Mathieu Le Tacon, Avocat associé, DELSOL Avocats revient sur les révélations des "Panama Papers".
Quelle est votre réaction suite aux révélations des “Panama Papers” ?
Les diverses informations révélées dans le cadre des Panama Papers ne sont aucunement une surprise puisque l’importance du recours à des sociétés off shore était déjà parfaitement connu et n’est pas illégal en soit.
Ce qui peut être illégal c’est l’usage qui en est fait par certains pour dissimuler soit l’exercice d’activités illicites (trafic de stupéfiants, violation d’embargos internationaux, etc.), soit des faits de corruption, de spoliation, ou bien sûr de fraude fiscale (laquelle ne doit jamais être confondue avec l’optimisation fiscale).
Pouvez-vous expliquer le système de sociétés écrans organisé par le cabinet d'avocats panaméen ?
Comme bien d’autres cabinets spécialisés, le cabinet Mossack Fonseca offre à ses clients la possibilité de constituer clés en mains (en fournissant même les dirigeants) des structures juridiques permettant de créer un ou plusieurs niveaux d’interposition (« écrans ») entre des actifs ou une activité et les ayants droits économiques réels.
A titre d’exemple sur les 7 800 dossiers de régularisation traités l’année dernière par l’Administration fiscale pas moins de 515 dossiers comportaient une structure panaméenne interposée.
Comment la France va t-elle pouvoir poursuivre les résidents français concernés par ces révélations ?
Le Gouvernement français a annoncé qu’il allait, via son réseau de conventions fiscales, solliciter la transmission du fichier Panama Papers.
De son côté, le parquet financier a indiqué l’ouverture d’une enquête préliminaire pour blanchiment de fraude fiscale aggravée.
Rappelons en tout état de cause que l’origine très probablement illicite des fichiers Panama Papers ne devrait pas être une cause de nullité puisque le législateur français a fait voter en 2013 un dispositif (Cf. article L. 10-0 AA du Livre des Procédures Fiscales) visant à couvrir l'origine illicite de renseignements exploités par l'administration fiscale
Pour anticiper de telles poursuites fiscales, il est toutefois encore temps pour les contribuables français concernés de bénéficier des dispositions de la circulaire Cazeneuve du 21 juin 2013 qui s’applique aux demandes « spontanées » de régularisation.
Seuls sont exclus de ce dispositif les contribuables qui font l’objet d’une procédure engagée par l’administration fiscale (examen de situation fiscale personnelle, demande d’information portant sur les comptes étrangers ...) ou par les douanes ou les autorités judiciaires et portant sur des actifs et comptes non déclarés détenus à l’étranger.
Autrement dit, un résident fiscal français conscient que son nom figure dans les Panama Papers peut aujourd’hui encore décider de se manifester auprès du STDR (Service de Traitement des Déclarations Rectificatives), service de l’Administration fiscale en charge des régularisations d’avoirs à l’étranger.
Sont néanmoins exclus de cette procédure les avoirs à l’étranger provenant d’une activité occulte (exemple : activité d’intermédiaire non déclarée rémunérée par des commissions) ou d’une activité illicite.
Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)
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