Le second tour des élections municipales a consacré la percée des écologistes. Cette avancée politique vient s’ajouter aux 149 propositions de la Convention citoyenne sur le climat. Elle traduit aussi la volonté des Français de voir mettre en œuvre des solutions écoresponsables pour faire face à la crise économique, sanitaire et sociale qui touche tout le territoire au lendemain de la période Covid-19. Parmi les secteurs impliqués dans le plan de relance du pays, figure celui de l’immobilier. Comment le marché contribue-t-il déjà à cette révolution sociétale ? Le point avec Danielle Dubrac, présidente nouvellement élue de l’Union des professionnels de l’immobilier (UNIS), présidente de la Chambre de commerce et de l’industrie du 93 (CCI) et conseillère au Conseil économique, social et environnemental (CESE).
RSE, certification « B Corp », entreprise à mission… ces locutions prennent encore plus de sens et de valeur au lendemain de la période Covid-19 qui vient de plonger le pays dans une crise économique, sanitaire et sociale. Si ces termes sont pour la plupart associés aux sociétés commerciales, ils peuvent aussi s’inscrire dans la politique menée par un syndicat représentant un secteur économique indispensable comme celui de l’immobilier. L’Union des professionnels de l’immobilier (UNIS), première organisation de professionnels de l’immobilier qui représente tous les métiers du secteur y compris les promoteurs rénovateurs, compte 2 500 entreprises adhérentes, soit plus de 20 000 acteurs engagés. Si l’avenir du secteur est aussi incertain que tant d’autres dans les conditions actuelles de reprise, il faut rappeler que, selon une étude Real Estate & Urban Employment Monitor parue en 2019, la filière immobilière représentait environ 10,8 % du PIB et a donc un rôle à jouer dans la reprise.
« Notre syndicat tient un rôle économique et social », déclare Danielle Dubrac, présidente nouvellement élue de l’Union des professionnels de l’immobilier (UNIS) qui succède à Christophe Tanay. « Nos adhérents exercent des métiers essentiels pour la Cité qui influent sur la qualité de vie des citoyens car ils concernent le logement, le lieu de travail, l’environnement et plus globalement le bâtiment intérieur, comme extérieur. Aussi, en qualité de syndical professionnel adoptons-nous une démarche de coopération responsable. La période post-Covid-19 va être difficile pour tout le monde. Nous allons poursuivre nos actions pour soutenir les professionnels mais aussi les Français dans leur quotidien, qu’ils soient locataire, propriétaire, copropriétaire, rénovateur… », poursuit Mme Dubrac.
Tiers de confiance auprès des citoyens et des pouvoirs publics, l’UNIS a adopté depuis plusieurs années une approche éthique, experte et engagée de l’immobilier. A cet effet, le syndicat siège au Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), est membre du comité de liaison du Défenseur des droits sur la lutte contre la discrimination dans le logement et est signataire de la convention du réseau Global Compact, qui propose un cadre d'engagement s'articulant autour de 10 principes relatifs au respect des droits humains, aux normes internationales du travail, à l'environnement et à la lutte contre la corruption. Il travaille aussi en étroite collaboration avec le Conseil national de l’habitat (CNH) et l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) qui, accordant les aides pour financer les travaux de rénovation et de réhabilitation des logements privés, lutte contre les fractures sociales et territoriales.
Loi Hoguet, loi ALUR, loi ELAN, loi sur la copropriété… depuis plusieurs années les professionnels de l’immobilier sont impactés par les réformes à un rythme effréné. Les points marquants furent l’encadrement des honoraires, des contrats et des loyers, la transparence sur les prix, la carte professionnelle et la formation continue. A cela se sont ajoutées les actions de lutte contre : la discrimination au niveau de l’accès au logement, les marchands de sommeil, le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme. La rénovation énergétique est aussi au cœur des combats. Plus récemment, pendant la période Covid-19, l’UNIS a poursuivi son action en obtenant la tenue des assemblées générales de copropriété en visioconférence (avec un régime assoupli : voir Ord. n°2020-595 du 20 mai 2020), ce qui a permis la poursuite de l’activité économique ou encore la mise en sécurité de copropriétés avec le vote rendu possible de travaux en urgence. « Au cours de la crise sanitaire, un certain nombre de difficultés ont jailli car le logement était aussi devenu un lieu de travail, d’école et de loisir. Nous avons alerté contre les violences conjugales ou la maltraitance des enfants », précise la présidente. Dernièrement, le syndicat a élaboré un guide sanitaire pour la continuation de l’activité des professionnels de l’immobilier pour la période post-Covid-19 qui a donné lieu à la reprise des activités dans le respect des impératifs sanitaires.
« Nous avons un dialogue direct et régulier, tant au niveau national qu’au niveau local par l’intermédiaire de nos représentants régionaux, avec les pouvoirs publics et sommes dans une logique de coconstruction de solutions favorables aux professions et à leurs clients. Par exemple, lorsque l’on construit et que l’étalement urbain ne convient pas ou quand l’aménagement extérieur est incompatible avec l’usage que l’on souhaite en faire, avec les personnes que l’on souhaite y mettre, nous intervenons. Nous défendons le principe qu’il faut construire des logements de l’habitat pour répondre aux besoins des citoyens et non construire des bâtiments et seulement par la suite identifier à quel type de personnes ils vont correspondre. Vivant et travaillant dans un quartier prioritaire de la ville (QPV), j’attache beaucoup d’importance à la disparité des territoires et à la réduction des inégalités territoriales. C’est extrêmement important pour le vivre ensemble. Nous participons aussi au plan de bâtiment durable : des logements plus écologiques, plus économes en énergie. Et nous œuvrons pour l’accès au logement abordable et soutenons des solutions comme les logements intergénérationnels (coliving) ou le dispositif VISALE (Action Logement). Dans cette perspective, nous prônons l’accès au logement sans discrimination tout en veillant à la solvabilité », explique la présidente. On rappellera les liens de la nouvelle présidente de l’UNIS avec le Conseil économique, social et environnemental (CESE) au sein duquel elle occupe un poste de conseillère. L’assemblée consultative, dont un projet de transformation en « chambres des conventions citoyennes » sera présenté prochainement lors d’un conseil des ministres, a contribué à la mise en place de la garantie locative universelle pour les jeunes.
Si pour l’heure, la priorité n’est pas à la création d’un ordre de la profession (voir « Benjamin Darmouni, président adjoint du Cercle des managers de l’immobilier et président délégué du pôle Grand Paris de l’UNIS : "Nous sommes demandeurs de la création d’un Ordre pour les professionnels de l’immobilier" », Le Monde du droit 7 mai 2020), la présidente de l’UNIS souligne que des rapprochements sont menés avec les autres syndicats, à savoir la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) et le Syndicat national des professionnels de l’immobilier (SNPI) : « Nous menons des travaux depuis plusieurs mois dans l’intérêt général des professions, des citoyens, de la planète et de l’immobilier en général afin de formuler des propositions communes et les soutenir devant les pouvoirs publics. Il est indispensable de travailler ensemble sur le coût du logement, le coût du foncier, car être écoresponsable dans le secteur immobilier a un coût et il doit être abordable économiquement dans la chaîne de l’écosystème sinon personne ne va suivre ».
On l’aura compris l’écosystème immobilier est un acteur engagé dans la révolution économique, sociale et environnementale des territoires. Toutefois il sera intéressant d’observer dans les mois futurs comment seront conciliés les impératifs sociétaux et environnementaux, les équilibres économiques dans un contexte au demeurant fragilisé.
Audrey Tabuteau