Panorama des CJIP environnementales depuis la loi du 4 décembre 2020

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Marion Grégoire, Avocate, Coral Avocats propose un panorama des CJIP environnementales depuis la loi du 4 décembre 2020.

Le 21 avril 2015, la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces signait une circulaire[1] portant sur les orientations de politique pénale en matière environnementale.

Cette circulaire instituait une véritable doctrine de réponse pénale articulée autour du principe de recherche systématique de la remise en état de l’environnement auquel il a été porté atteinte.

C’est en application de ce principe que la loi du 4 décembre 2020, relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, a créé la Convention Judicaire d’Intérêt Public Environnementale (CJIP environnementale) laquelle permet notamment d’assurer la réparation du préjudice écologique et la réhabilitation du vivant dans le cadre d’un programme de mise en conformité.

Inspirée du dispositif mis en place en matière de probité, la CJIP environnementale est venue pallier l’absence de dispositif transactionnel en cas d’atteintes graves à l’environnement[2].

Ce nouveau dispositif réservé aux délits prévus par le code de l’environnement ainsi qu’aux infractions connexes (à l’exclusion des crimes et délits contre les personnes), permet aux personnes morales, en contrepartie de l’exécution de plusieurs obligations, d’échapper aux poursuites pénales en concluant un accord avec le parquet sans reconnaissance de culpabilité[3].

Au-delà de la réponse pénale rapide qu’elle rend possible, la CJIP environnementale prévoit la recherche systématique d’une remise en état répondant à l’urgence environnementale.

C’est en poursuivant cet objectif prioritaire que 15 CJIP environnementales ont été signées depuis le 4 décembre 2020.

Etat des lieux

Chacune desdites CJIP environnementales fait l’objet d’une publication par le Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des territoires : https://www.ecologie.gouv.fr/convention-judiciaire-dinteret-public-cjip.

Ces conventions ont été conclues à la suite d’atteintes à l’environnement aussi diverses que la pollution de cours d’eau ayant entrainé la destruction d’espèces et la détérioration de l’écosystème ; la pollution de l’air par l’utilisation de combustible hautement polluant et nocif ; la destruction d’habitats d’espèces animales protégées ; ou encore la détention et l’utilisation illicites d’espèces non-domestiques protégées.

Suivant l’objectif prioritaire de réhabilitation rapide du vivant, chacune des 15 CJIP prévoit un programme de conformité de remise en état doté d’un cahier des charges strict et détaillé, dont l’exécution est placée sous le contrôle des services compétents du Ministère chargé de l’environnement.

Le caractère prioritaire de la réhabilitation du vivant est encore confirmé par un quantum peu élevé des amendes d’intérêt public prononcées[4], voir l’absence totale d’amende[5]. Il s’agit en effet pour les Procureurs de privilégier l’engagement financier des personnes morales consacré à la remise en état de l’environnement plutôt qu’au paiement d’une amende.

Enfin, l’absence de poursuite engagée à ce jour à l’encontre des personnes physiques dirigeant les sociétés ayant conclu une CJIP environnementale peut également s’analyser comme la volonté des parquets de se concentrer principalement sur les mesures de remédiations à la charge des personnes morales.

Trois CJIP environnementales sont à mettre en lumière.

En décembre 2021, le parquet du Puy-en-Velay a conclu la première CJIP environnementale. Par la suite, le Procureur Rodolphe Part a été d’autant plus novateur qu’à 2 reprises, et parallèlement à l’exécution d’un programme de conformité, il a prévu la mise en place d’un compte fiduciaire permettant la réparation du préjudice écologique[6]. Le mécanisme de fiducie environnementale a ainsi conduit à la création, dès la signature de la CJIP, d’un patrimoine d’affectation dédié à la réparation du préjudice écologique. En d’autres termes, la fiducie a recueilli les sommes affectées à la réparation du préjudice écologique dans aux fins de réparation de l’environnement. Par l’utilisation de l’instrument juridique qu’est la fiducie, le Procureur s’assure de la bonne exécution des obligations environnementales mise à la charge de la personne morale signataire de la CJIP.

