Philippe Coen, Directeur juridique de The Walt Disney Company EMEA

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Philippe Coen - Directeur juridique - The Walt Disney Company EMEA

« Le métier d’avocat et de juriste d’entreprise constituent deux modes d’exercice du même métier. Exercer le métier de juriste, c’est faire le choix de l’hyper compatibilité. Etre juriste, c’est être comme le personnage de Zelig de Woody Allen, un homme-caméléon, hyper adaptatif » aime préciser Philippe Coen, qui connaît autant le métier d’avocat que celui de directeur juridique.

« A chaque dossier, on incarne quelqu’un d’autre. On garde ses valeurs mais l’espace d’une affaire, on est le dossier, on est le client, on est le marché dans lequel le client interne ou externe opère ». Le fait d’empathiser les problèmes du client, d’être dépositaire du souci de l’autre, avec la passion du dénouement de la résolution (comme un happy end hollywoodien)… voilà ce qui porte Philippe Coen depuis vingt ans. Il a débuté sa carrière en tant qu’avocat, d’abord comme stagiaire chez Gide, puis collaborateur auprès de Linklaters et de Berlioz & Co, pour la poursuivre ensuite en entreprise, à la Walt Disney Company, qu’il a rejoint en 1997 et où il exerce en tant que vice-président auprès de la direction juridique (Europe, Moyen-Orient et Afrique), une direction juridique qui couvre tous les labels du Groupe (Disney, Pixar, Marvel, ESPN, ABC,…), et les secteurs tels que la production, les droits d’auteurs, la télévision, le cinéma, la vidéo, internet, les produits dérivés, les Disney stores, les spectacles, les éditions musicales…

L’acte fondateur, celui qui l’a mené au droit, Philippe Coen s’en souvient très bien : c’est la lecture, dans ses années d’enfance, de la revue de la Licra, le Droit de Vivre qu’il trouvait dans le cabinet médical de son père. « Je me souviens avoir dévoré des paquets entiers de cette revue, essentiellement les pages rédigées par les avocats de l’association où il était question de justice, de lutte contre les discriminations, de bourreaux de la shoah et de l’action de la commission juridique de cette association antiraciste ».

Passionné par le droit, Philippe Coen cumule les formations : double maîtrise de droit de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne ( Droit des affaires & Droit Européen), certificat de droit international public à la Cour Internationale de Justice de La Haye, double troisième cycle (DESS Droit du commerce international de l’Université de Paris X & DEA de Droit public de l’Université de Paris XIII) et pour finir, un LL.M. de la Harvard Law School.

Et puis il y a eu le cinéma et l’audiovisuel. A ses formations juridiques Philippe Coen ajoute une maîtrise de cinéma de l’Université Jussieu Paris VII. « J’ai commencé à faire des films amateurs au collège et l’été, plutôt que de partir en vacances, je préférais réaliser des courts métrages. » Alors pourquoi ne pas faire du cinéma son métier ? « Parce qu’il y a plusieurs moyens pour collaborer à la magie du cinéma » répond Philippe Coen avec amusement.

Pendant douze ans, parallèlement à son métier d’avocat ou de directeur juridique, Philippe Coen va réaliser des chroniques pour la radio (plus de 500 émissions) et dans les pages culture de diverses revues, pour parler des films qu’il veut faire partager.

Dans son métier de juriste comme dans l’audiovisuel, c’est le processus créatif qui retient toute son attention, et plus encore, le rôle de la mémoire créative dans ce processus, dont il a fait un axe de recherche. «  On est ce que la mémoire a fait de nous et la mémoire est la chose la moins bien cultivée car nous sommes dans un environnent de l’immédiateté ».

Philippe Coen entreprend donc de réaliser pour la télévision une série de portraits sur la Mémoire intime en interviewant des personnalités, hors de toute actualité, hors du temps, Cédric Klapisch, Michel Piccoli,  Michæl Lonsdale, Marie-France Pisier, … et les interroge sur la notion de mémoire appliquée à leur travail.

