Un paiement effectué par l'avocat du débiteur, avec l'autorisation de celui-ci, par un chèque émis au moyen de fonds appartenant à ce débiteur et déposés sur un sous-compte ouvert à la Carpa, est-il soumis à l'action en rapport ?
A l'occasion d'un contentieux entre deux sociétés relatif à la construction d'une centrale photovoltaïque, des saisies-attributions ont été pratiquées pour appréhender l'indemnité due à la société donneuse d'ordre par l'assureur de son prestataire. Des fonds ont été versés sur le compte du cabinet d'avocats représentant le donneur d'ordre, ouvert à la caisse des règlements pécuniaires des avocats (Carpa).
Après que le cabinet a fait signer par son client une autorisation de paiement sur son compte Carpa, un chèque d'un montant de 199.034,21 € a été émis par la Carpa au bénéfice du cabinet en paiement de ses honoraires.
A la suite de la mise en redressement judiciaire de la société, l'administrateur a assigné le cabinet d'avocats pour obtenir l'annulation du paiement qu'il avait reçu. Le redressement ayant été converti en liquidation judiciaire, le liquidateur a repris l'instance et demandé le rapport du paiement obtenu par le cabinet.
Par la suite, la société d'avocats a été mise en sauvegarde et un plan de sauvegarde a été arrêté.
La cour d'appel de Paris a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par le cabinet et ordonné le rapport de la somme de 199.034,21 € à la liquidation judiciaire de sa cliente.
Les juges du fond ont constaté que le paiement litigieux avait été effectué par un chèque émis au moyen de fonds déposés sur un sous-compte ouvert à la Carpa au nom de la société cliente, après autorisation de cette dernière, et, ainsi, fait ressortir que ces fonds, propriété de la débitrice, avaient constitué la contrepartie qui en avait permis l'émission. Ils ont retenu que ce chèque, remis au cabinet en paiement de ses honoraires alors qu'il connaissait l'état de cessation des paiements de la société, constituait un paiement effectué par un tiers pour le compte de la société débitrice, de sorte qu'il était soumis à l'action en rapport.
La Cour de cassation approuve cette analyse dans un arrêt du 24 mai 2023 (pourvoi n° 21-21.424), rappelant qu'il résulte des articles L. 632-1 I, alinéa 1er, et L. 632-3, alinéa 2, du code de commerce qu'un paiement par chèque effectué par un tiers pour le compte du débiteur, intervenu depuis la date de cessation des paiements, est soumis à l'action en rapport dès lors que les fonds du débiteur ont constitué la contrepartie permettant l'émission de ce chèque et que son bénéficiaire avait connaissance de l'état de cessation des paiements du débiteur.