Le 14 juin 2023, le Tribunal Judiciaire de Lisieux a refusé de valider une CJIP environnementale conclue entre le parquet et une société d’exploitation d’un parc zoologique. L’article 41-1-2 du code de procédure pénale dispose qu’à défaut de validation de la CJIP par le Président du Tribunal Judiciaire, le Procureur met en mouvent l’action publique. Reste que la personne morale peut encore échapper à cette mise en mouvement lorsqu’il existe des éléments nouveaux. En l’espèce, le Parquet de Lisieux a considéré que la collaboration engagée par la personne morale avec les services de l’OFB et de l’OCLAESP, notamment à l’occasion de nouvelles installations, constituait un élément nouveau justifiant la conclusion d’une nouvelle CJIP laquelle a ensuite été validée par le Président du Tribunal Judiciaire[7].

Conclusion

Seul le temps permettra d’apprécier l’effectivité des remises en état prévues dans le cadre des CJIP environnementales.

Néanmoins, la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces a récemment réexprimé sa volonté de voir se développer davantage encore les CJIP environnementales qu’elle qualifie d’outil « aussi bien adapté au règlement d’affaires ayant entrainé des atteintes graves à l’environnement – imposant la poursuite d’un objectif prioritaire de remise en état du site pollué – dans des dossiers d’ampleur à l’échelle nationale, qu’aux affaires dont le ressort géographique est limité et sans technicité particulière »[8].

La CJIP devrait donc rapidement tenir un rôle de premier plan en matière de justice environnementale.

Marion Grégoire, Avocate, Coral Avocats

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NOTES

[1] Circulaire de la Direction des Affaires Criminelle et des Grâces du 21 avril 2015 relative aux orientations de politique pénale en matière d’atteintes à l’environnement – NOR : JUSD1509851C.

[2]La transaction pénale prévue à l’article L.173-12 du code de l’environnement ne peut être proposée qu’en raison d’infractions contraventionnelles ou délictuelles punies de moins de deux ans d’emprisonnement.

[3] Article 41-1-4 du code de procédure pénale prévoit l’application de la CJIP pour les délits prévus au code de l’environnement et infractions connexes.

La CJIP permet d’imposer à une personne morale une ou plusieurs des obligations suivantes :

  • amende d’intérêt public dont le montant devra être fixé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, pouvant aller jusqu’à 30% du chiffre d’affaires annuel de la pm signataire
  • mise en œuvre d’un programme de mise en conformité d’une durée maximale de 3 ans, sous le contrôle des services compétents du ministère chargé de l’environnement
  • la réparation du préjudice causé à la victime ou du préjudice économique.

Article 41-1-2 du code de procédure pénale prévoit que si le Président du Tribunal ne valide pas la proposition de convention, le Procureur met en mouvement l’action publique, sauf élément nouveau.

La CJIP est convenue dans un cadre judiciaire et ne peut influer sur les décisions de l’autorité administrative.

Article 41-1-2 code de procédure pénale, l’ordonnance de validation de la CJIP n’emporte pas déclaration de culpabilité et n’a ni la nature ni les effets d’un jugement de condamnation. La CJIP n’est pas inscrite au B1.

L’exécution intégrale des obligations prévues à la CJIP éteint l’action publique. La CJIP ne fait cependant pas échec au droit des personnes ayant subi un préjudice du fait des manquements constatés de poursuivre la réparation de leur préjudice devant la juridiction civile.

[4] L’amende d’intérêt public maximum prévue, à ce jour, par une CJIP environnementale est de 140.00 € en raison de la pollution de l’air par un navire de combustible dont la teneur en soufre était supérieure aux normes autorisées (CJIP validée par le Président du TJ de Marseille le 239 mars 2023 – Affaire CAMPBELLE SHIPPING COMPANY).

[5] CJIP validée par le Président du TJ de Lons-le -Saunier le 25 août 2002 ; CJIP validée par le Président du TJ d’Evreux le 14 décembre 2022 (Affaire GAEC BOULBOUT) ; CJIP validée par le Président du TJ d’Evreux le 14 décembre 2022 (Affaire SCEA LETAC LECERF).

[6] CJIP validées par le Président du TJ du Puy-en-Velay le 12 septembre 2022 (Affaire SAS ETABLISSEMENTS BORIE) (Affaire SICTOM).

[7] CJIP validée par le Président du TJ de Lisieux le 3 juillet 2023 (Affaire SAS CERZA).

[8] Circulaire CRIM 2023-16/G3 – 06/10/2023 du 9 octobre 2023


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