L’encadrement juridique des projets collaboratifs est un nouvel enjeu majeur en matière de Propriété Intellectuelle comme l’a rappelé le Ministère de l’économie par la voix de l’ APIE (Appui au patrimoine immatériel de l’État). Philippe Blot, Président de Lavoix, acteur européen majeur du secteur de la Propriété Intellectuelle (PI), analyse ces nouveaux modes d’innovation et les enjeux de valorisation et de protection juridiques qui en découlent dans cette Tribune.
L’innovation collaborative est une tendance de long terme qui apporte une nouvelle réponse à la mise en œuvre de stratégies d’innovation. Ainsi on estime que près de la moitié des grandes entreprises française hébergent aujourd’hui un incubateur, un accélérateur ou un Lab !
La complexité croissante des technologies et l’étendue des savoirs à maîtriser pour innover sont à l’origine de ces nouvelles alliances, entraînant dans le même temps une perméabilité entre les différents secteurs industriels.
Comme le souligne un certain nombre d’experts, ces partenariats innovants sont un des leviers les plus efficaces pour mutualiser les risques, partager les dépenses R&D et accélérer le cycle de l’innovation.
Ces nouveaux modèles d’innovation modifient ainsi profondément la façon de traiter les aspects de la propriété industrielle et notamment les brevets. L’anticipation devient fondamentale pour garantir à chaque partenaire le respect de son travail, de son implication dans le processus et son retour sur investissement.
Une nouvelle approche de la Propriété Intellectuelle
Les créations ou inventions issues de projets d’innovation ouverte doivent être protégées de manière adéquate. On croit parfois être propriétaire d’une innovation parce qu’on en a financé la réalisation. Or, propriété intellectuelle et financement ne vont pas forcément de pair ! Il est ainsi indispensable, dans le cadre des projets d’innovation ouverte, de mettre en place dès l’origine des règles de répartition des fruits du travail commun (copropriété, répartition par domaine, etc..).
Bien souvent, chacun entend protéger, à son seul profit, ses propres apports et il convient alors de mettre en place des outils de traçabilité décrivant précisément les étapes ayant amené à cette innovation, de tenir des cahiers de laboratoires, mais aussi de procéder à des dépôts probatoires tels que des horodatages de documents techniques.
A contrario, les nouveaux modes d’innovation n’intègrent pas forcément ces outils. En effet, l’objet de la mise en place de nouveaux modes de collaboration est souvent de lever l’ensemble des contraintes qui peuvent peser sur les équipes R&D en adoptant des modes de fonctionnement proches de ceux des start-ups.
Ainsi, les contraintes opérationnelles, techniques, matérielles, juridiques..., que l’on peut rencontrer dans de grands groupes du CAC40 ou du SBF120, sont levées dans le but de libérer l’innovation et seul le résultat compte.
Une approche que le Conseil en Propriété Industrielle (CPI) sait aujourd’hui gérer au mieux pour répondre à la mission qu’on lui confie, à savoir protéger par brevet l’innovation ainsi créée et assurer la répartition de droits entre les acteurs.
Un nouveau rôle pour le Conseil en Propriété Industrielle
Le recueil et l’identification des innovations se trouvent aussi compliqués par l’allégement des processus et l’éparpillement des responsabilités et des motivations à protéger. Le temps passé peut s’avérer plus long que lors des démarches classiques de propriété industrielle mises en œuvre dans le cadre des règles habituelles de l’entreprise mais le CPI sait concilier ces deux « mondes ».
Intégré étroitement au processus d’innovation, le CPI doit pouvoir instiller en permanence la culture du brevet pour les acteurs de l’innovation en la rendant accessible à ces personnes aux comportements largement déstructurés. Accompagnement, disponibilité, pédagogie et rigueur se marient pour répondre à ces nouveaux modes d’innovation.
Cela peut prendre la forme de revues d’innovation ou de forums périodiques de discussions pour faire émerger les inventions. En tout cas, la déclaration écrite d’invention, telle qu’envisagée par le législateur auprès de l’employeur dans le code de la PI, n’a plus lieu dans ce nouveau mode et c’est au CPI lui-même d’aller à la quête de l’invention dans ce monde fourmillant d’idées, où vitesse prime et où les échanges se font informels.
Les entreprises peuvent ainsi libérer l’innovation, et assurer également la protection par brevet d’innovations porteuses pour les années à venir.
Philippe Blot, Président de Lavoix