Système sanitaire : le nouveau processus de pharmacovigilance

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Céline Bourjolay, Avocate, Gide Loyrette Nouel Le système sanitaire français s'est-il enfin doté d'un processus de pharmacovigilance efficace ? A la suite du scandale du Mediator et de l'adoption de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, Céline Bourjolay du cabinet Gide Loyrette Nouel se propose de répondre à cette question. 

A la suite du scandale du Mediator qui a fait apparaître une vraie crise institutionnelle en matière de sécurité du médicament en France, la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (la "Loi") a été adoptée afin de restaurer la confiance du public dans le système sécuritaire sanitaire des médicaments et des dispositifs médicaux. La Loi répond également à  la nécessité de transposer la directive européenne 2010/84/UE du 15 décembre 2010 sur la pharmacovigilance avant le 21 juillet 2012. 

La Loi énonce de nouveaux principes de transparence et met en place de nouvelles exigences à l'égard des titulaires d'autorisation de mise sur le marché ("AMM") afin de renforcer la pharmacovigilance (1.). L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ("AFSSAPS") devient l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ("ANSM"). Elle a pour mission non seulement de lutter contre les conflits d'intérêts mais se voit surtout attribuer de nouveaux pouvoirs de contrôle et de sanction (2.).


De nouvelles obligations pour renforcer la pharmacovigilance


La pharmacovigilance se définit désormais comme "la surveillance, l'évaluation, la prévention et la gestion du risque d'effet indésirable résultant de l'utilisation des médicaments" (article L. 5121-22 du Code de la santé publique). L'entreprise ou l'organisme exploitant un médicament ou un produit de santé doit communiquer immédiatement à l'ANSM (i) toute information nouvelle de nature à influencer l'évaluation des bénéfices et des risques du médicament à usage humain ou du produit concerné ; (ii) toute interdiction ou restriction imposée par l'autorité compétente de tout pays dans lequel le médicament à usage humain est mis sur le marché (article L. 5121-9-2 du Code de la santé publique) et (iii) tout arrêt de la commercialisation d'un médicament dans un autre Etat que la France alors que ce produit reste commercialisé en France (article L. 5121-9-4 du Code de la santé publique).

Postérieurement à l'obtention de l'AMM, son titulaire peut être tenu d'effectuer une nouvelle série d'études de sécurité (en cas de craintes quant aux risques de sécurité présentés par un médicament autorisé), ou d'efficacité (quand la compréhension de la maladie ou la méthodologie clinique indique que les évaluations d'efficacité antérieures pourraient être revues de manière significative) ainsi qu'un suivi du risque au travers d'un registre de patients atteints (article L. 5121-8-1 du Code de la santé publique). Cette obligation marque un changement par rapport à la législation antérieure. 

En pratique, les laboratoires pharmaceutiques se voient ainsi contraints de démontrer tout au long de la vie du médicament que le rapport entre les bénéfices et les risques reste favorable. Enfin, le législateur démontre une exigence accrue envers l'industrie pharmaceutique en subordonnant l'inscription d'un médicament sur la liste de ceux remboursés par les caisses d'assurance maladie à "la réalisation d'essais cliniques contre des stratégies thérapeutiques" (article L. 162-17 du Code de la sécurité sociale). De cette manière, l'accès aux nouveaux médicaments remboursés semble réduit aux médicaments ayant prouvé leur valeur ajoutée thérapeutique.

Un décret en Conseil d'Etat est attendu afin de préciser l'interprétation de cette disposition. Ces nouvelles mesures sont complétées par une obligation élargie à la charge des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens, de déclarer les effets indésirables d'un médicament dont ils ont connaissance (article L. 5121-25 du Code de la santé publique). 


L'ANSM a-t-elle réellement de nouveaux pouvoirs ?


L'ANSM reste en charge de l'attribution des AMM mais voit son rôle de contrôle des produits de santé renforcé à travers son pouvoir d'évaluation continue. Elle peut ainsi demander auprès des titulaires d'AMM la communication de nouvelles données démontrant la permanence d'un rapport bénéfices/risques favorable. A ce titre, elle peut contraindre les laboratoires pharmaceutiques à réaliser les essais cliniques portant sur les médicaments sous forme d'essais contre comparateurs actifs et contre placebos. Jusqu'à présent les études étaient réalisées seulement contre placebo ou comparateur et non par rapport au traitement usuel (futur article L. 5311-1 du Code de la santé publique).

Ce nouveau type d'essai est destiné à mettre en évidence la valeur ajoutée d'un nouveau produit par rapport au traitement existant. Un contrôle a priori de la publicité des médicaments auprès des professionnels de santé est réalisé donnant lieu à l'obtention d'un "visa de publicité" désormais obligatoire, dont la durée ne peut excéder celle de l'AMM du médicament concerné (article L. 5122-9 du Code de la santé publique).  

L'ANSM dispose d'un pouvoir de police sanitaire plus étendu qu'auparavant, l'ANSM peut imposer des amendes administratives qui peuvent être assorties d'astreintes journalières. Le montant de l'amende est fixé à 10 % du chiffre d'affaires réalisé dans la limite d'un million d'euros. Elle peut être complétée par la publicité des sanctions ou la décision de fermer l'établissement (Art. L. 5421-9 et suivants CSP).


Conclusion


La portée de ces nouvelles mesures et l'efficacité de ce nouveau système de contrôle restent soumises à la mise en œuvre de nombreux décrets en Conseil d'Etat qui devraient être pris au plus tard le 1er août 2012, ce qui ne permet pas aujourd'hui d'évaluer la véritable efficacité de ces mesures. En outre, bien que de nouvelles dispositions encadrent désormais de manière plus rigoureuse la publicité des dispositifs médicaux, il est regrettable qu'aucun renforcement des mesures de matériovigilance n'ait été mis en place aux termes de la Loi.

 

Céline Bourjolay
Avocate
Gide Loyrette Nouel 

© LegalNews 2012

 

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