L'Organisation de Coopération et de Développement Economique a mis en place 15 actions dans le cadre du plan BEPS visant à refixer les règles fiscales internationales dans le but d'endiguer l'évasion fiscale des groupes internationaux.
Les recommandations en matière de lutte contre l'évasion fiscaleL'OCDE a élaboré ces quinze actions sur la base de trois piliers fondamentaux; le premier pilier est celui de la cohérence fiscale, le deuxième concerne la substance tandis que le troisième se rapporte à la transparence.
La cohérence fiscaleLe premier pilier, celui de la cohérence fiscale, vise à ce que les règles fiscales telles qu'elles sont prévues par les conventions ne puissent pas être détournées. Les conventions prévoient des règles permettant de ne pas imposer deux fois le même revenu et s'axent donc sur la "non- double imposition". Ces règles visent également à ce que la non-imposition ne puisse être appliquée. Ce premier pilier cible notamment, au travers des actions, les situations dites "hybrides".
La substanceSelon Cyril Maucour la substance est un sujet beaucoup plus problématique que celui de la cohérence fiscale. Il est question de dire que l'on doit taxer les revenus là où ils sont produits : "L'accent est donc mis sur le lieu de production des revenus et non pas sur le lieu de propriété des actifs ou le lieu sur lequel un contrat vise à ce que le revenu soit déplacé. Nous sommes bien sur la production du revenu lui-même et l'on insiste principalement sur les Ressources Humaines mais aussi sur la question de ce qu'est un incorporel, comment le rémunérer et comment rémunérer un actif ?"
La transparenceLe troisième et dernier pilier est donc celui de la transparence. Ce troisième point vise à s'assurer que les administrations fiscales puissent être en mesure de comprendre et de contrôler la situation. L'avocat insiste : " Il s'agit de s'assurer qu'il n'y a pas de transfert de base imposable. Pour ce faire, un certain nombre d'informations doivent être mises à disposition des administrations fiscales locales. L'OCDE souhaite, par le biais de ce dernier pôle, renforcer le principe des informations soumises par les contribuables mais aussi la transmission d'informations entre les administrations fiscales."
Les conséquences de ces actions pour les entreprises multinationalesEn ce qui concerne le premier pilier de la cohérence du système fiscal, cela est déjà très anticipé de la part des groupes, ce pole reste donc relativement simple pour ceux-ci en termes de traitements.
Ce sont dans le cadre des deux autres pôles que les conséquences vont être importantes pour les entreprises multinationales: "La substance s'intéresse à une discussion de valeurs et de localisation de la valeur. Les propositions faites par l'OCDE sont intéressantes parce qu'elles relèvent beaucoup d'une approche dite "économique", c'est-à-dire, que l'on va se figer beaucoup plus sur le lieu où l'on considère que les activités sont menées. Finalement, les lieux où l'on a des personnes physiques, des fonctions, des personnes qui gèrent ces fonctions plutôt que sur des concepts juridiques. [...] Nous sommes dans une situation où la règle du jeu n'est pas claire puisqu'elle se situe au niveau économique, le juge national devra sanctionner l'application de ces règles et va raisonner comme un juriste. On peut donc se dire que le nombre de contentieux va enfler et qu'il n'y aura pas de solutions."
Le point concernant la transparence doit être utile et mis en place à bon escient: "Les propositions faites par l'OCDE à ce sujet ne sont pas très pragmatiques et risquent d'être un chiffon rouge sous le nez des autorités fiscales locales pour les alerter sur une situation qui serait considérée, depuis un bureau, comme étant anormale et les lancerait finalement dans ce type de contentieux."
L'avocat Cyril Maucour conclut donc l'interview en soulignant que les deux derniers points sont réellement problématiques et met en exergue le regret que les groupes internationaux ne sont pas réellement présents au sein de l'OCDE puisque ce sont les administrations fiscales qui se prononcent. Il exprime également son regret sur le fait que les Etats ne se sont toujours pas mis d'accord sur la convention fiscale multinationale prévoyant un instrument de règlement inter national des contentieux.