Issue de la loi du 25 juin 2008 portant sur la modernisation du marché du travail, la rupture conventionnelle est aujourd’hui un mode de rupture du contrat de travail à durée indéterminée de plus en plus répandu.
Cette rupture d’un commun accord entre le salarié et l’employeur, n’a pas la nature d’une transaction mais obéit à une procédure spécifique et ne fait pas obstacle à l'engagement de contentieux.
Le tour d’horizon des principales décisions intervenues en la matière rappelle les obligations juridiques à respecter et les sanctions encourues.
La vigilance est de mise…
Absence de dispositions protectrices du salarié
La rupture conventionnelle ne peut avoir pour effet d'éluder les dispositions protectrices prévues par le Code du travail au profit de certaines catégories de salariés. Le non respect de ces règles est susceptible d'entraîner l'annulation de la convention qui a été conclue et selon les premières décisions intervenues, la requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec toutes les conséquences qui s'y attachent (dommages et intérêts pour licenciement sans cause, indemnité compensatrice de préavis…).
Ainsi, comme l’a précisé une circulaire DGT du 17 mars 2009, en période de suspension du contrat de travail, si la conclusion d'une rupture conventionnelle est possible dès lors que le salarié ne bénéfice d'aucune protection particulière (congé parental d'éducation, congé sabbatique, congé sans solde etc..), elle est exclue dès lors qu'au cours de ces périodes, la rupture du contrat de travail est encadrée par des dispositions protectrices (pendant le congé maternité, à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle par exemple).
Un conseil de prud'hommes est à ce titre venu préciser qu'une rupture conventionnelle ne pouvait être conclue avec un salarié ayant fait l'objet d'une première visite médicale concluant à son inaptitude (conseil de prud'hommes Les Sables d'Olonne, 25 mai 2010, Galbourdin c/ Sarl Tessier Pascal). Dans cette affaire, un salarié victime d'un accident du travail avait fait l'objet, un an après cet accident, d'un premier avis d'inaptitude à son poste. Le médecin du travail avait alors fixé un second examen, 15 jours plus tard. Toutefois, quelques jours après ce premier avis, une rupture conventionnelle avait été signée. Le second examen médical conclu à l'inaptitude du salarié à son poste et à une aptitude à un poste sans manutention lourde. Le conseil de prud'hommes saisi a annulé la rupture conventionnelle signée entre les parties en relevant que l'employeur avait utilisé la rupture conventionnelle alors qu'il avait pleinement connaissance de l'état de santé du salarié et ce, afin d'échapper à son obligation de reclassement et aux conséquences, notamment financières, de l'inaptitude. La rupture est en conséquence analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient donc d’être prudent et de veiller systématiquement à ce que le salarié avec qui est conclue la rupture conventionnelle ne bénéficie d'aucune protection spécifique contre le licenciement, hors cas des salariés protégés pour lesquels une rupture conventionnelle demeure possible et qui doit être autorisée par l'inspection du travail.
S’agissant des ruptures conventionnelles conclues dans un contexte économique, si leur conclusion est possible dès lors que la rupture du contrat ne procède pas d’un accord de GPEC (Gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences) ou d’un PSE (Plan de sauvegarde emploi), elles ne doivent pas en revanche traduire une fraude destinée à écarter les dispositions propres aux licenciements économiques.
Ainsi, sans remettre directement en cause leur validité, la Cour de cassation a jugé que lorsque les ruptures conventionnelles ont une cause économique et s’inscrivent dans un processus de réduction des effectifs, dont elles constituent l’une des modalités, elles doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel et les obligations de l’employeur en matière de PSE (Soc. 9 mars 2011 n° 10-11581). En cas de recours massif aux ruptures conventionnelles, il existe en outre un risque important de refus d’homologation de la part de l’administration et un risque réel de contestation et de requalification des ruptures qui auraient été homologuées.
Absence de contexte conflictuel
L'article L. 1237-11 du Code du travail précise que la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Le libre consentement donné par chaque partie à la rupture du contrat de travail est donc essentiel et implique que la conclusion de la convention s'inscrive en dehors de tout litige entre les parties.
