Un barreau peut interdire à un avocat de porter avec la robe un signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique lors de ses missions de représentation ou d’assistance d’un justiciable devant une juridiction.
Par délibération du 24 juin 2019, l’ordre des avocats du barreau de Lille a modifié son règlement intérieur, en ajoutant à l’article relatif aux rapports avec les institutions la phrase suivante : "l’avocat ne peut porter avec la robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique". Le conseil de l’ordre a voulu, par cette consolidation, rappeler l’unité de la profession et l’égalité entre confrères, symbolisé par le costume.
Soutenant que cette délibération est illégale car elle a un caractère discriminatoire à l’égard des femmes de religion musulmane revêtant un foulard, Mme A., élève avocate à l’Institut de formation des avocats du Nord-Ouest, a formé un recours préalable contre cette délibération devant le bâtonnier du barreau de Lille, qu'il a rejeté.
Dans un arrêt du 9 juillet 2020 (n° 19/05808), la cour d’appel de Douai déclare tout d'abord que, dès lors que le costume d’audience est une question intéressant l’exercice de la profession des avocats inscrits au barreau de Lille, son conseil de l’ordre est bien compétent pour modifier son règlement intérieur à ce sujet.
Ensuite, la cour d'appel rappelle que, afin de protéger les droits et libertés d’autrui et en l’espèce ceux du justiciable que l’avocat représente ou assiste, chaque avocat dans l’exercice de ses fonctions de défense et de représentation se doit d’effacer ce qui lui est personnel au profit de la défense de son client et du droit, le port de la robe sans aucun signe distinctif étant nécessaire afin de témoigner de cette disponibilité à tout justiciable.
Dès lors l’interdiction édictée par la délibération litigieuse du 24 juin 2019 ne peut pas empêcher une femme portant le foulard de prêter serment et de devenir avocate, mais seulement restreindre la possibilité de garder le foulard quand cette avocate intervient devant une juridiction pour assister ou représenter un justiciable, la liberté qui lui est reconnue de manifester sa religion devant céder, lorsqu’elle intervient comme auxiliaire de justice, concourant au service public de la justice, devant la protection des droits et la liberté du justiciable.
L’objectif recherché est ainsi bien légitime et l’exigence proportionnée, cette interdiction ne valant que lors des seules missions de l’avocat de représentation ou d’assistance d’un justiciable devant une juridiction.