Prêts participatifs Relance et obligations Relance : le décret tant attendu du 25 mars 2021

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Les prêts participatifs Relance et les obligations Relance, garantis par l’Etat à hauteur de 30%, permettront aux entreprises françaises de financer, à hauteur d’un montant maximum de 12,5% de leur chiffre d’affaires 2019, leurs investissements sur 8 ans.

Le décret n° 2021-318 du 25 mars 2021 relatif à la garantie de l'Etat prévue à l'article 209 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, relatif aux prêts participatifs Relance et aux obligations Relance, a été publié au Journal officiel de la République française le 26 mars 2021.

Quel est l’objectif du dispositif ?

Présenté par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, le 4 mars 2021, ce dispositif prévoit que la garantie de l'Etat sera accordée aux fonds d'investissement alternatifs qui refinancent les prêts participatifs1 consentis par des établissements de crédit à des PME et ETI françaises ou souscrivent à des obligations subordonnées2 émises par des PME et ETI françaises. La garantie couvre les prêts participatifs consentis et les obligations souscrites entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2022.

Le décret précise que les fonds obtenus via les prêts participatifs et les obligations devront être utilisés pour financer un plan d’affaire ou d’investissement. Le décret précise également que les fonds obtenus ne doivent pas servir à rembourser des créances existantes.

L’objectif est clair : permettre aux entreprises françaises d’investir en renforçant leurs quasi-fonds propres sans ouvrir leur capital. Ces prêts participatifs et obligations devraient permettre d’injecter 20 milliards d’euros en quinze mois dans les entreprises françaises.

Quelles sont les entreprises françaises concernées ?

Ce dispositif s’adresse aux PME3 et ETI4 françaises qui remplissent les critères suivants : (i) un chiffre d’affaires 2019 de plus de 2 millions d’euros, (ii) une cotation (Banque de France ou équivalente) démontrant qu’elles ont la capacité d’honorer leur engagements financiers, (iii) ne pas, au 31 décembre 2019, faire l’objet d'une procédure de liquidation judiciaire ou être en période d'observation d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire (sauf à ce qu'un plan de sauvegarde ou de redressement ait été arrêté par un tribunal avant la date de l'octroi du prêt participatif ou de l'émission de l'obligation) et (iv) ne pas avoir bénéficié d’aide de l’Etat sous forme de mesures de recapitalisation5. S’agissant de la condition afférente à la capacité des emprunteurs/émetteurs à honorer leurs engagements financiers, il est regrettable que le décret ne précise pas la cotation qui sera effectivement requise et renvoi à la convention à conclure entre l’Etat et les fonds le soin de définir ce critère. Est-ce que, comme on a pu le lire, il s’agira d’une cotation (Banque de France ou équivalente) entre 3++ (excellente) et 5+ (assez faible) ?

Sont exclus du dispositif les sociétés civiles immobilières, les établissements de crédit et les sociétés de financement.

Quel montant les entreprises françaises pourront lever et à quelles conditions ?

Le montant des prêts participatifs/obligations sera égal à 12,5% du chiffre d’affaires 2019 pour les PME et 8,4% du chiffre d’affaires 2019 pour les ETI6.

Ces pourcentages seront réduits à 10% pour les PME et 5% pour les ETI7 si la société a bénéficié d’un prêt garanti par l’Etat (PGE), dès lors que le montant cumulé de l’encours du PGE et du prêt participatif ou des obligations représente plus de 25% de CA de 20198. Par ailleurs, dans ce cas, la société devra démontrer qu’elle remplit l’un des critères suivants: (i) une baisse du chiffre d'affaires 2020 de plus de 5 % par rapport à 2019, (ii) une réduction de la masse salariale constatée au titre de 2020 (hors activité partielle) de plus de 5 % par rapport à 2019, (iii) une baisse des investissements réalisés en 2020 de plus de 10% par rapport à 2019, (iv) une rédaction des charges liées à des contrats de sous-traitance au titre de 2020 de plus de 10 % par rapport à 2019 ou (v) une réduction des commandes enregistrées et non livrées constatées au 31 décembre 2020 de plus de 10 % par rapport à 2019. De plus, la société devra respecter un ratio endettement (y compris prêts participatifs ou obligations) sur fonds propres inférieur à 5 et le montant du prêt participatif ou des obligations devra être inférieur à la moitié de ses fonds propres.

