En cas de sortie du contrat d'externalisation, pour faute, pour convenance ou à son échéance, la réversibilité permet à la société de reprendre en interne ou de faire reprendre par un tiers l'exploitation de tout ou partie de son système d'information. Au sens commun du terme, la réversibilité désigne "ce qui peut ou doit retourner au propriétaire qui en a disposé"1.
En présence d'un système informatique externalisé, la réversibilité doit ainsi permettre à la société "de récupérer les éléments transmis pour les besoins des prestations, de se faire transférer les compétences et le savoir-faire du prestataire et, ce faisant, d'assurer la continuité de l'activité sans dégradation de la qualité" 2.
Prévenir plutôt que guérir
On aura compris toute l'importance et l'enjeu de cette phase. Une réversibilité bien réalisée doit, en effet :
- garantir la restitution de l'ensemble des données dans des conditions de nature à garantir leur intégrité, leur sécurité et leur confidentialité ;
- permettre la récupération des actifs externalisés, notamment les matériels, la documentation d'installation et d'exploitation, les "améliorations" apportées par le prestataire, les paramétrages et les développements spécifiques réalisés pendant la durée de la relation contractuelle ;
- couvrir les questions juridiques, fiscales et sociales associées aux contrats concernés ;
- le tout dans des délais contraignants et au profit souvent d'un prestataire par nature "concurrent".
En résumé, la pérennité même d'une entreprise peut se trouver exposée.
L'enjeu mérite qu'on s'en préoccupe durant les discussions précédant la signature du contrat avec le prestataire. Cette phase de réversibilité doit donc être envisagée dès la conclusion du contrat, se construit et s'adapte tout au long de celui-ci. C'est un projet en soi.
Bien sûr, cela impliquera de préciser dans le détail l'étendue des éléments matériels et logiciels qui seront compris dans l'opération de transfert, la façon dont les solutions adaptées aux besoins de l'entité sortante seront « démutualisées », les conditions dans lesquelles les données seront sauvegardées, et remises à l'entité sortante puis détruites par l'ancien prestataire.
Il faudra également prévoir un transfert de compétences au profit du client ou d'un prestataire concurrent, en tenant compte des choix technologiques opérés pendant l'exploitation. Or, dans un contexte souvent conflictuel, des difficultés peuvent venir perturber le bon déroulement des opérations, tenant par exemple à des désaccords sur le périmètre de réversibilité, à la restitution d'éléments (données, logiciels ou documentation) corrompus, régressifs ou incomplets, à des refus d'assistance, sur un fond de discussions financières, confinant à l'abus.
Les questions financières, non anticipées, sont en effet souvent (pour ne pas dire toujours) au centre des débats.
De même, une dépendance technologique forte, pouvant résulter de choix non débattus en faveur d'architectures ou de solutions difficilement disponibles sur le marché, est un facteur de risque lorsque ce choix n'est pas géré. A titre d'illustration, l'utilisation de solutions open sources, sur lesquelles un employé du prestataire serait seul intervenu en cours de contrat sans mise à jour de la documentation d'installation et d'exploitation, et sans la moindre assistance à la reprise, met gravement en risque la continuité d'exploitation.
De telles difficultés sont susceptibles d'entraver les opérations de réversibilité, portant préjudice à la société sortante qui se voit contrainte de reporter la date prévue de reprise (de bascule en production) de la fonction externalisée sur les serveurs du prestataire tiers.
De telles difficultés techniques, opérationnelles et financières peuvent également conduire, en l'absence de résolution amiable entre les parties, à bloquer définitivement les opérations de réversibilité et par là même à porter atteinte de manière irréversible à la continuité de l'activité de la société sortante. Mais que faire quand rien n'est prévu au plan contractuel ?
Le tiers de confiance
En l'absence d'anticipation contractuelle de ces opérations, l'entité sortante ne peut compter que sur l'obligation légale de collaboration (article 1134 du code civil) et sur les usages en la matière pour contraindre son prestataire à l'assister dans les opérations de réversibilité. L'usage veut que le prestataire apporte son concours actif et régulier à son client pour lui permettre de récupérer ses systèmes informations externalisés.
En l'absence de clause de réversibilité (et par conséquent de plan de réversibilité), le transfert du système d'information est donc subordonné à la bonne volonté des parties et à la disponibilité bienveillante du prestataire. La sortie d'un contrat d'outsourcing sans cadre contractuel implique donc que d'un commun accord, dans les délais souvent contraignants, les parties puissent notamment s'entendre sur la détermination d'un prix et sur l'étendue des tâches de réversibilité à effectuer (transfert et restitution des éléments, calendrier, moyens techniques et humains mis en œuvre), étant précisé que le client sortant doit pouvoir continuer à bénéficier, jusqu'à la date de reprise effective de l'activité externalisée, des services jusqu'alors proposés par le prestataire.
Malheureusement, des mesures judiciaires préventives pourront s'avérer nécessaires dans certains cas. Ainsi nous avons obtenu, sur le fondement des articles 808 et 8093 du code de procédure civile, la désignation d'un expert judiciaire informatique, avec pour mission de « superviser » les opérations de réversibilité, de s'assurer de la conformité des opérations aux règles de l'art, de leur bon avancement et de la bonne collaboration des parties. L'expert désigné pouvait à tout moment référer au juge chargé du contrôle des expertises les éventuels incidents ou circonstances affectant ou susceptibles d'affecter la régularité et le bon avancement des opérations. Nous avions prévu qu'en cas de difficultés, l'expert pourrait rapporter les raisons de l'échec des opérations dans les délais impartis et en déterminer l'imputabilité.
En l'absence d'anticipation contractuelle de la réversibilité, la présence d'un tiers susceptible d'avoir des pouvoirs coercitifs permet donc de contraindre la partie qui ne se conformerait pas aux règles de l'art et aux usages en la matière de collaborer activement aux opérations, en respectant les délais et échéances de bascule.
AFNOR, Référentiel d'infogérance, Normalisation française, XP Z 67-801, oct. 1995
1. Juliette Lallemand, Stéphane Larrière ; Lamy Droit de l'Informatique et des Réseaux, Editions 2010, n° 1086 et suivants
2. Article 809 du code de procédure civile : le président peut toujours, « même en présence d'une contestation sérieuse », prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Hervé Gabadou, avocat associé et Donatienne Blin, avocat, département informatique & réseaux chez Courtois Lebel
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