Les acquéreurs devront protéger au mieux leurs intérêts afin d’éviter toute nullité de leur acquisition, ce qui devra passer entre autres par l’analyse des chances de succès du pourvoi en cassation de l’Etat devant le Conseil d’Etat.
Le 16 avril 2019, la cour administrative d’appel (CAA) de Paris a annulé la décision de l’Etat rendue publique le 4 décembre 2014 de céder à la société Casil Europe 49,99 % du capital de la société Aéroport de Toulouse-Blagnac, l’autorisation du ministre chargé de l’économie du 7 avril 2015, et l’arrêté des ministres chargés des finances et de l’économie du 15 avril 2015 fixant les modalités du transfert au secteur privé de ces parts de capital.
La CAA de Paris a jugé que la sélection de Casil Europe avait été effectuée en méconnaissance de la procédure prescrite par le cahier des charges de cession, entachant ainsi la cession d’illégalité.
En effet, cette procédure était prévue en plusieurs étapes, à savoir l’admission des candidats à présenter une offre, l’admission des candidats retenus à présenter une offre indicative, l’analyse des offres indicatives et l’admission des candidats à présenter une offre irrévocable et inconditionnelle, l’analyse des offres irrévocables et inconditionnelles et l’admission des candidats à présenter une offre ferme et le choix de l’offre ferme retenue.
Or, les membres de la société Casil Europe ont évolué au cours de la procédure, puisque les sociétés Shandong Hi-Speed Group et Friedmann Pacific Asset Management dont la candidature conjointe avait été admise à présenter une offre, de même que la SNC Lavalin, se sont réunies pour présenter une offre indicative conjointe puis une offre irrévocable et inconditionnelle, la SNC Lavalin s’étant retirée avant le dépôt des offres fermes.
Si le tribunal administratif de Paris avait quant à lui considéré que ces changements ne constituaient pas une méconnaissance du cahier des charges de cession qui ne comportait aucune interdiction de modifier les membres du groupement conjoint entre l’offre indicative et l’offre ferme, la CAA de Paris a retenu une telle méconnaissance, dès lors que l’Etat a nécessairement pris en compte les garanties techniques et financières de la SNC Lavalin pour admettre le groupement à présenter une offre indicative, puis une offre irrévocable et inconditionnelle puis une offre ferme, alors que la SNC Lavalin a décidé de se retirer, ce qui modifiait nécessairement l’appréciation de l’offre du groupement à chaque étape d’admissibilité. L’agence des participations de l’Etat (APE) ayant indiqué aux termes d’un communiqué de presse du 7 mai 2019 se pourvoir en cassation, reste à savoir si le Conseil d’Etat fera prévaloir le texte du cahier des charges, ou l’esprit des procédures de mise en concurrence qui impose de respecter les principes de transparence et d’égalité de traitement des candidats.
Dans l’attente de cette décision, l’arrêt de la CAA de Paris ne sera pas exécuté, étant précisé que s’il est confirmé, les requérants devront demander son exécution devant les juridictions judiciaires afin de faire annuler la cession qui serait entachée de nullité. Ce risque n’a pas empêché les acquéreurs potentiels des titres de Casil Europe dans la société Aéroports de Toulouse-Blagnac de se positionner à la suite de l’annonce faite de leur cession. « Les acquéreurs devront protéger au mieux leurs intérêts afin d’éviter toute nullité de leur acquisition, ce qui devra passer entre autres par l’analyse des chances de succès du pourvoi en cassation de l’Etat devant le Conseil d’Etat. » indique Yamina Zerrouk, Associée fondateur du cabinet d’avocats d’affaires Sekri Valentin Zerrouk, en charge de la practice de droit public.
Comme le soulignait déjà la cour des comptes dans son rapport d’octobre 2018, la procédure prescrite par le cahier des charges de la privatisation de l’aéroport de Toulouse n’était pas suffisamment aboutie, comparée à celles des aéroports de Nice et de Lyon brillamment réussies.
Cet incident inédit montre l’importance de la check list avant tout décollage d’un projet de privatisation !