Dans sa plus grande acquisition jamais effectuée, Microsoft a annoncé, la semaine dernière, qu'’il allait acheter le site de réseau professionnel LinkedIn pour 26,2 milliards de dollars en cash. Frédéric Ichay, avocat associé Pinsent Masons, spécialiste en droit des sociétés et fusions-acquisitions TMT, décrypte ici cette annonce de rachat.
L'acquisition, de loin la plus importante dans l'histoire de Microsoft, réunit deux entreprises : le numéro un mondial du logiciel et le plus grand site de réseau social professionnel avec plus de 400 millions de membres à l'échelle mondiale. A l’annonce de cette acquisition, la valeur des actions de LinkedIn a augmenté de près de 50%.
Selon le PDG de Microsoft, Satya Nadella, cette union permettra de réunir le premier cloud professionnel au premier réseau professionnel.
Il faut dire que depuis son arrivée en 2014, Microsoft se bat pour rester la première société de technologie en particulier dans le B to B. Alors que Facebook et d'autres dominent déjà largement les réseaux sociaux personnels, il ne fallait pas manquer l'occasion de rajouter une corde à son arc et de posséder le plus grand site de réseau professionnel.
Microsoft avait déjà raté la vague du mobile. Dorénavant, Satya Nadella sait qu'il doit payer le prix fort pour rester à flot dans le secteur des services. Le rachat de LinkedIn pour 26,2 milliards de dollars équivaut à 196 dollars par action, dans une transaction au comptant. En guise de comparaison, lorsque Facebook a acquis WhatsApp pour 19 milliards de dollars en 2014, cela représentait 40 dollars par action.
Pour comprendre à quel point le prix que va payer Microsoft est important, il suffit de réaliser que la valeur d'entreprise de LinkedIn est l'équivalent de 79 fois les bénéfices de ce réseau social avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (Ebitda) pour les 12 mois précédent le 31 mars. Selon Bloomberg, sur la base de ce multiple, cette transaction est ainsi la plus chère jamais faite du secteur internet payé en cash.
Dans une lettre écrite aux employés de Microsoft, Nadella affirme que cette acquisition sera "la clé de notre ambition audacieuse de réinventer les processus de productivité et d'affaires". Le savoir-faire de LinkedIn est important quant aux aspirations plus larges de l'intelligence artificielle. Avec cet achat, Microsoft acquiert un organigramme mondial de l'entreprise, lui permettant de posséder des données pour construire un produit du cloud taillé sur-mesure, par exemple pour l'amélioration d'un logiciel de relation client ou le recrutement de nouveaux employés.
Toutefois, des doutes subsistent concernant ce rachat : il constitue une sauvegarde pour LinkedIn, dont les actions sont en perte de vitesse depuis le pic de 269 dollars par action en 2015. Mais depuis, les investisseurs sont devenus plus sceptiques quant aux entreprises basées sur le cloud. La veille de l'annonce, l'action LinkedIn était négociée à 131 dollars.
Microsoft n'est pas un habitué des succès dans ses acquisitions, comme en témoigne le désastre Nokia, Yammer ou Sharepoint. Satya Nadella n'était pas aux commandes à l'époque, mais depuis son arrivée, il avait privilégié des acquisitions de plus petites échelles, a l'exception des fabricants du jeu Minecraft pour 2,5 milliards de dollars. Cependant, certains demeurent sceptiques quant à la logique d'une alliance de Microsoft et LinkedIn, d'autant plus à un prix aussi élevé. Il faut dire que nul ne souhaite être le dernier à effectuer une grosse transaction avant l'effondrement d'un secteur, comme en 2000 lorsque Time Warner a fusionné avec AOL juste avant l'éclatement de la bulle internet.
De son coté, Microsoft continue de miser sur le cloud et est convaincu que cette technologie a encore de beaux jours devant elle.
Jeff Weiner restera directeur général de LinkedIn, qui fonctionnera comme une marque indépendante, comme Youtube l'est pour Google. Quant au co-fondateur Reid Hoffman, il aura maintenant de quoi payer des abonnements premium à tous ceux qu'il connaît !
Frédéric Ichay, avocat associé Pinsent Masons