À l’occasion de la rentrée solennelle du barreau de Paris ce vendredi 29 novembre 2024, Pierre Hoffman, bâtonnier de Paris, a mis en lumière les défis et les mutations profondes qui affectent la profession d’avocat. Mais au-delà du constat, il propose une vision tournée vers le renouveau, l’unité de la profession et l’innovation.
Dans une époque marquée par des bouleversements sans précédent, Pierre Hoffman a invité les avocats à s’unir, à se réinventer, et à affronter les défis de leur temps avec audace et détermination. « Comment être un avocat de la paix ? » a-t-il interrogé en ouverture, posant les bases d’une réflexion qui a traversé toute son intervention.
Un métier entre admiration passée et tensions actuelles
Pierre Hoffman n’a pas éludé les réalités difficiles que rencontrent aujourd’hui les avocats. Face à une société en pleine mutation, marquée par des évolutions législatives, une pression économique accrue et des attentes changeantes des clients, le métier d’avocat a perdu une partie de son éclat traditionnel. « Nos clients sont plus nombreux et plus exigeants, nous prennent parfois pour de simples prestataires. » En même temps, les attaques ciblant les avocats en raison des causes qu’ils défendent ou les atteintes au secret professionnel sont autant de signes d’une époque troublée.
Loin de céder à la nostalgie, Pierre Hoffman a invité ses confrères à dépasser les regrets liés à un passé révolu. « N’ayons pas un discours de nostalgie. Nous devons regarder devant nous. Regarder l’avenir en face. » Ce regard vers l’avenir est, selon lui, non seulement nécessaire mais urgent. Pour répondre aux bouleversements qui affectent la justice et le métier, il a insisté sur le besoin de réformes profondes et d’une adaptation constante.
Un budget de la Justice pas à la hauteur des enjeux
S’adressant au garde des Sceaux présent lors cette rentrée, Pierre Hoffman a souligné le manque de moyens criant dans le système judiciaire. Reconnaissant les efforts entrepris, il a néanmoins rappelé que beaucoup restait à faire :
« Des moyens, je sais que vous vous êtes battu pour en obtenir. Nous vous avons soutenu, mais nous sommes encore loin du compte. »
Il a insisté sur la nécessité de considérer les avocats comme des partenaires indispensables pour bâtir une justice « plus humaine et plus juste ».
Un appel à la transformation de la profession
Pierre Hoffman a souligné l’urgence d’une réforme structurelle au sein même de la profession d’avocat dans un contexte où le rapport Jamin, rédigé à la demande du barreau de Paris, propose de rééquilibrer la gouvernance de la profession. « Aujourd’hui, je le dis avec une grande solennité : si on ne se réforme pas, si on ne réforme pas nos instances représentatives, nous allons disparaître. »
Le bâtonnier a plaidé pour une réforme globale et une adaptation aux nouvelles réalités économiques. Il a appelé à l’ouverture de la profession sur le monde des affaires, une évolution qui passe notamment par la reconnaissance du legal privilege avec l’avocat en entreprise même s’il a reconnu que ce sujet était toujours controversé : « Ce sont des gros mots, des mots que l’on ne doit pas prononcer sous peine d’être répudié. »
En outre, Pierre Hoffman a souligné la nécessité de repenser le modèle économique des cabinets pour soutenir les jeunes avocats et enrayer l’hémorragie qui pousse un quart des confrères à quitter la profession avant 10 ans d’exercice. « Combien galèrent parce qu’ils ne trouvent pas de clients ou parce que la concurrence est trop rude ? Combien se rêvaient autrement et combien ont envie de partir ? »
Le bâtonnier a aussi insisté sur l’urgence de diversifier les pratiques et de conquérir de nouveaux marchés. L’arbitrage, le conseil ou encore les modes amiables de résolution des litiges doivent, selon lui, devenir des piliers de la pratique. Cette ambition se traduit déjà par des initiatives comme les rencontres économiques organisées pour rapprocher les avocats des chefs d’entreprise.
L’intelligence artificielle : un levier pour le barreau
Parmi les initiatives marquantes, Pierre Hoffman a évoqué le déploiement d’un outil d’intelligence artificielle (IA) gratuit et illimité pour les 14 000 avocats parisiens, une première en France. Depuis son lancement en octobre, plus de 4 000 confrères ont adopté cet outil, ouvrant la voie à une transformation numérique de la profession.
Loin de voir cette révolution comme une menace, le bâtonnier a insisté sur les opportunités qu’elle offre : « Ne voyons pas l’IA comme un remplacement, mais comme un formidable levier de croissance pour nos cabinets. »
Un message d’unité et d’engagement
Pierre Hoffman a conclu son discours en appelant les avocats à rester unis et exemplaires. « Nous sommes une profession centenaire, indépendante, pérenne grâce à notre serment et notre déontologie. » Mais il a aussi mis en garde contre les comportements qui pourraient ternir l’image collective du barreau. « Quand vous tweetez, quand vous parlez dans la presse, sur les réseaux sociaux, n’oubliez jamais que l’ensemble de la profession vous regarde. »
Enfin, le bâtonnier a rappelé la symbolique de la « deuxième robe » portée par les avocats au milieu de leur carrière : « Celle qui fait le lien entre les générations, entre les Anciens et les Modernes, la fougue et la sagesse. » Dans cet esprit, il a exhorté ses confrères à transmettre aux jeunes générations l’amour de la robe et le sens des valeurs qui font la force de leur métier.
Arnaud Dumourier