Mesures anti-corruption : quand la mise en conformité se privatise

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doriane delestrangeL'augmentation des relations économiques avec des partenaires commerciaux émergents a entraîné l'adoption de plus en plus de mesures et lois anticorruption que les entreprises doivent respecter. Dans ce contexte, de nouveaux acteurs d'aide à la mise en conformité font leur entrée dans le secteur privé, venant ainsi concurrencer les institutions traditionnellement en charge de ces questions.

Le début du XXIème siècle a vu émerger de nouvelles puissances sur la scène internationale auxquelles on a donné le nom de BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, puis Afrique du Sud qui s’est ajoutée au groupe par la suite). La France, comme de nombreuses puissances occidentales, a développé d’importantes relations commerciales avec ces acteurs aujourd’hui devenus incontournables.

Pour ne citer que deux d’entre eux, le Brésil est devenu le 8ème partenaire commercial de la France pour ses importations et le 18ème pour l’export1. Quant à la Chine, premier partenaire commercial de l’Allemagne, elle est devenue le 8ème partenaire de la France2.

Si les relations commerciales florissantes avec ces Etats sont un enjeu déterminant pour nos économies, elles peuvent cependant s’avérer risquées lorsque la corruption fait son entrée dans l’équation.

Le big bang de l’anticorruption

En effet, si ces pays sont aujourd’hui devenus des partenaires économiques attirants pour les investisseurs européens, il reste encore beaucoup à faire dans le cadre de la lutte contre la corruption et la prise illégale d’intérêts. Le récent scandale Odebrecht, qualifié de plus grande affaire de corruption de l’histoire3, en est une des meilleures illustrations.

En 2016, cette entreprise de construction sud-américaine est accusée d’avoir versé des pots de vins de plusieurs centaines de millions d’euros au monde politique pour remporter d’importants marchés publics dans plus de 10 pays d’Amérique latine.La réaction qu’a entraîné le scandale Odebrecht est inédite en ce qu’elle a permis la mise en place de nouvelles mesures anticorruption dans tout le continent sud-américain (nouvelles législations, renforcement du pouvoir des agences anticorruption, nouveaux systèmes d’audit, etc.)4.

En Chine également le risque de corruption est omniprésent et représente un réel danger pour tout partenaire commercial. Le Président Xi Jinping a lancé dès son arrivée au pouvoir une vaste campagne d’assainissement et de moralisation des pratiques entraînant le limogeage et l’emprisonnement de nombreux responsables politiques5.

Mais les réactions à la corruption ne sont pas exclusivement locales. En France, la loi SAPIN II adoptée fin 2016 impose désormais la mise en place de mesures de vigilance par les groupes de plus de 500 salariés et au CA annuel supérieur à 100 millions d’euros. Ces mesures sont destinées à prévenir les situations de corruption, trafic d’influence ou de prises illégales d’intérêts6.

Les aides à la décision de l’anticorruption

Comme bien souvent, la responsabilité d’implémenter les nouvelles législations incombe aux entreprises. Mais dans un contexte de normalisation tous azimuts, le compliance officerest une denrée rare. Les profils recherchés (des juristes de plus de huit ans d’expérience, avec une expérience forte dans la compliance) s’arrachent à prix d’or. En outre, les directions juridiques sont débordées :selon une enquête Fed Legal sur les professionnels de la compliance, seuls 19% d’entre elles se consacrent entièrement à ces sujets. 63% ne peuvent s’en préoccuper qu’à mi-temps… malgré les impératifs de plus en plus stricts.

La nature (et le monde de l’entreprise) ayant horreur du vide, des solutions ont émergé ces dernières années,proposant des offres toujours plus tournées vers l’aide à la compliance. C’est le cas de Global Risk Profile (GRP), un cabinet spécialisé dans la Due Diligence, qui vient de lancersonGlobal Corruption Index qui rend compte du niveau de corruption tant dans les secteurs publics que privés de 199 pays. « L’indice de Transparency International s’intéresse à la perception de la corruption dans le secteur public, nous avons voulu apporter une vision plus globale et complète en y intégrant notamment la corruption privée  » expliquait Joël Pastre, le président et fondateur de GRP, au site spécialisé le Portail de l’Intelligence Économique. Un ajout qui n’a rien d’anodin, au vu du glissement des mesures anticorruption vers le secteur privé, et qui vient grossir la palette de solutions du cabinet-conseil dans le risque pays et l’anticorruption en général.

Automatisation et intelligence artificielle

Enfin, à ces outils d’aide à la décision se greffent aussi des solutions d’analyse automatisées, voire des incartades dans l’intelligence artificielle.GRP s’est déjà positionnée sur le premier créneau, en proposant aux professionnels de la compliance un système de gestion de risques tiers sous forme de logiciel. Elle complète ainsi sa gamme de solutions de Due Diligence, misant sur la symbiose désormais incontournable entre l’innovation technologique et l’intelligence humaine. « L’automatisation permet d’optimiser les processus, explique Joël Pastre, « libérant le temps aux consultants grâce à la délégation de tâches utiles mais répétitives et chronophages aux machines ».

Mais l’entreprise n’est pas la seule à se positionner sur ce créneau. En 2016, Alexandre Grellier, cofondateur du cabinet Drooms, spécialiste des data rooms virtuelles, annonçait déjà sa volonté d’investir dans l’intelligence artificielle pour faciliter la due diligence dans les M& A. Des jeunes pousses comme Octobot Conseil, sorte de « Société.com » à la chinoise, vont plus loin. Fondée par le consultant en intelligence économique Samuel Richer, Octobot propose, grâce à une IA maison,des rapports de due dilligence automatisés à partir d’articles de presse, de procédure judiciaires publiéesou encore des réseaux sociaux.

Autant d’outils annexes qui vont aider le compliance officer à naviguer dans un marché où la mise en conformité devient, plus qu’une obligation réglementaire, un avantage compétitif.

Doriane de Lestrange,
Française, basée à Bruxelles,
Ancien avocat devenue journaliste, rédacteur et analyste. Elle se concentre sur les questions européennes, stratégiques et macroéconomiques.

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NOTES

1.http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEchangesPays?codePays=BRA
2.https://fr.statista.com/infographie/12439/la-chine-8eme-partenaire-commercial-de-la-france/
3.https://www.bbc.com/news/business-43825294
4.https://www.washingtonpost.com/politics/2019/05/23/how-one-companys-deep-web-corruption-took-down-governments-across-latin-america/?noredirect=on&utm_term=.9bae86662a1b
5.https://www.capital.fr/entreprises-marches/chine-la-lutte-contre-la-corruption-encore-insuffisante-dit-xi-1296434
6.https://www.economie.gouv.fr/transparence-lutte-contre-corruption-modernisation


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