« Cela a fait de moi quelqu’un d’autre. Quand on va au fond de l’histoire et de la mémoire de ces personnages, s’éclaire alors le processus créatif qui a fait d’eux ce qu’ils sont.»

Lorsqu’on demande à Philippe Coen si tout ceci est compatible avec le métier qu’il pratique, il vous répond sans hésiter que l’un nourrit l’autre à chaque instant. « Comment peut-on être un bon conseil pour des clients qui font de la production de films et des œuvres de création si on n’a pas une connaissance véritable de ce qu’est le processus créatif. » Connaître le langage, le mode de raisonnement, les contraintes, les modèles économiques, les problèmes de politiques internes et les défis technologiques auxquels se confrontent ses clients.

« C’est peut-être parce que je suis à la fois passionné par le cinéma et par la notion de résolution des problèmes et de défense que j’ai pu trouver à ce stade de mon existence, un certain équilibre entre ces deux mondes, le droit et l’audiovisuel. » indique Philippe Coen, pour qui les métiers d’avocat/juriste et de cinéaste ont des points communs : les deux métiers consistent, notamment, à mettre une voix sur un message.

Philippe Coen exerce également ses talents au sein de l’AFJE (Association Française des Juristes d’entreprise) dont il est vice-président. Il a créé et anime la commission propriété intellectuelle et audiovisuelle et a réalisé pour le 40ème anniversaire de l’AFJE son septième documentaire en ligne pour l’AF JE : un film, témoignage de la mémoire de ce métier, tourné au Collège des Bernardins, à travers lequel il a donné la parole à tous les fondateurs et anciens présidents de l’AFJE (« Il était une fois les juristes d’entreprise » sur www.afje.org, dernier épisode en date de la série que Philippe Coen a intitulé : « Juriste d’entreprise : la passion de la solution » : un titre en forme de devise professionnelle).

Bien qu’il soit depuis treize ans directeur juridique au sein d’un groupe d’une grande diversité et modernité, groupe que Philippe Coen est visiblement très heureux de conseiller, il estime toujours faire le même métier que celui qu’il exerçait en tant qu’avocat, à l’instar de ses collègues basés dans les autres pays, qui continuent de faire bénéficier leurs clients de la confidentialité des échanges.

« Un seul métier et deux modes d’exercice différents. Aujourd’hui il y a un métier qui a un statut (avocat) et l’autre qui est « sans papier » (juriste d’entreprise). Je fais partie de ceux qui œuvrent à la suppression de cette incohérence, qui est en même temps un préjudice continu fait à nos entreprises et par ricochet aux praticiens français. Ce n’est pas un problème de statut ou de robe, mais bien de sécurité juridique pour le client interne : l’entreprise » précise Philippe Coen. « Il existe un mouvement dans le reste du monde, Canada, Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Espagne, etc.… consacrant l’existence d’une seule et même profession. Il n’y a pas de raison que la France reste à la traine des autres pays et que son attractivité en souffre jour après jour ».

Que ce soit sur le thème du rapprochement des professions ou sur les autres sujets, nombreux, qui lui tiennent à cœur, Philippe Coen intervient à chaque fois qu’il en a l’occasion. Conférencier assidu, Philippe Coen est également vice-président de l’Union des Fabricants et enseigne l’Essec. « J’ai la chance, ce qui est en même temps un défi, de donner un cours en droit de la concurrence à des MBA, (en duo avec Frédéric Jenny, professeur d’économie à l’Essec, conseiller en service extraordinaire à la Cour de Cassation et de longue date président du Comité concurrence de l’OCDE). Et là, c’est un vrai moment de vie ».

Bien sûr, il y a aussi tous les projets à venir, car Philippe Coen le dit lui-même, les seules limites sont celles qu’on s’impose à soi-même. Alors il envisage la réalisation de docu-fictions sur des cas pratiques en droit ou encore une télé du droit grâce à un accord entre l’AFJE et l’Université Paris II, ce qui permettrait, à travers sa web TV, de créer conjointement des programmes à destination des entreprises. Toujours entre droit et audiovisuel.


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