Le 22 novembre, l’AFPDC (association française des praticiens de droit collaboratif) a tenu son congrès à la Maison du Barreau. Elle fête ses 10 ans, a formé plus de 3000 praticiens et promeut toujours le droit collaboratif. Son congrès s’est tenu avec une très grande variété d’avocats présents : plus d’hommes (dès qu’on sort du droit de la famille, le public est moins féminin) et plus de jeunes, pluralité des domaines de droit, variétés des types de structures, et un bon équilibre Paris / province. Il s’est posé la question de la juste place de l’avocat aujourd’hui. Avec cette configuration, cela a été très productif.
Avocat aujourd’hui : quelle juste place ?
Les mutations sociétales et du monde juridique bouleversent la pratique des avocats : transparence, numérique, déjudiciarisation… Que restera-t-il à l’avocat ? En effet, les clients, la justice, les mentalités, le conflit, les process… tout change. C’est la fin des relations entre un justiciable ignorant et un sachant et de la verticalité de ce lien. Qu’est-ce qui prendra le dessus ? Qu’est-ce qui fera la différence sur le marché du droit ? Qu’est-ce qui servira l’avocat pour rester un avocat ? Les praticiens du processus collaboratif ont choisi de repenser leur mode d’exercice, et comme le droit collaboratif est une méthode nouvelle pleine d’avantages pour tous les avocats, l’AFPDC a choisi de s’interroger sur les nouveaux rôles de l’avocat au prisme des différentes étapes du processus collaboratif. Cela lui permettra de dresser la place nouvelle de l’avocat, une place juste au service « de la restauration des liens, au bien commun et à la paix sociale ». Les étapes du processus servant de base aux échanges sont : le recueil des récits, la recherche des intérêts, le partage des éléments objectifs et la création des options. Chaque étape offre l’opportunité de repenser son rôle et de comprendre que le processus collaboratif fonctionne avec l’avocat, mais aussi avec le client, ensemble, et même avec l’autre partie et le confrère, un travail d’équipe. Le collaboratif remet l’humain au centre du métier d’avocat, ce qui n’est guère remplaçable !
Pluridisplinarité
L’autre choix a été de resituer cette réflexion dans une approche pluridisciplinaire, tant interne qu’externe. Rappelons le : tous les domaines du droit sont concernés par le processus collaboratif, le congrès a fait un point sur l’évolution du processus dans le droit social et le droit des affaires, domaines plus récemment abordés par le collaboratif mais en pleine expansion, de nombreux cas ont été exposés. Le congrès s’est aussi posé des questions sur des secteurs nouveaux pour les juristes : le compliance, la discovery… Enfin, la réflexion s’est menée avec d’autres professions : médecins, philosophes, neuroscientifiques, autres juristes… Ainsi l’éthique du soin en médecine est venue nourrir la réflexion sur la réception du récit, les neurosciences éclairent le risque d’un « cerveau qui nous joue des tours » dans la compréhension d’un réel toujours plus complexe. La question de la vérité s’est enrichis d’un apport philosophique, la question se pose au moment de la solution à proposer : est-elle véridique par rapport à la situation des parties ? de quoi enrichir les rôles de l’avocat.
Un avocat qui écoute et qui accompagne
Finalement, « l’avocat fait à 60% de la psycho et 40% du droit » soulignait Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris, lors de l’ouverture et le congrès l’a bien démontré. « Comment accompagner des gens en souffrance et/ou en difficultés ? » se demande Nadine Rey, avocate et formatrice au processus. « Nous ne sommes pas des psy, mais nous sommes « thérapeutes » au sens étymologique du terme et nous devons écouter très soigneusement le récit de nos clients, pour les accompagner vers l’autonomie » conclut-elle. Céline Lefeve, titulaire de la chaire de philosophie du soin à l’hôpital (ENS/AP-HP), a montré comment l’accompagnement du malade pour faire face à la maladie et être autonome avait beaucoup évolué : il est maintenant bien plus délibératif. « Le soin est un bricolage partagé entre le médecin et le patient » a-t-elle insisté. En droit collaboratif, ce n’est pas autre chose qui se joue. Permettre au client de décider et l’accompagner dans cette décision.
Le processus collaboratif donne aux avocats l'opportunité d'offrir un outil supplémentaire à leurs clients, en fonction de leurs situations et leurs besoins, et un moyen d'exercer leur profession autrement, en abordant un dossier plus sereinement, en étant plus pertinent, juridiquement parlant. Avec une nouvelle perspective de leur métier, dans la co-construction, le travail d’équipe et la négociation contractuelle.