs impliqués dans l’élaboration de ces orientations.
Cet état des lieux indique que les acteurs restent résolument optimistes quant au potentiel des transformations économiques et sociales que l’IA peut favoriser mais associent largement ces transformations à la nécessité de doter l’IA d’un cadre réglementaire, à l’image de la proposition de règlement européen sur l’IA (« Artificial Intelligence Act » ou « AI Act ») présentée par la Commission européenne en avril 2021. Si l’adoption d’un tel cadre est largement soutenue, seul un tiers des répondants déclare cependant avoir confiance dans la capacité du régulateur à concevoir et mettre en œuvre efficacement de telles règles.
Le rapport fait également apparaître des disparités géographiques significatives d’un pays à l’autre, les répondants en France et en Allemagne étant plus optimistes que leurs homologues au Royaume-Uni et aux Etats-Unis quant aux perspectives offertes par le développement de l’IA et la capacité du régulateur à en atténuer les effets négatifs éventuels.
Principaux enseignements du rapport
Enseignements à l'égard des perspectives positives offertes par l'IA
- 66 % des personnes interrogées perçoivent l'IA comme susceptible d'avoir un effet positif sur la société et l'économie. Les répondants allemands affichent l’optimisme le plus net (72 %) devant les répondants français et britanniques (67 %) et américains (57 %).
- La majorité des répondants (77 %) soutient le déploiement par les entreprises de systèmes d’IA touchant à des tâches quotidiennes simples et affiche un net optimisme quant à la capacité de l’IA à transformer positivement la science (88 %), la médecine (81 %) et certains flux opérationnels dans les entreprises (87 %).
Enseignements à l’égard des risques induits par l’adoption élargie des applications d’IA :
- La capacité des entreprises technologiques à maîtriser certains enjeux sociaux et réglementaires préoccupent les répondants : 76 % d’entre eux estiment que ces entreprises maîtrisent mal les enjeux liés à la désinformation, 64 % les enjeux de confidentialité et de protection des données.
- Ces préoccupations reflètent celles, plus larges, de voir le développement de l’IA aggraver les inégalités socio-économiques (pour 77 % des répondants), avoir des implications sur les libertés civiles (84 %), ou bénéficier davantage aux grandes entreprises (79 %) et aux gouvernements (53 %) plutôt qu’aux petites entreprises (44 %), à la jeunesse (42 %) et aux minorités (36 %).
- L’automatisation de tâches complexes suscite une inquiétude particulière et a tendance à diviser les répondants d’un pays à l’autre, notamment dans le cas d’applications d’évaluation des individus. Ainsi, 62 % et 51 % respectivement des répondants français et allemands déclarent avoir confiance dans l’utilisation de technologies de reconnaissance faciale par les autorités, contre 36 % et 32 % respectivement des répondants britanniques et américains. Ce niveau de confiance s’effrite nettement dans le cas d’une utilisation de technologies de reconnaissance faciale par des entreprises privées : 53 % des répondants français déclarent avoir confiance contre 40 % des répondants allemands, 24 % des répondants américains et 21 % des répondants britanniques.
Enseignements à l’égard des approches réglementaires :
- L'auto-régulation des entreprises est considérée comme une première étape positive vers un encadrement de l’IA par 46 % des personnes interrogées mais est perçue comme insuffisante par la majorité d’entre elles. Cette majorité affiche une nette préférence pour une approche réglementaire secteur par secteur (62 % des répondants disent adhérer à ce principe) et une obligation d'enregistrement des systèmes d'IA à haut risque dans une base de données gouvernementale ou gérée par l'UE (85 % des répondants se disent favorables à cette approche).
- Les entreprises n'ont pas réussi à convaincre les décideurs institutionnels que l’introduction d’une réglementation de l’IA pourrait nuire à la capacité d’innovation des Etats engagés dans cette voie (44 % des répondants se disent en désaccord avec une telle affirmation). Ces mêmes décideurs ne considèrent pas pour autant que les Etats sont en capacité de concevoir et mettre en œuvre un cadre réglementaire de l’IA efficace : seul un tiers des personnes interrogées (33 %) considère que les Etats sont susceptibles de réglementer efficacement l’IA. Les répondants français se démarquent, avec une adhésion de 56 % des répondants à l’idée que les Etats sont susceptibles de concevoir et mettre en œuvre des réglementations efficaces.
« Ce rapport fournit des informations claires sur les perceptions de l'évolution de la réglementation de l'IA par les experts interrogés en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Bien qu’il existe des divergences d'opinion au niveau régional, la nécessité d'une certaine forme de réglementation et d'orientation par les gouvernements fait consensus. En outre, il existe des domaines sur lesquels tous les pays peuvent s'entendre, comme la protection des groupes vulnérables contre les risques de biais de l'IA. Les données du rapport esquissent une feuille de route sur la façon de construire une telle réglementation et de développer une approche multilatérale entre les pays pour parvenir à une gouvernance efficace de l'IA. Elles révèlent également que les entreprises ne font pas obstacle et peuvent contribuer à façonner le cadre réglementaire émergent qui permettra de résoudre les problèmes les plus complexes liés au développement de l’IA et de garantir que l'IA soit au bénéfice de tous » explique Dessislava Savova, associée de Clifford Chance, responsable du groupe Tech à Paris et pour l’Europe continentale.