Travailleurs détachés : le maitre d'ouvrage nouveau responsable de la lutte contre le dumping social

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Xavier Marchand, avocat associé, Carakters et Jimmy Sérapionian, avocat, Carakters, reviennent sur la disposition de la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale, qui rend le maitre d'ouvrage responsable de la lutte contre le dumping social en lui imposant de veiller à ce que les règles relatives au détachement de travailleurs soient respectées par ses cocontractants et sous-traitants.

L’arsenal législatif visant à réprimer la sous-traitance occulte va, très prochainement, se renforcer avec la promulgation d’une loi destinée, à en croire son titre, à lutter contre les fraudes constatés lors des détachements de travailleurs et contre la concurrence déloyale. Dans ce nouveau cadre, la lutte contre le dumping social incombera en priorité au donneur d'ordre ou maitre d'ouvrage, qui devra veiller à ce que les règles relatives au détachement de travailleurs soient respectées par ses cocontractants et sous-traitants.

Depuis la directive 96/71/CE de 1996, un salarié détaché dans un pays de l'Union doit bénéficier du noyau dur des droits locaux (salaire, congés…). Toutefois, l'augmentation des fraudes a conduit à l'adoption de la directive du 16 avril 2014, dite d'exécution, visant à renforcer la lutte contre ces abus. Celle-ci a d’ores et déjà fait l’objet d’une proposition de loi de transposition.

Au terme de ce texte, le donneur d'ordre, qui bénéficie du détachement, aura la charge de s'assurer que son cocontractant a bien déclaré ses salariés détachés à l'inspection du travail, sous peine d'être passible d'une amende administrative, plafonnée à 10.000€. Il devra également s'assurer que les salariés détachés bénéficient des règles impératives du droit du travail. Pour ce faire, une nouvelle procédure a été mise en place, dont le donneur d'ordre est la pierre angulaire. En effet l'administration du travail, détectant les infractions, devra simplement en informer le donneur d'ordre. Il lui reviendra alors d'enjoindre à son cocontractant de faire cesser ces fraudespuis d'informer l'administration de la régularisation, ou pas, de la situation des salariés détachés.

Bien que toutes les sanctions applicables au donneur d'ordre en cas de manquement à ses obligations d'injonction ou d'information n'aient pas encore définies, certaines ont toutefois déjà été arrêtées, respectivement en cas d'hébergement insalubre et en cas de non-paiement du salaire minimal. Dans le premier cas, le donneur d'ordre devra assurer lui-même l'hébergement collectif des salariés concernés. Dans le second cas, le régime de responsabilité solidaire du donneur d'ordre, existant en cas de travail dissimulé, sera étendu au salarié détaché de son cocontractant, d'un sous-traitant ou d'un cocontractant d'un sous-traitant. Le donneur d'ordre sera alors tenu solidairement au paiement des rémunérations et charges dues au titre du salarié lésé.

La solution, pour lutter efficacement contre le dumping social, consisterait donc à sanctionner les donneurs d’ordre, considérés comme le bras armé d'un Etat incapable d’endiguer ces abus, au risque de l’infamie. L’infamie car, ce texte prévoit,enfin, que les noms des contrevenants seront publiés sur un site internet grand public durant deux ans. Haro donc sur les traitres à leur patrie qui seront ainsi désignés à l’opprobre générale. Il y a du Fouquier-Tinville dans l’air qui laisse craindre que la mode soit à la nuque découverte !

 

Xavier Marchand, avocat associé, Carakters et Jimmy Sérapionian, avocat, Carakters


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