Eclairage sur le projet de recommandation de la CNIL « cookies et autres traceurs »

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A l'occasion de la consultation publique mise en place par la CNIL afin d'élaborer une recommandation pratique au sujet des cookies, Le Monde du Droit a interrogé Corinne Thiérache, associée au sein du cabinet Alerion, pour y apporter un éclairage juridique.

A qui s'adresse cette concertation publique et comment cette recommandation va-t-elle être élaborée ?

La consultation publique lancée le 14 janvier 2020 par la CNIL s’adresse à toute personne désireuse de faire connaître ses commentaires ou simplement son opinion. Les particuliers peuvent également contribuer ainsi que des organismes privés, acteurs de la publicité en ligne, et des associations représentatives de la société civile. Ce projet fait suite aux cinq ateliers qui se sont enchaînés à l’automne 2019 dans le cadre desquels les professionnels et les représentants de la société civile ont été tour à tour consultés afin de recueillir par thématique et selon une méthodologie strictement encadrée par la CNIL leurs positions et arguments juridiques, mais sans avoir le sentiment d’avoir été réellement écoutés. Peut-on dès lors parler de « réelle concertation » alors que la CNIL a utilisé les observations de l’interprofession pour affiner son projet de recommandation dont les grandes lignes étaient en réalité déjà arrêtées.

A quel besoin répond ce projet de recommandation ?

Le cadre juridique a évolué de manière complexe pour les professionnels qui ont donc besoin de lisibilité afin de s’assurer de leur bonne compréhension de la conformité qui est attendue par la CNIL de leur part, à chaque niveau de la chaîne de l’économie digitale, en particulier à la suite des mises en demeure lancées et closes en 2018 dans les affaires FIDZUP et SINGLESPOT.

Cette future recommandation, qui a pour vocation de remplacer une précédente recommandation du 5 décembre 2013 portant également sur les cookies après l’entrée en application du RGPD le 25 mai 2018, est très attendue notamment par les acteurs de la presse en ligne qui redoutent une remise en cause totale de leur business model les contraignant à rendre payant l’accès à leurs contenus éditoriaux en l’absence de cookies, essentiels pour obtenir des revenus publicitaires des annonceurs. Cet accès payant à la presse est également à redouter par chacun, attaché au contre-pouvoir démocratique de la presse.

Quelle différence doit faire le professionnel entre les lignes directrices de la CNIL et ses recommandations ?

Les lignes directrices de la CNIL ont pour objet de synthétiser le droit applicable en matière de cookies alors que les recommandations à venir ont pour vocation de fixer les bonnes pratiques, aux yeux de la CNIL, afin d’accompagner les professionnels concernés dans la mise en place de solutions conformes pour le recueil de consentement des utilisateurs.

La difficulté réside dans le fait que tant les lignes directrices que les recommandations constituent du « droit mou » que la CNIL élabore dans le cadre de sa doctrine pour aller au-delà des exigences légales. Un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat initié le 18 septembre 2019 par 9 associations professionnelles de l’écosystème de la communication et du marketing digital est actuellement en cours en raison de la surinterprétation que la CNIL se croit en droit de faire pour la France de certaines dispositions du RGPD, et ce sans faire la balance avec l’impact économique que cette posture peut engendrer sur ce secteur, en particulier celui de la presse en ligne, qui dépend des ressources publicitaires tirées de l’utilisation de cookies. Il eût été plus efficace pour une réelle protection des données personnelles de mettre en avant, en fonction des finalités poursuivies, d’autres bases légales permises par le RGPD, telles que l’intérêt légitime ou le contrat, plutôt que de privilégier le consentement au risque pour l’internaute, soit de consentir à tout, soit de tout refuser, après avoir été noyé par des informations, notamment techniques, plus ou moins pertinentes.

Propos recueillis par Alice Magar


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