Nicolas Rannou : « Le principal objectif est de poursuivre la rationalisation de l’activité, alors que l’état d’urgence sanitaire fait émerger des questions juridiques tout à fait nouvelles »

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Nicolas Rannou est coopté associé au sein du cabinet Claisse & Associés où il était jusqu’à présent directeur du pôle Droit des étrangers et des Libertés publiques fondamentales. Le Monde du Droit l'a interrogé pour en savoir plus sur son parcours et ses objectifs pour le cabinet.

Quelle est votre réaction à votre cooptation en tant qu'associé ?

Beaucoup de satisfaction. Je suis très heureux de devenir associé. C’est à la fois un accomplissement, une reconnaissance de mon engagement dans l’entreprise et une nouvelle perspective de développement. Je vais pouvoir me dégager davantage de temps par rapport à l’organisation de l’activité, rendue plus prenante avec la crise sanitaire, étendre encore le domaine d’intervention et faire face à une nouvelle série de réformes au plan national et international. Je souhaite aussi pouvoir revenir aux fondamentaux juridiques. C’est indispensable dans un contentieux aussi technique que le droit des étrangers car il nécessite une maîtrise parfaite des procédures.

Quel est votre parcours ?

J’ai commencé comme avocat dans un premier cabinet où je faisais déjà des libertés fondamentales et du droit des étrangers pour la défense de l’Etat. C’était une petite partie de mon activité, qui est devenue une grande part lorsque j’ai intégré Claisse & Associés il y a près d’une dizaine d’années. J’ai donc défendu l’Etat ou des personnes publiques (ministère de l’Intérieur, préfectures, etc.) devant un nombre de juridictions croissant et étendu mon spectre d’intervention : au début j'intervenais devant le juge judiciaire (civil et pénal), ensuite devant le juge administratif.

Mon champ d’activité s’est élargi aussi bien au plan géographique que sur celui du contentieux. Au bout de quatre ans, j’ai pris la direction du pôle Droit des étrangers et Libertés fondamentales. J’avais en charge les fonctions organisationnelles et doctrinales : piloter l’activité, déterminer les modalités d’organisations, conduire, animer toute une équipe, mais aussi fixer des positions de défense communes et révéler les solutions juridiques favorables. C’est cela que je fais, toujours en continuant d’étendre le champ d’action depuis plusieurs années.

J'ai également une activité de formation en matière de libertés fondamentales que je dispense devant les services de police ou de la gendarmerie (pour des formations à la procédure pénale), et en matière de droit des étrangers (à destination des préfectures) dans des formats assez variés : en petit comité (5-6 personnes) ou avec une centaine de policiers ou gendarmes présents dans une salle./p>

Avez-vous une anecdote, ou un événement marquant à nous raconter ?

Les faits marquants de mon activité sont toutes les fois où l’on commence ou se retrouve en position minoritaire voire isolé sur certains sujets juridiques, et au final où l’on peut renverser totalement la position et prévaloir dans des conditions difficiles. Par exemple, une juridiction avait rejeté en formation réunie une argumentation - celle que j’avais proposée et défendais - mais, en appel, celle-ci avait été admise en formation plénière.

Comme anecdote, je garde en mémoire un déplacement d’une petite semaine organisé en urgence à Mayotte, dans le cadre d’un contentieux important et sensible à plusieurs niveaux. Le déplacement avait supposé une escale au Kenya puis de prendre une vedette puisque l’aéroport est situé sur l’île de Petite-Terre alors que le tribunal est à Mamoudzou, sur Grande-Terre. On n’a pas tous les jours l’occasion de se rendre en audience en avion puis en bateau !

Comment vivez-vous cette période ?

L’activité que je pilote se tient au quotidien devant les juridictions administratives et judiciaires, aussi bien en métropole que dans les outremers (Guyane, Mayotte, Réunion). Nous avons un pôle de compétences, à forte polyvalence et capacité de mobilité mais nous nous trouvons dans un brouillard relatif, imposé par les incertitudes générées par la crise sanitaire. Nous sommes toujours suspendus à la possibilité d’annonces qui nous obligeraient à réorganiser encore une fois l’activité.

Nous devons également voir comment les attentes de nos clients évoluent et comment les modalités d’actions devant les tribunaux se modifient. Nous sommes donc dans une réorganisation permanente, obligés de nous adapter, ce qui ne se fait pas sans effort, mais renforce notre organisation : cette contrainte est une opportunité pour affiner notre propre organisation générale, et notamment notre « Ligue des plaideurs » qui réunit des avocats de terrain dédiés à la pratique du contentieux d’urgence dans les domaines du droit les plus sensibles. C’est donc une période très intense qui teste nos outils et nous permet de les améliorer.

Enfin, avec l’état d’urgence sanitaire, nous faisons face à des questions juridiques tout à fait nouvelles, notamment l’expérimentation d’audiences en visioconférence.

Quels sont vos objectifs pour le cabinet ?

Mon principal objectif est de poursuivre la rationalisation de notre activité qui est très exigeante et nécessite une parfaite maîtrise des procédures, tout cela malgré les changements de circonstances permanents liés à la crise pandémique que j’évoquais précédemment. Il faut maintenir cette rationalité, gérer la complexité dans un contexte d’éclatements géographique et disciplinaire de nos interventions.

Le deuxième objectif est plus général. Nous cherchons l’accomplissement des avocats du pôle, à ce que tout le monde puisse y grandir. Enfin, nous avons un rôle charnière de la défense des libertés fondamentales car nous défendons des personnes publiques.

Quelles sont les personnes ayant influencées votre carrière ? Et pour quelles raisons ?

Yves Claisse, qui est toujours de bons conseils, Jean-Alexandre Cano, et Anne-Laure Lacoste. Ils ont tous été des modèles. J’ai apprécié leur capacité à diriger des grands ensembles parfois hétérogènes ainsi que le jugement dont ils ont su faire preuve face aux difficultés.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier 


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