Le garde des Sceaux a présenté, mardi 14 février 2023, le détail du plan de transformation numérique pour le ministère de la Justice à horizon 2027, à l’occasion d’un déplacement au tribunal judiciaire de Chartres.
Pour Éric Dupond-Moretti, le numérique est un « sujet primordial à la fois pour le fonctionnement actuel de [la] justice mais également pour son avenir ».
Le Plan de transformation numérique 2027 est un « chantier prioritaire » qui a pour objectif d’aller plus loin, pour répondre concrètement aux problématiques soulevées lors des États généraux de la Justice, et faciliter les conditions de travail des magistrats, des greffiers et des avocats.
Ce chantier prioritaire repose sur 3 axes : le soutien des tribunaux et cours d’appel, l’amélioration des logiciels et le projet « zéro papier 2027 ».
Plan de soutien pour les tribunaux et cours d’appel pour 2023
« Je souhaite que les services du ministère viennent au plus près de vous et de vos besoins, afin de vous soutenir au mieux, dans une démarche de proximité qui est celle, vous le savez, que je conduis depuis le début de mon action à la Chancellerie » a indiqué le ministre.
Les juridictions pourront désormais s’appuyer sur l’aide de 100 techniciens informatiques de proximité (TIP) recrutés dès aujourd’hui. Dans un an, chaque ville accueillant une cour d’appel ou un tribunal judiciaire pourra bénéficier d’au moins un de ces informaticiens. « Ce sera quelqu’un qui sera à la fois capable de traiter tous les problèmes informatiques du quotidien mais aussi, lorsque la résolution du problème dépend de services plus spécialisés, capable de faire lui-même le lien avec les services en région ou à Paris. En clair, ce sera à lui de gérer les fameux « tickets ». Quelqu’un qui pour résumer sera à vos côtés, pour vous aider lorsque vous avez un souci informatique et pourra aussi venir en soutien des chefs de juridiction et du directeur de greffe » a précisé le garde des Sceaux.
Il est également nécessaire de travailler à l'amélioration du réseau. « Ce que nous devons faire c’est éradiquer toutes les causes de ralentissement ou de coupure dont nous sommes responsables. Les services vont travailler pour qu’en fin d’année, la majorité des tribunaux ait ressenti une nette amélioration sur leur accès à l’intranet et aux applications. »
De même, les juridictions ont besoin d'équipements matériels même si des progrès très importants ont été réalisés depuis 2017 : ultraportables, double écran, wifi, travail à distance grâce au VPN, visioconférence …
Conscient des « insatisfactions » des professionnels qui demeurent et aussi que les chefs de juridiction ne savent pas à quel type de matériel informatique leur tribunal pourrait prétendre, le ministre a indiqué que le Secrétariat Général du ministère et la Direction des Services Judiciaires vont travailler à établir un « schéma type » d’équipement informatique qui sera disponible courant 2023 et permettra à chacun de savoir sur quoi il peut compter en visioconférence, en scanner, en double écran, à Bastia, Bobigny, Bordeaux ou Brive, bref, selon la taille des juridictions. Cela devrait permettre ainsi, parmi les juridictions, de rééquiper celles qui sont sous-équipées.
Enfin, des opérations « 360° » seront menées dans certains sites, pour y régler des difficultés lourdes et récurrentes. « Le but est de passer au crible toute une juridiction sur le plan informatique, du sol au plafond. On décortique, on analyse, on repère les manques dans les moindres détails, pour améliorer les choses sur la durée. La démarche a commencé à Bordeaux, Bobigny arrive ensuite, il y en aura d’autres ».
Amélioration des logiciels
Il est également nécessaire de simplifier et d’améliorer les logiciels et de développer la dématérialisation. Pour les procédures civiles qui sont les contentieux les plus identifiés des Français, 2023 verra la généralisation du logiciel Portalis aux conseils des prud’hommes, et son expérimentation en fin d’année dans les services des affaires familiales. Aujourd'hui, il y a 8 logiciels pour le civil. Portalis vise à réunir en un logiciel tous les logiciels civils. D’ici à 2027, Portalis devrait permettre à l’ensemble des juridictions agissant en matière civile de disposer d’un outil de gestion et de suivi unique et dématérialisé des dossiers de procédure.
Concernant les procédures pénales, une refondation technique du logiciel Cassiopée va démarrer, pour permettre un accès unique à tous les logiciels pénaux existants. « Et la réalité aujourd’hui c’est que pour traiter une même seule situation, vous devez vous connecter à trop d’outils différents : Cassiopée pour enregistrer, chercher des informations, faire vos trames, Pilot pour audiencer l’affaire, Vigie pour prendre des notes à la permanence parquet, mais aussi NPP pour stocker vos pièces numériques et les partager aux avocats, BPN pour signer électroniquement, la CAPP pour prendre les appels téléphoniques, Appi pour gérer la situation des probationnaires, Wineurs pour gérer les mineurs, et la liste est incomplète... » a expliqué le ministre.
Aussi, il souhaite la convergence des applications pénales qui devrait permettre, à la fin du quinquennat, avec un seul mot de passe d'accéder librement à tous les logiciels.
« Zéro papier » en 2027
L'objectif est de permettre :
- de signer électroniquement les décisions, y compris à distance, au civil comme au pénal,
- de sortir des piles de dossier papier,
- de transmettre instantanément les pièces et les décisions en version dématérialisée aussi.
Dès la fin de l’année, les juridictions qui le souhaitent pourront bénéficier d’une solution électronique de signature (BPN) et d’archivage (Axone).
Le ministre a rappelé que la transition a déjà commencé avec la procédure pénale numérique (PPN). Ainsi, 800.000 procédures ont été transmises via PPN l’an dernier et annoncé qu’à la fin de cette année, tous les dossiers classés sans suite sur le territoire feront l’objet de transmissions dématérialisées via PPN.
Eric-Dupond Moretti a également demandé qu’une mission de préfiguration « zéro papier » soit désignée, afin de déterminer dans les mois à venir, avec plusieurs juridictions et sites du ministère, les étapes nécessaires pour arriver à cet objectif à la fin du quinquennat.
Enfin, pour rendre la justice et son fonctionnement plus accessible, une application Justice.fr pour smartphone sera disponible dès le mois d’avril. Cette application doit permettre aux justiciables de trouver facilement un avocat ou un notaire, de faire des simulations de pension alimentaire ou d’aide juridictionnelle. Elle sera enrichie dans les mois qui suivent avec la possibilité de demander l’aide juridictionnelle ou encore un extrait de son casier judiciaire (bulletin numéro 3). D’ici à 2024, cette application devrait permettre à une personne victime de demander une indemnisation devant un tribunal correctionnel.
Arnaud Dumourier (@adumourier)