Où en est l'open data des décisions de justice dans les États membres de l’UE ?

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Un *rapport de la présidence du groupe « Justice en ligne », réalisé dans le cadre de la PFUE, dresse un comparatif de la mise à disposition des décisions de justice et des conditions d’encadrement de leur réutilisation. Il met en exergue que la mise à disposition des décisions de justice est engagée dans l’ensemble de l’Union européenne.

Le rapport « Tableau comparatif sur l’encadrement de l’accès en données ouvertes aux décisions de justice » réalise par la présidence du groupe « Justice en ligne » dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), permet d’avoir un état des lieux de l’open data des décisions de justice.

Mise à disposition des décisions de justice

En ce qui concerne la mise à disposition des décisions de justice, celle-ci est limitée, pour une grande majorité des Etats membres, à une sélection de ces décisions, sélection qui peut être effectuée dans un but de protection d’intérêts particuliers (sécurité, vie privée des personnes) ou d’identification de décisions d’intérêt particulier.

S’agissant du mode de sélection des décisions publiées, 2 États prévoient une sélection en fonction de l’intérêt pour le public (Belgique, Suède) et 6 États indiquent que les décisions publiées sont majoritairement celles des plus hautes juridictions (Allemagne, Autriche, Croatie, Espagne, Irlande, Luxembourg). En outre, la plupart des États prévoient une sélection liée à la nature des décisions. Ainsi, 11 répondants (Allemagne, France, Grèce, Irlande, Lettonie, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovénie) excluent certaines décisions en raison de leur caractère sensible (affaires criminelles, familiales ou impliquant des mineurs, affaires militaires ou relatives au secret défense).

3 États indiquent ne mettre à disposition que les décisions rendues publiquement (France, Grèce, Lettonie), 2 États indiquent ne mettre à disposition que les décisions non confidentielles (Portugal, Roumanie) et 4 répondants indiquent ne mettre à disposition que les décisions définitives (Cour de Justice de l’Union Européenne, Croatie, Lettonie, Portugal).

Seule la France prévoit un échéancier progressif de mise à disposition des décisions, par niveau d’instance et type de contentieux, à échéance 2025.

2 États (Estonie, Malte) prévoient un principe de mise à disposition de toutes les décisions et une exception à la discrétion de la juridiction en cas de risque d’atteinte à la vie privée des personnes.

18 répondants indiquent avoir opté pour une gratuité totale de la mise à disposition des décisions et 4 pour une gratuité partielle, des frais pouvant être demandés dans certains cas.

Protection des données personnelles

En ce qui concerne les risques liés à l’exploitation de ces décisions, le principal risque identifié est celui relatif aux données personnelles (réidentification, vie privée, droit à l’oubli, à la sécurité, etc.).

15 répondants (Allemagne, Autriche, Cour de Justice de l’Union Européenne, Espagne, Estonie, France, Irlande, Lettonie, Lituanie, Malte, Office des publications, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Tchéquie) ont mentionné la réidentification comme l’un des risques liés à la mise à disposition des décisions de justice.

4 répondants mentionnent les risques liés directement au caractère officiel des données, et à l’exigence de conformité, sécurité, accès, conservation, mise à jour de ces données (Cour de Justice de l’Union Européenne, France, Lituanie, Office des publications). Un État cite le risque d’erreur dans les décisions diffusées (Irlande) et un État cite le risque de création de bases de données non-officielles liées aux publications massives (Estonie).

Certains États mentionnent le risque de divulgation d’informations sensibles liées au secret défense, secret d’État, secret militaire, secret des affaires (Allemagne, Tchéquie).

D’autres États mentionnent le risque de divulgation de décisions confidentielles (Portugal, Roumanie)

La mesure de prévention de ces risques la plus partagée est l’anonymisation ou la pseudonymisation des décisions, laquelle est pratiquée par tous les répondants, que ce soit sur une partie de leurs décisions ou sur la totalité d’entre elles.

L’accès aux décisions intégrales est en général réservé aux parties et aux personnels pour les besoins de leur activité juridictionnelle, mais leurs droits d’accès peuvent être restreints.

Encadrement de la réutilisation

Au-delà de ces mesures de pseudonymisation, beaucoup d’États encadrent la réutilisation des décisions de justice. La plupart des obligations sont des obligations standards en matière de mise à disposition en open data, mais certains prévoient des mesures et obligations spécifiques, notamment liées aux finalités de la réutilisation. 

20 répondants (seuls les Pays-Bas et la Slovénie n’en font pas mention) mentionnent des dispositifs juridiques pour encadrer la réutilisation des décisions de justice.

13 États (Autriche, Croatie, Espagne, France, Grèce, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pologne, Suède, Tchéquie) évoquent l’application de lois ou réglementations encadrant la réutilisation des décisions de justice.

9 répondants (Allemagne, Belgique, Estonie, France, Irlande, Lituanie, Office des publications, Portugal, Roumanie) prévoient des conditions générales d’utilisation ou des licences.

Seule l’Estonie impose la signature d’une convention entre les services producteurs de la donnée et les réutilisateurs.

Arnaud Dumourier (@adumourier)    


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