Transposition de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique

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Jean-Christophe Lenné, Avocat chez ITLAWAvocats, propose une analyse de la transposition de la directive sur les droits d’auteur avec l’ordonnance du 24 novembre 2021. 

Le droit d’auteur fait l’objet d’une harmonisation européenne de plus en plus poussée. La directive du 17 avril 2019 d’harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins dans le marché unique numérique[1] est ainsi venue modifier et compléter la directive du 22 mai 2001[2] afin d’adapter ce régime de protection au contexte numérique actuel. Cette directive traite des points suivants :

  • La responsabilisation des plateformes de partage ;
  • La création d’un droit voisin au bénéfice des éditeurs de publications et agences de presse ;
  • La création d’un socle européen commun des contrats d’exploitation des droits d’auteur et des droits voisins, portant notamment sur la rémunération des auteurs, une obligation de transparence se traduisant par une obligation de reddition des comptes pesant sur les exploitants, obligations sanctionnées par la possibilité pour le titulaire des droits de mettre fin au contrat ;
  • La mise en place de nouvelles exceptions au droit d’auteur, telles que le droit de fouille de textes et de données ;
  • L’amélioration de l’accès aux œuvres indisponibles et l’octroi de licences .

Cette directive, qui devait être transposée au plus tard le 7 juin 2021 a connu un parcours de transposition chaotique, notamment en raison de la crise sanitaire, ce qui a valu à la France d’être mise en demeure par la Commission européenne de procéder à sa transposition. C’est désormais chose faite avec l’ordonnance du 24 novembre 2021[3] qui est venue achever cette transposition.

Une fois la directive adoptée, la France a commencé le processus de transposition rapidement, dès juillet 2019 pour certaines dispositions, puis en intégrant de nombreuses dispositions de transposition dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique de décembre 2019. La crise sanitaire de la Covid 19 a empêché l’examen de ce projet. Le processus de transposition en a été notablement retardé et s’est déroulé en plusieurs étapes :

  • Le droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse a été créé par une loi du 24 juillet 2019[4];
  • Une ordonnance du 12 mai 2021[5] a transposé une partie importante de la directive, notamment en ce qui concerne le socle commun des contrats portant sur l’exploitation des droits d’auteur et des droits voisins ainsi que la responsabilité des exploitants de plateformes en ligne.

L’ordonnance du 24 novembre 2021 est venue parachever cette transposition à épisodes en incorporant au droit français les dispositions suivantes de la directive :

  • Introduction de nouvelles exceptions au droit d’auteur, notamment relatives à la fouille de texte et de données, à l’utilisation d’extraits d’œuvre à des fins d’illustration dans le domaine de l’enseignement et à la conservation du patrimoine culturel ;
  • Elargissement de l’accès aux œuvres indisponibles dans le commerce au profit des institutions du patrimoine culturel au moyen de licences collectives ;
  • Extension de la gestion collective par la création de licences collectives étendues ayant vocation à s’appliquer aux auteurs non adhérents de l’organisme de gestion collective qui les met en œuvre.

Au terme de cette transposition, plusieurs constats peuvent être fait sur l’évolution du droit d’auteur :

  • Un droit d’auteur de plus en plus fragmenté, multipliant les régimes sectoriels, parfois de manière opportuniste (voir le droit voisin des entreprises de presse) au détriment de la cohérence générale ;
  • Une complexité accrue : en témoigne la multiplication des exceptions qui sont passées de 5 en 2000 à 13 aujourd’hui, définies de manières de plus en plus détaillée, le régime des licences collectives, étendues ou non, ou encore la responsabilité des plateformes de partage de contenus en ligne ;
  • Un droit d’auteur éclaté : le code de la propriété intellectuelle renvoie de plus en plus à des accords professionnels étendus qui viennent préciser le contenu des droits ;
  • Un amoindrissement constant du droit exclusif de l’auteur au profit de la gestion collective ;
  • Un déplacement du centre de gravité du droit d’auteur vers les utilisateurs.

Sur un plan plus pratique, il faut attirer l’attention du lecteur sur une conséquence peu débattue des nouvelles dispositions relatives à la rémunération de la cession des droits d’auteur et des droits voisins.

Celles-ci étendent le principe de rémunération proportionnelle de la cession des droits d’auteur au bénéfice des artistes-interprètes, ce qui devraient remettre en cause profondément les pratiques et les habitudes françaises.

Jusqu’à la transposition de la directive de 2019, les contrats renvoyaient très souvent pour la fixation de la rémunération des cessions de droits des artistes interprètes à des accords collectifs qui ne répondent plus aux exigences légales.

 En attendant une mise à niveau de ces accords, les contrats devront donc être repensés et réécris pour tenir compte de l’évolution de la protection des artistes interprètes.

Le droit d’auteur est un droit vivant auquel il faut prêter une attention constante !

Jean-Christophe Lenné, avocat directeur des pôles Propriété Intellectuelle, Internet et Audiovisuel | ITLAWAvocats

[1] Directive (UE) 2019/790 en date du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.

[2] Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information

[3] Ordonnance n°2021-1518 du 24 novembre 2021

[4] Loi n°2019-775 du 24 juillet 2019

[5] Ordonnance n°2021-580 du 12 mai 2021


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