L'actualité de la loi LME par de Philippe Charles et Léna Sersiron, Baker & McKenzie
La Loi de modernisation de l'économie, dite "LME", connaît une actualité soutenue dans le secteur de la distribution, résumée ci-dessous en cinq points.1. Application dans le temps de la LME selon la CEPC
Le 29 septembre 2010, la commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) a repris à son compte une étude rédigée par Mme Jacqueline Riffault Silk - Conseiller à la Cour de cassation - sur la question de l'application dans le temps des dispositions de la LME aux contrats en cours.
Selon cette étude, « il n'apparaît pas possible d'admettre l'application rétroactive de ces dispositions, voire même leur application immédiate à des contrats certes en cours d'exécution mais conclus avant l'entrée en vigueur de la loi LME, au regard du principe constitutionnel de la nonrétroactivité des dispositions répressives, a fortiori lorsqu'elles ne sont pas
plus douces, et du principe de légalité des incriminations ». Une partie de la doctrine juridique s'était déjà positionnée dans le même sens.
Il est à noter que la jurisprudence ne s'est pas encore prononcée sur cette question, ce qui ne permet pas de connaître la portée exacte de la position de la CEPC.
Pour mémoire, dans un arrêt de principe du 3 mars 2009, la Cour de cassation avait considéré que les dispositions sur les pénalités de retard issues de la Loi NRE du 15 mai 2001, étaient d'application immédiate aux contrats en cours.
2. QPC sur le déséquilibre significatif
Suite au contrôle du contenu des négociations commerciales 2009, le Ministre de l'économie a assigné les principaux distributeurs sur la base de plusieurs clauses susceptibles de créer un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (Article L. 442-6.I,2° du code de commerce). Le déséquilibre significatif correspond à une des nouvelles pratiques
restrictives de concurrence introduites par la LME pour lesquelles il est difficile d'apprécier le champ d'application.
Dans une affaire opposant l'enseigne Darty au Ministre de l'économie, le Tribunal de commerce de Bobigny a transmis à la Cour de cassation la QPC soulevée par Darty
(Jugement du TC Bobigny, 13 Juillet 2010). Cette QPC porte sur le point de savoir si la notion de déséquilibre significatif - qui procède d'une appréciation subjective – est conforme au
principe de légalité de délits et des peines. Dans un arrêt du 15 octobre 2010, la Cour de cassation a décidé de transmettre cette QPC au Conseil Constitutionnel. D'autres distributeurs
ont suivi la même démarche. Le Conseil Constitutionnel devrait se prononcer avant le 15 janvier 2011. Dans la doctrine juridique, l'utilisation de la QPC dans le droit des négociations commerciales suscite des commentaires partagés.
3. Réponse ministérielle sur le maintien de la LME en l'état
Dans une réponse ministérielle publiée au Journal Officiel Assemblée Nationale du 10 août 2010, le Ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, a précisé que la LME ne devrait pas connaître de modification dans un futur proche tout en précisant qu'un bilan d'exécution de la LME devrait être lancé.
4. Engagements de clarification des relations commerciales
Certaines enseignes de la grande distribution (Carrefour, Casino, ITM, Cora, Auchan et Système U) ont pris trois engagements dont Hervé Novelli, Secrétaire d'Etat chargé au
commerce, a pris acte le 5 octobre 2010 :
En premier lieu, ces distributeurs se sont engagés sur la pratique de stocks déportés (livraison d'une plateforme logistique et pas des magasins) en acceptant d'une part
de plafonner leurs remises aux coûts engendrés, et d'autre part, d'informer les fournisseurs au moins trois mois à l'avance en cas de modification du fonctionnement
de la plateforme ;
En second lieu, ces distributeurs se sont engagés sur les pénalités facturées aux fournisseurs et déduites sur factures en acceptant de mettre en place une procédure permettant aux fournisseurs de contrôler la matérialité des griefs reprochés et en leur accordant un délai pour les contrôler ;
En troisième lieu, ces distributeurs s'engagent à ne pas exiger des fournisseurs des garanties de marge
5. Guide des relations fournisseurs
Suite au Etats Généraux de l'Industrie, le Ministre chargé de l'industrie et le Secrétaire d'Etat, chargé du commerce, ont publié le 12 novembre 2010, un guide des relations clients / fournisseurs. Ce guide comporte six parties : la commande, la relation contractuelle, le prix, la réception et la facturation, le paiement et la propriété intellectuelle. Pour chacun de ces thèmes, le guide évoque certaines pratiques et rappelle les textes de loi en vigueur.
Par exemple, sur le thème de la facturation, le guide rappelle les principes suivants : « Les règles relatives à la facturation tendent à faire assumer à la facture le rôle d'un instrument de preuve et de contrôle pour assurer la transparence des prix facturés et vérifier a posteriori la réalité et la consistance du service rendu par le fournisseur du service. La jurisprudence rappelle ainsi, que la
simple lecture de la facture doit permettre à celui qui l'acquitte de savoir en quoi, quel jour, à quel endroit et selon quelles modalités spécifiques, le cocontractant a rempli ses obligations » et précise qu'en pratique : « l'application de sanctions telles que des pénalités ou des rabais ne doit pas se faire sans l'accord du fournisseur ».