Vers la disparition de la propriété intellectuelle ?

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propriete intellectuelle2Le développement des logiciels libres, l’ouverture des données publiques (Open data) semblent remettre en cause les principes du droit de la propriété intellectuelle. La propriété intellectuelle va-t-elle disparaître pour autant ?

A l’occasion de la Journée de l’innovation (JINOV) qui s’est déroulée le 2 février 2016, Philippe Coen, Directeur juridique chez The Walt Disney Company France, Olivier Cousi, Avocat au sein du cabinet Gide, Nicolas Jondet, Professeur à l’Université d’Edimbourg, Emmanuel Pierrat, Avocat associé du Cabinet Pierrat et Benjamin Jean - Président - Inno³ ont échangé sur le thème « Protection de l’innovation et république numérique ».

Le logiciel libre, objet de droit de propriété intellectuelle

jinov2016 PI1Benjamin Jean a tenu à souligner que le libre ne s’oppose pas à la propriété intellectuelle. Le logiciel libre est un objet de droit de propriété intellectuelle. L’adjectif « libre » signifie que c’est l’idée d’un bien qui est partagé. L’auteur a choisi volontairement de mettre son bien au profit de tous, de telle sorte que tout le monde puisse l’utiliser, l’adapter, le redistribuer. 

Le logiciel est distribué avec une licence qui confère des droits et partage une manière de penser. Selon Bejamin Jean, « C’est presque une charte par laquelle chacun s’engage à créer un ensemble, un bien qui sera utilisable au profit de tous.» Dans le libre, il y a aussi un cadre, une gouvernance par une association ou une fondation pour assurer la transparence et assurer la pérennité du projet. Benjamin Jean affirme que « plus aucune innovation ne se créé sans s’appuyer sur des ressources de type logiciel libre. Si ce n’est pas du logiciel libre c’est de l’Open data »

Généralisation de l’Open data avec la loi Lemaire

Ce mouvelment est accompagné par l'Etat avec notamment la loi Lemaire qui veut généraliser l’Open data à tous les acteurs publics et privés qui ont une mission ou une délégation de service public. Ces derniers auront l’obligation de mettre leurs données à disposition de tous, sous une licence qui permet à n’importe qui de reprendre et partager ces données.

Un cadre européen qui morcelle le droit d’auteur et multiplie les exceptions

jinov2016 PI2Par ailleurs, Nicolas Jondet a présenté les différentes réformes européennes du droit d’auteur. Selon lui, on assiste à un morcellement du droit d’auteur et à la multiplication des exceptions qui rend difficile l’harmonisation du droit de la propriété intellectuelle dans l’Union Européenne : « La directive de 2001 a laissé un champ libre aux Etats membres pour choisir le type d’exceptions au droit d’auteur qu’elles veulent. Il y a une exception obligatoire pour les actes de reproduction provisoires et une vingtaine d’exceptions facultatives.» Par exemple, la France détient une exception pour copie privée, ce qui n'est pas le cas au Royaume-Uni.

Le rapport du député européen Julia Reda avait pour ambition d’harmoniser le droit européen de la propriété intellectuelle (généralisation des exceptions au droit d’auteur, harmonisation de la durée de protection des œuvres à cinquante ans après la mort de l’auteur, la liberté de panorama…). Cependant, le Parlement européen l’a largement modifié en limitant ainsi sa portée, en supprimant la généralisation des exceptions au droit d’auteur et en rejetant ainsi la mise en place en Europe d’un fair use comme aux États-Unis.

jinov2016 PI3Philippe Coen voit cette évolution du droit d’auteur avec inquiétude : « Le droit de la propriété intellectuelle devient extrêmement poreux, se désagrège et ressemble à du gruyère. Si on observe les propositions de la Commission, il y a une atteinte aux droits de la création et de la créativité qui est entrepris par différents fronts. Très peu de pays défendent la notion de création.» Emmanuel Pierrat s’accorde avec les propos de Philippe Coen et ajoute que « les menaces pour les créateurs sont Google et Amazon.
« En tant que juriste, le futur doit-il être de « communiser » les droits, c'est-à-dire d’imposer une notion de licence légale, d’imposer le même régime pour tout le monde ? », se demande Philippe Coen. Celui-ci prône la liberté contractuelle comme rempart contre le développement de l’Open Source : « n’imposons pas l’Open Source aux droits des créateurs qui n’ont pas fait ce choix ».

Arnaud Dumourier (@adumourier)


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