Les crises économiques et énergétiques successives vont avoir des répercussions et générer des défaillances pouvant aller jusqu’à une situation irrémédiablement compromise et de nombreuses entreprises risquent de devoir fermer, c’est un fait. Cependant, mettre fin à une entreprise fait partie de la vie d’un entrepreneur et il doit y être préparé. Aujourd’hui en France, la défaillance est encore trop souvent perçue comme synonyme d’échec et reste impensée jusqu’à ce que le moment fatidique arrive. Il est indispensable que les entrepreneurs soient mieux accompagnés, dès la création de leur entreprise, afin qu’ils puissent comprendre l’ensemble des risques puis, au moment des premières difficultés savoir vers qui se tourner pour demander de l’aide, vers quel expert aller pour faire un diagnostic objectif et réaliste, afin de mieux les affronter, les surmonter et, si besoin, de mettre fin à son entreprise en atténuant les effets négatifs pour l’ensemble des parties prenantes.
I/ La fin d’une entreprise, une étape de la vie entrepreneuriale
La liquidation judiciaire est la procédure mise en place lorsqu’un débiteur (une entreprise) n’est à la fois plus en capacité d’honorer ses créances et se trouve dans le même temps dans une situation qui ne permet pas d’espérer un rétablissement (ex. plus de marché, plus de travail, absence totale de rentabilité…). Un mandataire judiciaire est alors nommé par le Tribunal pour une mission de liquidation judiciaire. Ce dernier exerce, à la place du débiteur, ses droits et actions sur ses biens, pendant toute la durée de la liquidation. Il peut être amené à gérer l'entreprise (notamment dans le cas où le maintien provisoire de l'activité a été autorisé par le tribunal pour permettre une cession) ; à vérifier les dettes ; à effectuer la vente des biens (marchandises, matériels, immeubles, droit au bail, etc.) ; à procéder aux éventuels licenciements économiques des salariés (et leur permettre d’être remplis de leurs droits et pour pouvoir rebondir rapidement).
L’intervention des mandataires de justice, quand elle ne permet pas de trouver une solution aux difficultés de l’entreprise, accorde la possibilité de minimiser les conséquences sociales et l’effet domino sur les prestataires qui peuvent découler de sa faillite (cessions de l’entreprise, même en liquidation judiciaire). Ils jouent ainsi un rôle, trop souvent méconnu, d’« amortisseur social territorial ». Ce sont ainsi près de 6 milliards d’euros d’actifs (avant la crise sanitaire) qui sont, chaque année, valorisés et réinjectés dans l’économie nationale.
La liquidation judiciaire va permettre de bloquer l’ensemble des poursuites en même temps. Toute action en justice visant le débiteur devient impossible ou suspendue. Les intérêts et majorations sont bloqués, à l’exception des intérêts des prêts de plus d’un an. Cette situation permet de dresser un tableau réel, objectif de la situation et d’envisager une cession de l’entreprise dans des conditions très sécurisées pour un repreneur et permet à l’entrepreneur de prendre du recul sur une situation qui peut affecter sa santé mentale, voire conduire à des situations dramatiques.
Pour les salariés, la liquidation judiciaire apporte la garantie du versement de leurs salaires, qui seront pris en charge par l’AGS. En cas de fermeture de l’entreprise, le liquidateur a la mission et la responsabilité de procéder aux licenciements économiques afin de leur garantir aux salariés leurs indemnités (avancées par l’AGS) et le bénéfice du Pôle Emploi.
La liquidation d’une entreprise peut être salutaire et dans le meilleur des cas permettre à des entrepreneurs de se lancer de nouveaux projets, avec une seconde chance, en étant accompagnés et soutenus dans leur démarche (cf témoignage).
II/ Les demandes de l’IFPPC : les entrepreneurs doivent être mieux formés et mieux accompagnés
Le manque d’informations sur la liquidation judiciaire et l’image négative qu’elle peut avoir auprès des entrepreneurs, des médias et de la société, constituent un véritable frein aux recours pouvant être faits. Portés par un vocabulaire lourd et péjoratif “faillite”, “débiteur”, “liquidation” ou encore “banqueroute”, ces procédures sont craintes par les entrepreneurs qui n’osent s’en saisir et s’exposent à des situations extrêmes. Dédramatiser ces procédures, les simplifier, communiquer plus largement et positivement sur les acteurs qui les accompagnent. Ces actions sont essentielles pour permettre aux entreprises de mieux se saisir de ces outils, au bon moment, et en faire une opportunité de transformer une situation de danger économique en cercle vertueux pour l’ensemble des parties prenantes.
Dans cette période où de nombreuses entreprises se retrouvent confrontées à des difficultés conjoncturelles ou structurelles, une meilleure sensibilisation des acteurs économiques est nécessaire ! L’IFPPC demande que des modules d’information et de sensibilisation sur la liquidation soient dispensés dans le cadre des différentes formations proposées aux nouveaux entrepreneurs. Il nous faut, collectivement, accepter d’oser un regard nouveau sur les vertus de l’échec. Ne parlons plus de “liquidation judiciaire” mais de “rebond judiciaire” ! La fin d’une entreprise n’est pas une fin en soi si nous réussissons à préserver ou à recycler sa valeur.
Cécile Jouin, présidente de l'IFPPC