Après deux années et demie d’efforts et la mobilisation de près de 175 professionnels de l’arbitrage issus de 41 pays différents, la Chambre de Commerce Internationale (ci-après la « CCI ») a annoncé le 12 septembre 2011 le lancement d’une version révisée de son Règlement d’arbitrage qui entrera en application dès le 1er janvier 2012. Un commentaire de Marie Danis & Carine Dupeyron Avocates, August & Debouzy.
Ces nouvelles règles remplacent l’ancienne version du Règlement en vigueur depuis le 1er janvier 1998 et pourraient avoir été inspirées de la devise olympique « plus haut, plus vite, plus fort ».
Si ces nouvelles règles ne modifient pas l’approche générale de la procédure arbitrale, elles apportent toutefois des changements significatifs, autour de trois objectifs. Tout d’abord, les nouvelles règles sont particulièrement adaptées à des différends impliquant plusieurs contrats ou plus de deux parties, reflétant une évolution inéluctable des litiges portés devant les tribunaux arbitraux (I). Cette même complexification des contentieux arbitraux a entraîné la nécessité de mesures d’urgence efficaces, désormais consacrées par le nouveau Règlement (II). Enfin, le nouveau Règlement a pour ambition de réduire le temps et le coût des procédures arbitrales en modernisant la procédure, et de renforcer sa confidentialité (III).
I. « PLUS HAUT » : UN ARBITRAGE MIEUX ADAPTÉ À DES LITIGES COMPLEXES
Prenant en considération les années de pratique sous l’empire des dispositions antérieures, le nouveau Règlement CCI contient désormais de nouvelles dispositions traitant du règlement des différends complexes qui impliquent plus de deux parties ou qui sont fondés sur plusieurs contrats.
Alors que les règles de 1998 étaient sibyllines en cas d’arbitrage avec une pluralité de parties (article 10), le nouveau Règlement y consacre désormais une section entière intitulée « Pluralité de parties, pluralité de contrats et jonction ».
Demandes entre parties multiples : une partie peut désormais former des demandes contre toute autre partie sous certaines réserves énoncées par le texte et à condition que le tribunal arbitral l’autorise après la signature de l’acte de mission ou que la Cour internationale d’arbitrage l’approuve (article 8).
Contrats multiples : de la même manière, en cas de contrats multiples, des demandes découlant de plusieurs contrats ou en relation avec ceux-ci pourront être formées dans le cadre d’un arbitrage unique, qu’elles soient formées en application d’une ou plusieurs conventions d’arbitrage visant le Règlement CCI (article 9).
Intervention : le nouveau Règlement envisage également une procédure d’intervention au titre de laquelle une partie pourra, si elle le souhaite, faire intervenir un tiers comme partie à l’arbitrage (article 7). Il est à noter qu’aucune intervention ne pourra avoir lieu après la confirmation ou la nomination d’un arbitre, à moins que toutes les parties, y compris la partie intervenante, n’en soient convenues autrement.
Jonction d’arbitrage : la Cour pourra, à la demande de l’une des parties, joindre dans un arbitrage unique plusieurs arbitrages en cours soumis au Règlement dans certaines circonstances, en particulier : avec l’accord des parties, quand les demandes découlent de la même convention d’arbitrage ou encore lorsque la Cour estime que plusieurs conventions d’arbitrage sont « compatibles » (article 10).
II. « PLUS VITE » : UN ARBITRAGE DÉFINITIVEMENT PLUS RAPIDE
Si l’on ne devait retenir qu’une nouveauté du Règlement CCI, il s’agirait certainement de l’introduction d’un « juge des référés » de l’arbitrage.
Le nouvel article 29 du Règlement CCI met en place un « arbitre d’urgence » devant lequel les parties pourront solliciter des mesures conservatoires ou provisoires urgentes qui ne pourraient attendre la constitution d’un tribunal arbitral. L’arbitre d’urgence se prononcera par voie d’ordonnance, mais cette dernière ne liera pas le tribunal arbitral.
A cette fin, les parties devront donc déposer une requête au Secrétariat de la Cour d’arbitrage de la CCI (ci-après le « Secrétariat »).
Le recours à cette procédure d’urgence pourra toutefois être écarté dans trois situations. En premier lieu, lorsque la convention d’arbitrage aura été conclue avant la date d’entrée en vigueur du Règlement, c’est-à-dire avant le 1er janvier 2012, les parties ne pourront pas bénéficier de cette procédure d’urgence. Cette procédure sera également exclue si les parties sont convenues d’exclure l’application des dispositions relatives à l’arbitre d’urgence ou si elles sont convenues d’une autre procédure pré-arbitrale prévoyant l’octroi de mesures conservatoires, provisoires ou similaires.
Il faut enfin préciser que la mise en place de cet arbitre d’urgence n’empêchera pas les parties de solliciter l’octroi de mesures d’urgence auprès d’autorités judiciaires compétentes avant la saisine de l’arbitre d’urgence ou même après celle-ci selon les circonstances. En effet, la saisine d’une autorité judiciaire compétente pour obtenir de telles mesures ne constitue pas une renonciation à la convention d’arbitrage et ne contrevient pas à cette dernière.
III. « PLUS FORT » : UN ARBITRAGE ENCORE PLUS EFFICIENT
Il est désormais expressément prévu que le tribunal arbitral et les parties feront leurs meilleurs efforts pour conduire la procédure avec célérité, efficacité en termes de coûts et en toute indépendance.
Le tribunal arbitral pourra ainsi, après consultation et accord des parties, décider de mesures procédurales appropriées afin d’assurer la gestion efficace de la procédure.
Les nouvelles technologies sont encouragées : les notifications ou communications au Secrétariat et au tribunal arbitral pourront être faites par courriel ou toute autre forme de télécommunication permettant de fournir une preuve de l’envoi.
Les mesures relatives à la confidentialité de la procédure arbitrale ont également été revisitées par le nouveau Règlement. En sus des mesures que le tribunal arbitral pouvait déjà prendre pour protéger le secret des affaires et les informations confidentielles, il peut désormais également rendre des ordonnances concernant la confidentialité de la procédure ou de toute autre question relative à l’arbitrage.
Enfin, il est toujours prévu que l’arbitre doit être et demeurer indépendant des parties en cause. Le nouveau Règlement ajoute le terme « impartial », et la déclaration antérieure s’intitule désormais « déclaration de disponibilité, d’impartialité et d’indépendance ». Elle contient, comme auparavant l’obligation de révéler au Secrétariat tous faits ou circonstances qui pourraient être de nature à mettre en cause son indépendance ou à faire douter de son impartialité, cette obligation étant maintenue pendant toute la durée de la procédure d’arbitrage.
Le nouveau Règlement CCI, s’il n’est pas révolutionnaire, a pour objet de mettre en exergue les avantages de la procédure arbitrale, à savoir souplesse et célérité, et entend rassurer parties et praticiens sur la maîtrise des coûts. Ces changements avaient été souhaités par ces derniers, qui devraient désormais trouver dans le nouveau Règlement des outils supplémentaires facilitant la gestion des procédures arbitrales. Nul doute que cette modernisation, qui fait suite à la réforme du droit français de l’arbitrage, participera à la réputation de Paris, siège de la CCI, comme la ville de l’arbitrage international.
Marie Danis, Avocate Associée, August & Debouzy
Carine Dupeyron, Counsel, August & Debouzy