Les prêts participatifs auront une durée de 8 ans, avec un différé d’amortissement du principal minimum de 4 ans. Les obligations seront intégralement remboursables au bout de 8 ans.

Le dispositif ne mentionne pas le taux d’intérêt applicable. On sait qu’il devra tenir compte du coût de la garantie de l’Etat fixé à 90 points de base pour les créances détenues sur des PME et 180 points de base pour les créances détenues sur des ETI. Les acteurs du marché parlent d’un taux d’intérêt de 4 à 5,5% pour les PME et 6% pour les ETI.

La garantie de l’Etat couvre 30% du principal des prêts participatifs/obligations acquis par les fonds. Les établissements de crédit, sociétés de financement et les sociétés de gestion conserveront 10% du risque afin d’assurer un alignement des intérêts avec les investisseurs. De plus, les conventions à conclure entre le ministère de l’économie et les fonds préciseront les conditions relatives à l’état et la composition du portefeuille du fonds, notamment en ce qui concerne l’exposition par taille, secteur et notation des emprunteurs/émetteurs et le nombre minimal de créances à détenir par le fonds. L’enjeu est de rassurer les investisseurs sur la qualité et diversification des créances. Ces conventions constituent la dernière étape pour la mise en œuvre du dispositif qui devrait être disponible mi-avril.

Pour finir, on peut se demander si, comme pour le PGE, le Trésor publiera une foire aux questions relative à ce dispositif permettant de répondre aux interrogations des parties prenantes.

Laure Bonin, Associée, August Debouzy

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1 Articles L. 313-13 et suivants du Code monétaire et financier (CMF).

2 Contrairement aux prêts participatifs pour lesquels la subrogation est légale (cf. article L. 313-15 du CMF : « En cas de liquidation amiable, de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire par cession de l'entreprise débitrice, les prêts participatifs ne sont remboursés qu'après désintéressement complet de tous les autres créanciers privilégiés ou chirographaires »), les obligations Relance seront subordonnées contractuellement. En effet, le décret prévoit que le contrat devra inclure des clauses contractuelles qui « permettent de garantir que, en cas de liquidation amiable, de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire par cession de l'entreprise débitrice, les obligations ne sont remboursées qu'après désintéressement complet de tous les autres créanciers privilégiés ou chirographaires » ainsi que des clauses qui « permettent de garantir que, en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire par continuation de l'entreprise débitrice, le remboursement des obligations et le paiement des rémunérations prévues sont suspendus pendant toute la durée de l'exécution des plans de sauvegarde ou de redressement judiciaire ».

3 Les petites et moyennes entreprises (PME) au sens du règlement (UE) n°651/2014 du 17 juin 2014 sont les entreprises de moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions euros.

4 Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) au sens du décret n°2008-1354 du 18 décembre 2008 sont les entreprises qui ne sont pas des PME et qui ont moins de 5.000 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 1,5 milliard d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 2 milliards d'euros.

5 Aide accordée par l'Etat autorisée en application de la section 3.11 de l'encadrement temporaire des mesures d'aide d'Etat visant à soutenir l'économie dans le contexte actuel de la flambée de covid-19.

6 Ou pour une entreprise innovante ou une entreprise créée après le 1er janvier 2019, si ce montant est plus favorable, 100% (pour les PME) ou les 2/3 (pour les ETI) de la masse salariale constatée au titre de.

7 Ou pour une entreprise innovante ou une entreprise créée après le 1er janvier 2019, si ce montant est plus favorable, 80% (pour les PME) ou 40% (pour les ETI) de la masse salariale constatée au titre de 2019.

8 Ou deux fois la masse salariale constatée au titre de 2019.


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