A ce titre, des décisions prud'homales ont considéré que n'étaient pas valables des ruptures conventionnelles signées à la suite de l'engagement d'une procédure de licenciement voire même consécutives à la simple notification d'une sanction disciplinaire. Dans tous ces cas, il paraît en effet possible de contester que le consentement du salarié à la rupture ait été donné librement.
Ainsi, il a par exemple été jugé par le conseil de prud'hommes de Bobigny que n'était pas valable et devait dès lors être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, une rupture conventionnelle signée peu de temps après la notification d'un avertissement au salarié, compte tenu de l'existence d'un différend entre les parties qui faisait obstacle à la signature d'une convention de rupture (jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 6 avril 2010, X c/ Sarl Duo Transaction).
De même, plus récemment, la cour d'appel de Riom a jugé que n'était pas valable une convention de rupture conventionnelle signée à la suite de la convocation du salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, les éléments de fait permettant de constater que le consentement du salarié à la rupture de contrat de travail n'avait pas été donné librement (Cour d'appel de Riom, 18 janvier 2011, M. Cyl Sallé c/ Sas Energreen Developpement).
Le conseil de prud'hommes de Bordeaux a également requalifié en licenciements sans cause réelle et sérieuse 14 ruptures conventionnelles signées à la suite d'un refus de mutation des salariés (conseil de prud'hommes de Bordeaux, 21 janvier 2011).
Il est en conséquence nécessaire de veiller à ce que la rupture conventionnelle, compte tenu du contexte dans lequel elle est conclue, ne puisse être interprétée comme l'aboutissement d'un contentieux existant entre les parties.
Respect de la procédure
Enfin, la convention de rupture doit être signée à l’issue d’une procédure organisée par le Code du travail et qui ne peut être éludée.
Ainsi, à l’issue d’un ou plusieurs entretiens, les parties signent un formulaire de demande d’homologation qui revêt un caractère obligatoire. Sur ce point, la cour d’appel de Lyon vient de préciser que la convention de rupture, y compris lorsqu’elle se résume au seul formulaire prévu par l’administration, doit être établie en autant d’exemplaires qu’il y a de parties, être revêtue de la mention « lu et approuvé » et être datée et signée par chaque partie. A défaut le libre consentement du salarié ne pourrait être garanti et la rupture susceptible d’être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse comme dans cette affaire (cour d’appel de Lyon, 23 septembre 2011).
A compter de la signature de la convention de rupture conventionnelle, chaque partie dispose d'un délai de réflexion de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation, sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie.
Cette rétractation peut prendre la forme d’un email émanant du salarié dès lors qu’il est en mesure de justifier de sa date de réception par l’employeur ou pour l’employeur d’une convocation du salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement dans le délai de 15 jours (cour d’appel de Bourges 16 septembre 2011).
Ce délai de 15 jours est en outre intangible. Ainsi, la convention de rupture adressée à l’administration avant l’expiration de ce délai de 15 jours est nulle et la rupture du contrat produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (cour d’appel de Lyon 26 août 2011).
A l’issue de ce délai de rétractation, les parties peuvent adresser à la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) la demande d’homologation de la rupture conventionnelle, laquelle dispose alors d’un délai de 15 jours ouvrables pour instruire cette demande.
Un éventuel refus d’homologation comme tout contentieux relatif à la convention et son homologation pourra ensuite être porté devant le conseil de prud’hommes.
La cour d’appel de Versailles a récemment jugé que le conseil de prud’hommes était investi d’un pouvoir d’appréciation global en sorte qu’en cas de contestation d’un refus d’homologation de la part de l’administration, il avait compétence pour homologuer la convention de rupture, sans qu’il soit dès lors nécessaire qu’une nouvelle demande soit formée auprès de la Direccte (cour d’appel de Versailles du 14 juin 2011).
La rupture conventionnelle est donc un procédé simple et rapide de rupture du contrat de travail mais formaliste et auquel on ne peut recourir en toutes circonstances. La vigilance s’impose donc, sous peine de lourdes sanctions.
Emmanuelle Sapène et Romain Aupoix, avocats au cabinet Péchenard et Associés
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