La tutelle, la curatelle et le droit des affaires

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Florence Fresnel - Avocat au barreau de Paris - Docteur en droitLa longévité de la vie génère des pathologies que subissent aussi les commerçants et des dirigeants d'entreprise,  si le droit commercial les ignore, celui dit de la tutelle y remédie . Ce texte l' expose brièvement. Par Florence Fresnel, avocat au barreau de Paris, docteur en droit.

Les affaires, le droit des affaires, sont des concepts graves qui invitent seuls des gens raisonnables à y participer. Actuellement apparaît avec le vieillissement de la population, (l’espérance de vie des hommes est de 78 ans et celui des femmes de 84 ans) une nouvelle problématique dans le droit des entreprises, illustrée par la célèbre affaire dite « Mme Liliane BETTENCOURT » dont l’un des enjeux est son siége au Conseil d’Administration de la société l’Oréal.. Actuellement 1.000.000 personnes sont placées sous une mesure de protection, 60% ont pour protecteur un membre de leur famille, et 40 % un professionnel, dit mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

La loi 2007-308 du 5 mars 2007 sur les majeurs protégés a établi trois protections judiciaires (la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle) et une protection conventionnelle (le mandat de protection future).

Deux de ses concepts conservent au majeur sa pleine capacité juridique (la sauvegarde de justice et le mandat de protection future) sur ce fondement nous les écarterons donc, pour simplifier la présentation.

Donc seules sont donc exposées succinctement,: la curatelle et la tutelle. La curatelle est un système d’assistance (les ¾ des mesures de protection sont des curatelles), et la tutelle est un système de représentation. Dans le premier cas, le curatélaire (la personne placée sous curatelle) accomplit seul les actes d’administration et avec l’aide de son curateur les actes de disposition (les actes les plus importants). Cette règle bénéfice d’un « bémol » important dans la curatelle dite renforcée (3/4 des curatelles) qui a pour objet de permettre au curateur, sans l’intervention du curatélaire, de percevoir seul ses revenus, d’assurer les dépenses auprès des tiers, et de déposer l’excédent sur un compte laissé à la disposition du majeur protégé. Mais c’est là la seule exception au régime général de fonctionnement de la curatelle. Enfin, dans le cadre d’un conflit entre le curatélaire et le curateur, le juge des tutelles est appelé à trancher en désignant l’un des deux comme seul habilité à agir.
Dans le second cas, la tutelle, le tuteur accomplit seul les actes d’administration et avec l’accord préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille s’il a été constitué les actes de disposition. Il lui est par contre totalement interdit d’accomplir des actes pour lesquels la qualité de commerçant était auparavant attribuée au tutélaire (la personne placée sous tutelle).

Ainsi posées, ces règles claires renvoient donc en amont à la qualification de l’acte à accomplir. En effet, antérieurement à l’application de la nouvelle loi, la Cour de Cassation avait validé la signature seule d’un contrat important d’un président d’une société placé sous curatelle renforcée, de même la Cour d’Appel de Paris les décisions d’une assemblée générale d’une société anonyme où l’un des actionnaires, curatélaire et majoritaire, avait seul participé aux votes.

La nouvelle loi a clarifié les interrogations en renvoyant à un décret qui liste grosso modo les actes principaux dans une entreprise. Eu égard aux conséquences qu’elles induisent, il les classe en actes de disposition; ainsi la candidature aux fonctions de gérant ou d’administrateur, le nantissement et la mainlevée de nantissement d’instruments financiers, (et sous la responsabilité de l’appréciation du tuteur), tout apport à la société, la cession et le nantissement de titres, le vote sur les ordres du jour du conseil qui porterait sur la reprise d’apports, la modification des statuts, la prorogation ou la dissolution du groupe, la fusion, la scission, l’apport partiel d’actifs, l’agrément d’un associé, l’augmentation ou la réduction du capital, le changement d’objet social, l’emprunt et la constitution de sûreté, la vente d’un élément d’actif immobilisé, l’aggravation des engagements des associés, le maintien dans le groupe.

De cette « liste à la Prévert », on en déduit que tous les autres actes sont des actes d’administration, ce qui résout la problématique de la tutelle, mais non celle de la curatelle. En effet, si tous les actes d’administration sont accomplis par le curatélaire seul (quand bien même il est placé sous curatelle renforcée,) on se demande comment tous les autres actes de disposition pourront être accomplis sans gêner la vie de l’entreprise si le deux membres de ce couple, qui souvent ne s’est pas choisi et qui vit une longue histoire, s’opposent.

Le recours au juge au préalable est la solution, sauf à obtenir une curatelle particulière autorisant pour les actes de disposition le curatélaire ou le curateur à agir seul.

Enfin toutes ces brèves digressions seront sans objet si, une fois par an, on ne s’assurait pas de la pleine capacité de tous les membres dirigeants de l’entreprise, « veillant ainsi à s’assurer ou non de leur vulnérabilité, c’est à dire étymologiquement « l’aptitude à être blessé » (est) bien présente en droit commercial » (rapport de la Cour de Cassation 2009 p 209).

Florence Fresnel, avocat au barreau de Paris, docteur en droit


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