Le 16 décembre dernier, à l'approche de la réforme de la procédure civile qui est entrée en partie en vigueur le 1er janvier 2020, le barreau de Paris a organisé une réunion d'information et de formation en présence de plus de 900 avocats. A cette occasion, Jean-François de Montgolfier, directeur des Affaires civiles et du Sceau, Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de Paris, Natalie Fricero, professeure des universités, membre du Conseil supérieur de la magistrature, Alexandra Aumont, Laurence Krief, Florent Loyseau de Grandmaison et Hirbod Dehghani-Azar, membres du Conseil de l’Ordre, ont tour à tour décrypté les dispositions du décret du 11 décembre 2019 et analysé ses conséquences pratiques.
L’objet principal de ce texte est de tirer les conséquences de la fusion du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance, pour former depuis le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire, ce qui implique cinq changements importants.
L’unification et la simplification des modes de saisine
Les modes de saisine des juridictions passent de quatre à deux : l’assignation et la requête. La déclaration au greffe est désormais réservée à l'appel. De nouvelles mentions deviennent obligatoires telles que l'adresse électronique, le numéro de téléphone du demandeur ou de son avocat, le lieu, le jour et l'heure de l’audience ainsi que la liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Le nouvel article 56 n’oblige plus à justifier dans l’assignation des tentatives amiables dès lors qu’il ne s’agit pas d’une procédure pour laquelle les tentatives de MARD sont obligatoires.
Le renforcement du caractère obligatoire des modes alternatifs de règlements des litiges
Le décret précise les cas dans lesquels le demandeur doit justifier, avant de saisir la juridiction, d’une tentative de conciliation, de médiation ou de convention de procédure participative en précisant les notions de conflits de voisinage, de délai raisonnable et de motif légitime. Le seuil en deçà duquel cette tentative est obligatoire passe de 4000 à 5 000 euros (article 819 et 819-1). L’assignation comporte, à peine de nullité dans ces cas précis, l’obligation de mentionner les diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable du litige.
Les ajustements de procédure
Le décret ajuste les procédures puisque les pouvoirs du juge de la mise en état sont étendus. Il peut, depuis le 1er janvier, statuer sur les fins de non recevoir y compris quand il sera question de trancher une question de fond.
Des ajustements relatifs aux conditions de la procédure sans audience devant le tribunal judiciaire et au mécanisme facultatif de règlement des questions de procédure au sein du tribunal judiciaire sont également prévus par la réforme. Plus précisément, la procédure sans audience sera conditionné à un accord des parties. Elle est également étendue à la procédure orale avec un certain nombre de garanties concernant le contradictoire.
Concernant le mécanisme facultatif nouveau de règlement des questions de procédures dans le tribunal judiciaire, un mécanisme de renvoi de juge à juge par simple mention de dossier avant l’audience a été mis en place. En cas de difficulté, il est possible de demander au président du tribunal de trancher sur l’attribution du juge compétent.
L’extension de la représentation obligatoire par avocat
Le décret introduit une nouvelle définition du champ de la représentation obligatoire par un avocat, à savoir, d’une part pour toutes des demandes d’un montant supérieur à 10.000 euros devant le tribunal judiciaire, le tribunal de commerce, le juge de l’exécution et en référé et, d’autre part, pour toutes les matières relevant du champ de compétence exclusive du tribunal judiciaire quel que soit le montant de la demande.
Renversement de principe : les décisions de première instance sont exécutoires de droit par provision
Le passage au principe selon lequel les décisions de première instance seront exécutoires de droit par provision est sans doute la réforme la plus importante parce qu’elle renverse le principe. Deux exceptions à ce changement de principe : d'une part elle concerne le contentieux prud’homal ; d'autre part, le juge lui-même peut décider d’écarter l’exécution provisoire à un motif seulement : s’il estime que la nature de l’affaire est incompatible avec l’exécution provisoire.
En cas d’appel, la défense pourra également demander l’arrêt de l’exécution provisoire en justifiant de deux circonstances cumulatives : des conséquences manifestement excessives de l’exécution et l'existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation.
Si certains, comme Natalie Fricero, voient dans cette réforme « une revalorisation du rôle des avocats », qui pourront notamment maîtriser le calendrier de la procédure avec la procédure participative de mise en état, la plupart des participants à la réunion d'information l'ont jugée déconnectée de la réalité de leur quotidien. Le président du tribunal judiciaire de Paris, Stéphane Noël, s’est engagé « à tout faire dans les prochaines semaines pour que tout fonctionne bien », et à être attentif aux difficultés qui pourraient surgir.
Alice Magar