Le Cercle des Journalistes Juridiques lors de sa journée annuelle à Paris, ce 29 mars, s’est penché sur la question de l’usage des réseaux sociaux et plus particulièrement sur ses conséquences au plan professionnel.
Etre présent sur les réseaux sociaux, c’est déjà augmenter ses chances d’être recruté. En 2017, selon l’INSEE, sur près de 50% des entreprises recourant à ce type de média, plus de la moitié recherchait des employés par ce biais. Mais si le virtuel peut représenter de surprenantes opportunités de carrière, il laisse aussi des traces indélébiles d’un dérapage vite arrivé. Alors faut-il mettre en avant sa vie privée ou ses opinions personnelles ? Comment se protéger ? Et comment préserver sa crédibilité professionnelle ? Autant de problématiques auxquelles la conférence pour la journée annuelle du Cercle des Journalistes Juridiques a tenté de répondre, ce 29 mars.
Une ouverture du champ des possibles professionnels
Exhiber sa vie personnelle sur les réseaux peut s’avérer payant et Arnaud Bovière en est la preuve vivante. L’ancien enfant des hôpitaux de Paris s’est lancé, durant son traitement médical, dans l’écriture d’une pièce de théâtre inspiré ce qu’il vivait alors. Quelques années plus tard, le texte prend vie. « Je souhaitais que des médecins puissent assister aux représentations. J’en ai alors contacté une cinquantaine en leur racontant mon histoire par LinkedIn. Cela a pris une ampleur que je n’avais pas imaginé », raconte le dramaturge. Après le succès incroyable provoqué par son storytelling, il est ensuite devenu ambassadeur du réseau avant de créer sa propre agence de communication.
Mais se dévoiler comme l’a fait ce jeune parisien est-il toujours une bonne idée pour les professionnels ? Sophie Challan Belval, avocate au barreau de Rouen, est partagée : « Sur mon compte Twitter, je mélange professionnel et personnel. Je trouve qu’il est important que l’on comprenne que les gens de justice sont des humains qui font de leur mieux. Cependant je suis sous pseudonyme pour ne pas que mes clients redoutent que je fasse moins bien mon travail si par exemple, ma voiture est tombée en panne la veille », confie-t-elle.
Le pseudonyme, un bouclier à double tranchant
L’anonymat ne permet pourtant pas tous les écarts. « Sur Twitter, il faut se rappeler que nos publications sont des écrits bien que l’on parle sur le ton de la conversation », alerte Dominique Coujard, magistrat en disponibilité et ancien président de la cour d’assises de Paris. Le désormais adepte du petit oiseau bleu est réservé quant à l’utilisation du réseau par les juges : « Quand j’étais en activité, je n’avais aucun compte. S’exprimer publiquement était incompatible avec ma profession : un juge a un devoir de réserve et doit être impartial ».
Le Conseil Supérieur de la Magistrature l’a d’ailleurs péniblement rappelé en 2014 avec la sanction de deux magistrats à la suite d’un échange de tweets. Bien que les concernés aient été sous couvert d’un pseudonyme, ils avaient partagé en temps réel sur le déroulement d’une audience pénale et leur identité avait pu être retrouvée. Pour les avocats aussi, les devoirs de délicatesse, d’absence de dénigrement ou de confraternité doivent être respectés en tous cas selon le Conseil national des barreaux. Guillaume Didier, magistrat en disponibilité et directeur général délégué du cabinet de communication Vae Solis, insiste : « Le pseudonyme est un piège. Avant chaque tweet, il faut se demander si l’on est capable de l’assumer et je pense que lorsque je publie avec mon vrai nom, je suis bien plus prudent. » Cela n’empêche pas l’ancien porte-parole du Ministère de la Justice de partager aussi une partie de sa vie privée avec ses abonnés.
Louise Jammet