Présenté par le gouvernement comme un outil écologique pour lutter contre le recours à la voiture, le vélo est aussi, au temps du Covid-19, une solution pour sécuriser le retour des salariés sur leur lieu de travail. Une opportunité pour les entreprises de renforcer leur stratégie RSE qu’elles ont su saisir, comme en témoigne l’opérateur de vélo-mobilité Green On et l’un de ses clients Boursorama.
« Etat, cyclistes, collectivités territoriales, entreprises, associations : chacun a un rôle à jouer pour faire du déconfinement un moment propice au vélo, un mode de transport bon pour la santé, pour la planète et pour le porte-monnaie », a déclaré Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire. Le 13 avril 2020, le président Emmanuel Macron annonçait la date présumée du déconfinement sur le territoire. En l’espace de quelques jours, le vélo est passé du rouge au vert sans attendre le 11 mai.
Le 29 avril dernier, le ministère de la Transition écologique et solidaire dévoilait un plan de 20 millions d’euros, en partenariat avec la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), pour aider et inciter les Français à recourir au vélo (et pas à la voiture) pour leurs déplacements post-confinement : prise en charge à hauteur de 50 euros hors taxe pour la remise en état d’un vélo au sein d’un réseau de réparateurs référencés, financement jusqu’à 60% des coûts d’installation de places de stationnement temporaire et formations gratuites pour apprendre à circuler en toute sécurité. A cela, ce sont ajoutées des mesures de soutien du gouvernement à la mise en place de pistes cyclables temporaires par les collectivités territoriales.
Le lendemain, à la suite d’une ordonnance rendu par le Conseil d’Etat saisi en référé par la Fédération précitée (CE, ord., 30 avril 2020, n°440179, Fédération française des usagers de la bicyclette), c’était au tour du ministère de l’Intérieur de déclarer qu’user de sa bicyclette, pendant le confinement, était juridiquement licite quel que soit le motif du déplacement autorisé par l’article 3 du décret du 23 mars 2020, mettant ainsi fin aux démangeaisons de verbalisation en la matière.
Les entreprises ont, elles, pris les devants dès le 14 avril, comme le confirme Arthur Hamot, responsable marketing et communication de Green On, société spécialisée dans la vélo-mobilité : « Les entreprises se sont mobilisées dès le lendemain de l’annonce du Président : une réaction face à l’urgence. Elles ont anticipé le fait que leurs salariés ne pourront pas prendre normalement les transports en commun. Pour éviter tout absentéisme, elles souhaitent les rendre autonomes et sécuriser leurs déplacements ». L’entreprise, qui propose depuis plus de 10 ans un service de vélo-partage électrique tant aux entreprises qu’aux collectivités, a dû adapter son offre. « A ce jour, les sollicitations sont différentes. Au lieu de répondre à une demande de mise en place de stations permettant de recharger et de sécuriser des vélos à destinations des collaborateurs, nous devons faire face à un besoin ponctuel de flottes de vélo, sans aucune installation de mobilier. Nous proposons donc une offre qui leur permet de louer des vélos reconditionnés pour trois mois. Nous verrons si, à terme, ces entreprises souhaiteront pérenniser l’usage du vélo avec un système de libre-service », explique le responsable marketing.
Ainsi, en l’espace de quelques jours, l’opérateur de vélo-mobilité a vu affluer de nouveaux clients : « nos clients historiques sont principalement des grands-comptes comme la SNCF à Rennes, des entreprises du CAC 40 et des collectivités. Aujourd’hui ce sont des start-up ou des PME de 30 à 50 salariés qui nous sollicitent », souligne Arthur Hamot. Pour faire face à cet engouement massif, la société a dû prévenir une pénurie potentielle de vélo à court terme : « nous avons mobilisé les constructeurs avec qui nous travaillons dans toute l’Europe pour qu’ils nous envoient des vélos neufs ou d’occasion que nos équipes internes reconditionneront. Nous disposons sur Paris de deux ateliers qui nous permettent de répondre aux demandes urgentes des entreprises ».
Car Green On doit aussi garantir les commandes de ses clients actuels, comme Boursorama, désireux de renforcer leur parc existant. « Pour le déconfinement, nous avons anticipé et nous augmentons la flotte de vélos et de trottinettes déjà mise à la disposition de nos 800 collaborateurs », précise Hamza Nesraki, directeur de l’immobilier et des services généraux de la banque en ligne, à l’initiative de la mise en place du système dès 2017. A l’origine ce fut un déménagement des bureaux de Boursorama sur un site excentré des transports et des commerces qui motiva le directeur à orchestrer l’installation de la station de vélo : « il y avait la volonté d’une part de montrer aux collaborateurs qu’il existait d’autres moyens que la voiture et le scooter pour circuler et, d’autre part, le souhait de simplifier leur vie en accédant plus facilement aux locaux. En outre, l’expérience des grèves a montré que le vélo était une solution très prisée ». Si, au départ, la démarche était écologique et répondait au bien-être des salariés – s’inscrivant ainsi dans la stratégie RSE de l’employeur–, elle est pour l’heure devenue une mesure visant prioritairement à préserver leur santé et leur sécurité. « Les salariés nous ont sollicité sur le sujet, inquiets de devoir reprendre les transports, dans lesquels les règles de distanciation pourront difficilement être respectées. Aussi, nous sommes prêts à poursuivre le développement de la flotte », confirme Hamza Nesraki.
On l’aura compris le déconfinement lié à la pandémie du Covid-19 est une opportunité pour les entreprises de renforcer leur stratégie RSE en mettant tout en œuvre pour sécuriser les déplacements des salariés entre leur domicile et leur lieu de travail. Si ce ne sont pas des dispositions fiscales, pourtant existantes (CGI, art. 220 undecies A, les conditions pour bénéficier de la réduction d’impôt sur les sociétés), qui motivent à cette heure les entreprises à mettre à la disposition de leurs collaborateurs une flotte de vélos, on rapportera, en guise d’incitation, la déclaration faite le 29 avril dernier par le secrétaire d’Etat aux Transports, Baptiste Djebbari : « J'encourage fortement les Français à l'utilisation des mobilités douces dans le cadre du déconfinement. Je veillerai notamment à l'accélération des textes permettant la mise en place du forfait mobilités durables qui permettra aux entreprises d'aider à hauteur de 400 € par an leurs employés utilisant le vélo, le covoiturage ou d'autres mobilités partagées pour se rendre au travail ».
Marie Beau