Les cabinets d'avocats sur la voie de la RSE

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rseLa question de l'adoption d'une politique RSE au sein des cabinets d'avocats commence timidement à se faire entendre. Pourtant l'adoption d'une telle politique apparaît comme un atout majeur. Le Monde du Droit a donc tenté de connaître les éventuels freins à l'application de ce type de politique qui peut apparaître comme un outil de différenciation et de visibilité des cabinets sur un marché de services juridiques toujours plus compétitifs.

Si on ne peut aujourd'hui parler d'une complète adoption de ce type de politique au sein des sociétés d'avocats, on peut néanmoins souligner que quelques cabinets ayant saisi l’importance des enjeux environnementaux, économiques et sociaux s’y sont intéressés mais encore de manière trop partielle.

Une politique managériale destinée à tous types d'entreprises

La RSE, Responsabilité Sociétale des Entreprises ou Responsabilité Sociale des Entreprises, est un concept dans lequel les entreprises intègrent des préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur la base du volontariat. Cette politique est applicable par tous types d’acteurs économiques car tous ont des enjeux RSE selon leur activité. Aujourd’hui, sociétés cotées, non cotées, collectivités, sociétés de gestion et fonds d’investissement développement des politiques RSE. Elles ne sont ni applicables, ni appliquées en fonction seulement d’une certaine taille d'entreprise, de son âge, de ses moyens ou de ses obligations. Son application est avant tout volontaire, c’est une question de conviction, de vision. Il est donc certain qu’un cabinet d'avocats, société à part entière, peut intégrer à son business model et déployer au sein de son cabinet une politique RSE globale.

La RSE concerne aussi les cabinets d'avocats

L’intégration d’une politique RSE est en totale cohérence avec le métier d’avocats, son positionnement, sa responsabilité dans la société et la déontologie qu’il doit respecter. L'Ordre des Avocats de Paris avait d’ailleurs compris l'importance de cet enjeu puisqu'en 2012/13, il développait une première démarche RSE avec la publication d’un rapport dédié et encourageait les cabinets d’avocats à se saisir de ces questions dans leur projet de développement.

Phases d'application

Selon Nathalie Rehby, et Fabienne de la Chauvinière, consultantes RSE et Communication, Avocats RSE groupe Satellitis, il existe quatre phases d'application. La première est celle de la sensibilisation de l'entreprise dans toutes ces strates pour une bonne compréhension et une bonne appropriation de cette politique. L’adhésion des parties prenantes et en particulier de l’interne est essentielle à toute démarche RSE et à sa réussite. La deuxième est celle du diagnostic, l'état existant des actions mises en œuvre en matière sociale, environnementale ou/et économique. En raison des convictions de quelques associés, certains cabinets mènent déjà des actions sociales, sociétales ou environnementales. Le but est d’intégrer l’existant dans une démarche structurée et donc de "rassembler ces initiatives de manière logique et cohérente".

Puis l'entreprise choisit son niveau d'investissement et celui de ses parties prenantes dans le déploiement de la politique ainsi que le pôle à accentuer (social, économique ou environnemental) en fonction de ses propres enjeux et de ses objectifs.

Enfin, des objectifs RSE sont déterminés, des actions sont mises en place et seront mesurées en fin d’année afin de valoriser les progrès réalisés et déterminer les marges de progression. Après ce bilan, des objectifs seront fixés pour l’année à venir. Une politique RSE se conçoit sur la durée. « C’est une démarche de progression en continu en tenant compte toujours du contexte du Cabinet d’avocats, de ses enjeux et de ses priorités. » ajoute Nathalie Rehby.

Sur la voie d'une politique RSE

Aujourd’hui, on peut souligner et saluer les initiatives mises en place sur cette voie par les cabinets d'avocats mais on ne peut pas à proprement parler d'une politique de RSE. En effet, pour parler d'une réelle adoption d'une politique RSE, les cabinets doivent s'engager sur les trois piliers qui constituent un développement durable : le social, l’économique et l’environnemental. Si un cabinet annonçait la mise en place d'une politique RSE pour son implication en matière environnementale mais assortie d’une politique sociale minimale, cela pourrait lui être préjudiciable car ce serait du greenwashing.

Des cabinets d'avocats ont fait quelques petits pas

Parmi les cabinets d’avocats français, Gide et le cabinet Lefebvre & Pelletier, ont initié une démarche RSE et un premier rapport.
Par ailleurs, le cabinet Vigo est le premier cabinet du barreau de Paris partenaire de l’Ordre à s’être engagé dans le processus AFAQ 26000, évaluation responsabilité sociétale sur la base du référentiel ISO 26000.
Pour le moment, les cabinets ont déployé des actions en matière sociale, sociétale ou environnementale mais trop partielles pour que l’on puisse parler de politique RSE.
Ayant saisi l'enjeu réputationnel et l'impact économique d'un développement dit "durable", certains cabinets ont donc mis en marche des politiques d'éco gestes.

Par exemple, la Société d'avocats Homère s'engage par la participation au programme de "reforestaction". Ce programme finance la plantation d'arbres au Sénégal en proportion supérieure à l'utilisation de papier du cabinet. Pour Sébastien Robineau, fondateur du cabinet il était important que "l'entreprise s'inscrive dans un profond respect de la société dans laquelle elle évolue puisqu'elle ne peut pas faire l'impasse sur l'impact environnemental de ses actions."
Le Cabinet Filor est également très engagé en matière environnementale puisqu'en 2012 il a réalisé un bilan carbone ainsi qu'une politique d'achats responsables (systèmes d'éclairage LED, acquisitions de vélos électriques pour les déplacements des avocats et salariés).

Une façon de donner du sens à son activité :  mobiliser et fédérer ses parties prenantes, collaborateurs et salariés

Selon Fabienne de La Chauvinière, "une politique RSE réfléchie, bien appréhendée et bien partagée contribue à la performance de l'entreprise, du cabinet d'avocats." Elle ajoute que "les salariés sont plus mobilisés, fiers de leur entreprise donc on constate moins d'absentéisme et de turnover, les clients sont agréablement surpris par cet engagement, qu'eux-mêmes portent, et sur lequel ils n'attendaient pas forcément leurs avocats."

Andrea Batignani et Arnaud Dumourier


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