Imprimante 3D : contrefaçon par reproduction ?

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Charlotte Galichet, Avocat, CCK AvocatsCharlotte Galichet, Avocat, CCK Avocats revient sur la question de la contrefaçon par l'utilisation d'une imprimante 3D.

L’imprimante 3D n’est plus une fiction et elle entrera sous peu dans nos foyers.

Techniquement, l’image d’un produit réalisé informatiquement, permettra d’« imprimer » les différents composants d’un objet à assembler.

L’exemple le plus courant actuellement, et très simple à imprimer car n’étant composée que d’une seule pièce, est la coque pour smartphone.        

La cartouche d’encre est remplacée par du plastique, du plâtre, du tissu ou même du chocolat.

               (Illustration : cdiscount.com)

imprimante3d

Cette technologie est déjà utilisée dans les domaines médical et militaire et permettra demain à tous de fabriquer « à domicile » de multiples objets.
La Nasa a même financé à hauteur de 125.000 dollars une entreprise américaine pour que celle-ci développe une imprimante 3D destinée à l’industrie aérospatiale.

Les imprimantes 3D pourront fabriquer des objets habituellement fabriqués par des industriels. Le fichier informatique sera de plus en plus simple à réaliser grâce à l’arrivée des scanners 3D.

Se pose alors la question des droits de propriété intellectuelle. Dès lors qu’il y a reproduction, et si cette reproduction concerne un objet protégé par la loi (droit d’auteur ou droit des dessins et modèles enregistrés), l’impression en 3D sera qualifiée de contrefaçon.

La problématique juridique n’est pas si différente de celle posée en son temps par le photocopieur. Dans quelle mesure l’exception de copie privée sera-t-elle applicable ? Selon l’article L.122-5 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle, cette exception ne s’appliquera que si la personne est déjà propriétaire d’un original licitement acquis. Toute personne pourra donc acheter une bague ou une robe, la transformer en fichier 3D et l’imprimer pour l’offrir à un parent. Naturellement, la fabrication en plusieurs exemplaires destinés à la revente sera qualifiée de contrefaçon.

Il y aura par ailleurs contrefaçon lorsque l’imprimante 3D servira à fabriquer un objet destiné à se greffer sur un objet protégé car, en effet, toute modification d’une œuvre originale est soumise à l’autorisation préalable de son auteur (droit au respect de l’œuvre, article L.121-1 du Code de la Propriété Intellectuelle).

En matière de droit des marques, il n’est pas certain que l’impression 3D d’un produit revêtu d’une marque soit qualifiée de contrefaçon. Aujourd’hui, la jurisprudence européenne mais aussi la jurisprudence de la Cour de Cassation depuis mai 2011, exigent, pour entrer en voie de condamnation, que la marque fasse l’objet d’un « usage dans la vie des affaires ». Cela signifie a contrario que la copie de marque « à domicile » ou « à titre privé » ne permettra pas aux ayants-droits de combattre les impressions 3D, si elles n’ont pas vocation à être commercialisées.

Après la musique et la problématique du peer-to-peer, les objets industriels ont vocation à devenir de simples fichiers téléchargeables. Il n’est pas contestable que le contentieux de la contrefaçon risque d’évoluer dans le cadre de ce que l’on pourrait appeler la « quatrième révolution industrielle ».

 

Charlotte Galichet, Avocat, CCK Avocats


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