Affaire Andros / Tropicana : protection des idées publicitaires et concurrence déloyale

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eric-andrieu-pechenard2014Eric Andrieu, Associé, Péchenard & associés, propose un commentaire d'arrêt sur l'affaire Andros/Tropicana en matière de protection des idées publicitaires et de concurrence déloyale.

Andros a engagé une procédure judiciaire contre PepsiCo du fait d'une publicité réalisée pour sa marque Tropicana. Andros considérait que le dernier plan du film Tropicana faisant apparaître une orange recouverte d'une étiquette portant cette marque était constitutif de concurrence déloyale et parasitaire puisqu'elle a recours à ce procédé consistant à faire figurer sa marque sur un fruit depuis 1988.

Si le tribunal de commerce avait rejeté la demande, la Cour d'appel de Versailles l'accueille dans son arrêt du 18 février 2014. L'objet du débat était celui de la protection des idées publicitaires.

Il est généralement admis par la jurisprudence que "les idées sont de libre parcours" et qu'elles ne peuvent donc faire l'objet d'une appropriation par le droit d'auteur.

L'action d'Andros n'était donc pas fondée sur ce terrain mais sur celui de la concurrence déloyale, son argument étant que cette idée, originale dans son secteur d'activité, avait une véritable valeur économique qui était détournée par la publicité Tropicana, créant ainsi un risque de confusion lui causant un préjudice.

Parmi les arguments soutenus par Tropicana, certains paraissaient assez pertinents :

  • La création revendiquée par Andros n'était pas originale.

Il est  vrai qu'à première vue, la présence d'une étiquette comportant une marque sur un fruit est d'une grande banalité.

La Cour ne retient cependant pas cet argument en considérant que :

- Andros ne se plaçant pas sur le terrain du droit d'auteur, la question de l'originalité était inopérante,

- son idée publicitaire était arbitraire et distinctive, car s'il est habituel pour des producteurs de fruits de mettre leurs étiquettes sur les fruits eux-mêmes, il est nouveau qu'un industriel commercialisant un produit à base de fruits place sa marque sur lesdits fruits.

Tropicana faisait valoir que cette pratique était habituelle chez d'autres industriels (par exemple Milka, Bonduelle, Seven Up, Hagen Dazs…) mais cet argument est également rejeté.

S'il nous paraît que dans certains cas, il est légitime de protéger une idée publicitaire qui peut en effet avoir une valeur économique qu'il serait anormal de laisser piller par un tiers et notamment par un concurrent, encore faut-il que cette idée soit suffisamment forte pour justifier une telle protection. En l'occurrence, le fait de se limiter au marché des industriels des jus de fruits pour admettre une protection de cette idée par ailleurs particulièrement banale, nous semble tout à fait contestable !

  • Tropicana mettait également en avant l'absence de risque de confusion.

Les films d'Andros et de Tropicana étaient, semble-t-il, tout à fait différents, sous réserve de la présence de ce fruit étiqueté en plan final. Par ailleurs et par définition, les marques qui étaient reproduites sur les fruits étaient différentes et les consommateurs ne pouvaient confondre Andros et Tropicana.

Là encore, la Cour rejette les arguments de cette dernière en estimant que les différences antérieures entre les films ne changent pas le risque de confusion créé par les dernières images qui sont, selon elle, les plus importantes.

Elle déclare aussi, ce qui est plus surprenant, que "le fait que les marques apposées sur le fruit soient différentes, Andros d'une part, Tropicana d'autre part, ne conjure pas le risque de confusion produit par les ressemblances des visuels dans l'esprit du consommateur raisonnablement attentif et avisé".

Cela laisse rêveur sur la manière dont la Cour perçoit le consommateur raisonnablement attentif et avisé. Celui qui pourrait ne pas voir la différence entre Andros et Tropicana serait plutôt un consommateur illettré et inattentif.

Toujours est-il qu'au vu de cette motivation, la Cour condamne PepsiCo pour concurrence déloyale à payer à Andros une somme qui, intérêts et frais de publication compris, dépasse 100.000 €.


Eric Andrieux, associé, Péchenard & associés


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