Vincent Ohannessian, Avocat, Wan Avocats propose une tribune sur le secret professionnel en réaction à la proposition de loi (présentée le 15 septembre dernier par 19 députés) destinée à le renforcer.
Les atteintes au secret professionnel de l’avocat en révèlent régulièrement l’insigne fragilité. Récemment, l’affaire dites des « fadettes », ces factures téléphoniques détaillées de nombreux avocats, épluchées par le parquet national financier en dehors de tout cadre légal, a conduit 19 députés à présenter une proposition de loi « visant à renforcer le secret professionnel des avocats ».
Si la motivation des parlementaires est louable, ces derniers ne tirent malheureusement pas les conséquences de leurs propres constatations, à savoir que le droit n’offre pas de garanties suffisantes à la confidentialité des échanges qui « n’est pas un privilège d’avocat » mais « un droit du citoyen ».
Et c’est bien là tout l’enjeu de la question.
Le secret professionnel est avant toute chose une obligation qui s’impose à l’avocat. Cette obligation vient essentiellement protéger les intérêts de son client. Car nul ne conteste que le respect des droits de la défense soit une nécessité impérieuse dans une société démocratique pour permettre, notamment, de rendre effectifs les principes constitutionnels que sont l’interdiction de l’arbitraire et le respect de la présomption d’innocence1.
Le combat à mener n’est donc pas celui de l’avocat. C’est celui du Citoyen.
C’est le combat pour la reconnaissance d’une liberté publique, jusqu’ici orpheline de l’écrin constitutionnel qu’elle devrait avoir au pays des Droits de l’Homme et du Citoyen : la liberté d’être représenté et défendu par l’avocat(e) de son choix et de communiquer avec lui (elle) en toute confidentialité.
Poser, une fois pour toutes, ce principe essentiel évitera l’aumône législative, l’appel aux rustines de circonstance, le colmatage de brèches toujours plus nombreuses à un secret professionnel dont les assaillants se réjouissent constamment de voir l’appel à sa protection passer pour une lutte corporatiste.
C’est pourquoi, toute proposition visant à renforcer le « secret professionnel de l’avocat », non seulement renforce l’erreur de communication que constitue l’affichage d’une revendication catégorielle intéressée, mais traduit de surcroît un aveu de faiblesse par manque d’ambition politique.
Or, intégrer cette liberté publique au bloc de constitutionnalité pourrait se faire simplement, à l’image de ce qui a été mis en œuvre pour la Charte de l’environnement2, à savoir une proclamation - composée de quelques article - référencée dans le préambule de notre Constitution.
Elaborons donc une Charte des droits de la défense, laquelle proclamera notamment la liberté de tout citoyen de communiquer confidentiellement avec l’avocat de son choix !
Ce faisant, nous renverserons le paradigme actuel : le secret professionnel n’aura plus besoin d’être sauvegardé au coup par coup législatif ; c’est au contraire chacune de ses atteintes potentielles qui devra passer au tamis le plus fin et le plus strict du contrôle du Conseil Constitutionnel.
Vincent Ohannessian, Avocat, WAN Avocats
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NOTES
1 Articles 7 et 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789
2 Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement