Face aux procédures extraterritoriales engagées contre des entreprises françaises essentiellement par la justice américaine, Raphaël Gauvain, député LREM de Saône-et-Loire, propose de moderniser la loi de blocage de 1968. Explications.
Le rapport Gauvain ne se limite à préconiser la protection des avis juridiques des entreprises. Il recommande également de moderniser la loi de blocage de 1968. La loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères dite « loi de blocage », vise à restreindre la communication de documents et renseignements dans le cadre de procédures judiciaires à l’étranger afin de protéger les intérêts français.
Or, le constat est que les entreprises françaises ne disposent pas aujourd'hui des outils juridiques efficaces pour se défendre contre les actions judiciaires extraterritoriales engagées à leur encontre, que ce soit par des concurrents ou par des autorités étrangères. « La règle du droit est devenue aujourd’hui une arme de destruction dans la guerre économique que mènent les Etats-Unis contre le reste du monde, y compris contre leurs alliés traditionnels en Europe », a affirmé Raphaël Gauvain lors du colloque qu’il a organisé vendredi 25 octobre 2019 à l’Assemblée nationale sur les procédures extraterritoriales.
BNP Paribas, Alstom, Crédit Agricole et Société Générale ont déjà fait les frais de ces procédures représentant des milliards d’euros d’amende. « Les entreprises françaises sont entre le marteau et l'enclume » dans un processus de négociation de façade, a fait remarquer Astrid Mignon Colombet, Managing Partner, Soulez Larivière & Associés. Au final, elles n’ont pas d’autre choix que de « s’auto-incriminer » en payant les amendes.
Aussi, afin de moderniser la loi de blocage pour rétablir la souveraineté et protéger les entreprises françaises, Raphaël Gauvain propose de créer un mécanisme obligatoire d'alerte en amont, d’accompagner les entreprises avec le SISSE (Service de l'Information Stratégique et de la Sécurité Economiques) mais aussi d’augmenter la sanction prévue en cas de violation de la loi. Joffrey Célestin-Urbain, chef du SISSE, a expliqué avoir mis en place des groupes de travail avec les entreprises pour tester le dispositif et « produire du droit utile ».
Cependant, les entreprises regardent ce projet avec scepticisme. Ainsi, Joëlle Simon, représentante du MEDEF, a fait part de ses craintes estimant notamment que le délai de deux mois pour traiter une information est trop long. La question de la définition de l'information sensible est également complexe. Il faut aussi que les entreprises aient la garantie que les informations transmises au SISSE sont en sécurité, selon la représentante du MEDEF. « Le dispositif doit être simple, pragmatique, flexible et compatible avec le temps des affaires » a-t-elle lancé.
Arnaud Dumourier (@adumourier)
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