Vers une protection des avis juridiques des entreprises ?

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Le colloque sur les procédures extraterritoriales, organisé par le groupe parlementaire LREM le vendredi 25 octobre 2019 à l'Assemblée nationale, a été l’occasion de revenir sur  la question de la protection des avis juridiques des entreprises à l'aune du Rapport Gauvain.

En ouverture du colloque sur les procédures extraterritoriales qui s’est déroulé le vendredi 25 octobre à l’Assemblée nationale, le député LREM de Saône-et-Loire Raphaël Gauvain a rappelé les trois mesures phares de son rapport sur la protection des entreprises françaises contre les lois extraterritoriales remis en juin dernier au Premier ministre Edouard Philippe. Ainsi, la première mesure préconisée est de permettre aux juristes d’entreprise de bénéficier de la protection de la confidentialité des avis juridiques en entreprise avec la création d’un statut d’avocat en entreprise doté de la déontologie de l’avocat. La deuxième mesure consiste à moderniser la loi dite de blocage de 1968 pour la rendre plus efficiente. Enfin, la troisième mesure doit permettre de contrer le Cloud Act en instituant un « RGPD pour les personnes morales » afin de protéger les données des entreprises européennes.
Pour le député, « les procédures extraterritoriales sont instrumentalisées par les pouvoirs publics américains dans le cadre de la guerre économique au profit des entreprises américaines. L’ambition du rapport est de rétablir notre souveraineté et de protéger les entreprises ».

Une nécessaire protection ?

En ce qui concerne la protection des avis juridiques des entreprises, le sujet fait toujours débat. Irène Luc, vice-présidente de l’Autorité, a indiqué qu’au regard du droit de la concurrence européenne, une telle reconnaissance ne paraît pas envisageable, car contraire à la jurisprudence. « La France ne pouvant pas adopter une loi contraire sans risquer une action en manquement ».
De même, Guillaume Daïeff, premier vice-procureur de la République souligne qu’en matière pénale « aligner le secret professionnel de l’avocat sur celui du juriste d’entreprise aboutira à tuer l’enquête. Il n’y aura plus de perquisitions dans les entreprises. »

David Schimmel, Associé chez Foley Hoag pense lui au contraire que la protection des avis juridiques des entreprises est nécessaire parce que « l'absence de statut d'avocat en entreprise pose un problème d'égalité des armes pour les entreprises françaises face aux entreprises américaines ».
Aussi, il s’est félicité des conclusions du Rapport Gauvain qui « permet un bond en avant significatif pour les #entreprises françaises avec le statut d'avocat en entreprise en reconnaissant que le juriste d'entreprise est de plus en plus important. ».

Le colloque a été l’occasion pour Marc Mossé, président de l’AFJE, de rappeler la position de l’association qui demande depuis de nombreuses années le statut d’avocat en entreprise ainsi que la protection des avis juridiques mais « reste ouvert aux discussions » sur le sujet.
Pour le directeur juridique de Technicolor, Adrien Cadieux, l’absence de protection des avis juridiques le conduit à recommander à son équipe de juristes de ne pas faire d'avis juridiques par écrit et de limiter les communications par mail expliquant que sa messagerie est saisie tous les dix-huit mois.

Le barreau de Paris favorable à une expérimentation de l’avocat en entreprise

Marie-Aimée-Peyron, bâtonnier de Paris, indique que le barreau de Paris, a déjà adopté une disposition qui autorise les avocats à exercer en entreprise dans les pays qui l’autorisent tout en restant membre du barreau de Paris , « ce qui signifie qu’aujourd’hui un avocat au barreau de Paris peut exercer en entreprise un peu partout dans le monde sauf en France… ».
Elle est également favorable à une expérimentation de l’avocat en entreprise, permettant aux juristes d’acquérir le titre d’avocat. « Il y a un moment dans l’Histoire où les choses sont inéluctables. Soit nous restons en arrière, soit nous décidons d’être compétitifs par rapport à nos entreprises », ajoute-t-elle.

La question de la définition du secret et de son périmètre apparaît fondamentale. « Il faut une définition matérielle du secret. La loi doit dire ce qu’est l’avis juridique et de quelle manière il doit être protégé ».

Le gouvernement semble vouloir avancer sur ce sujet. « La reconnaissance de la confidentialité des avis juridiques pourrait permettre de renforcer l'attractivité de nos entreprises et de promouvoir notre place du droit » affirme Nicole Belloubet, ministre de la Justice, qui a également indiqué qu’elle serait « très attentive aux conclusions de ce colloque ». Alors que des discussions se poursuivent au sein du gouvernement, des premiers arbitrages pourraient être pris au mois de novembre. « Nous sommes à la recherche d'une solution. Il y a urgence pour obtenir des actes qui manifestent un retour à notre souveraineté » déclare la ministre.

Arnaud Dumourier (@adumourier)


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