Avocat : un travail en urgence mérite récompense

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Un cabinet d’avocat est en droit d'exiger une facturation exceptionnelle pour un travail en urgence, mobilisant une équipe durant un week-end, en l'espèce pour obtenir le déblocage d'un site paralysé par un mouvement social. Le taux horaire appliqué doit toutefois dépendre du statut du professionnel au sein du cabinet.

Une société a saisi en urgence un avocat, membre d'une Selarl, dans le cadre d'une grève ayant entraîné le blocage de l'un de ses sites. Aucune convention d'honoraires n'a été établie.
Autorisé par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Nantes, l'avocat saisi a fait délivrer au nom de sa cliente une assignation à sept de ses salariés pour obtenir la fin du blocage, ce qui a conduit à une issue amiable et, après échanges avec l'avocat adverse, à un désistement de l'instance engagée.
A l'issue de cette intervention, l'avocat a adressé une note d'honoraires de 17.716,57 € TTC à la société. Cette dernière a refusé de régler cette note, l'estimant excessive.
Le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nantes a taxé les honoraires dus par la société à la somme de 7.200 € TTC et condamné la cliente au paiement de cette somme.

La Selarl a interjeté appel de cette décision, se prévalant du contexte d'urgence dans lequel l'avocat a été saisi, un vendredi en fin d'après-midi, l'obligeant à cesser de travailler sur d'autres dossiers et à poursuivre ses diligences pendant le week-end. Le cabinet précise qu'il a dû mettre à disposition de sa cliente une équipe dédiée. Il explique l'absence de convention d'honoraires par ce contexte d'urgence, comme le prévoit le règlement intérieur national de la profession. Il fait valoir la technicité de son intervention dans ce dossier qui a nécessité 48 h de travail et fait remarquer que la société a subi un préjudice important lors du blocage, s'élevant à 332.000 €.

Dans un arrêt rendu le 27 mai 2024 (n° 24/00065), la cour d'appel de Rennes valide que le fait qu'aucune convention d'honoraires n'a été conclue s'explique par l'urgence et entre dans l'exception prévue l'article 10 alinea 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ce que ne conteste pas la société. La rémunération de l'avocat doit alors être arrêtée selon les usages, la situation de fortune du client, la difficulté de l'affaire, les frais exposés par l'avocat, sa notoriété et les diligences qu'il a accomplies.

En l'espèce, il est incontestable que le cabinet a réagi très rapidement, avec efficacité et professionnalisme, mettant des moyens adéquats.
Les juges du fond notent cependant que l'examen attentif du décompte des temps passés révèle, d'une part, que certaines prestations ont été comptées deux fois alors que d'autres sont manifestement exagérées.
Par ailleurs si l'avocat chargé du dossier, compte tenu de sa notoriété, de son statut au sein de la structure (avocat associé) et de son expérience (plus de vingt années de barreau) peut légitimement revendiquer un taux de 300 € HT/h, ce montant ne peut être retenu pour son collaborateur counsel dont l'expérience est bien moindre, ni a fortiori pour sa collaboratrice et son assistante.

En conséquence, la cour d'appel décide que le montant des honoraires dus par la société sera arrêté à la somme totale de 12.028,57 € TTC que la cliente sera condamnée à régler à la Selarl.

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