Le déficit de la branche AT/MP va t-il entraîner une augmentation des cotisations sociales des employeurs ?

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Michel Franco, Directeur Juridique AtequacyLa logique de financement de la branche AT/MP est purement assurantielle, ce qui suppose que les cotisations des entreprises soient adaptées aux dépenses… Son financement repose en outre sur les seuls employeurs. Par conséquent, elle s’accommode mal d’un déficit évalué par la Cour des comptes à 1,7 milliards d’euros et par l’ACOSS à 2,2 milliards d’euros. Cela dans un contexte de non certification des comptes par la Cour des comptes pour la deuxième année consécutive. Quelle est l’origine de ce problème, sa gravité et quelles sont les solutions envisageables ?

Alors que pour la deuxième année consécutive la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche AT/MP, le Sénat a rendu le 11 juillet 2012, un rapport sur le déficit de la branche AT/MP. Il est vrai que le Sénat avait refusé que la loi de financement de la Sécurité Sociale de 2011 permette, comme le projet gouvernemental le prévoyait initialement, de faire supporter ce déficit par la CADES[1]. Le Sénat n’acceptait pas en effet que cette dette soit mutualisée et payée par le contribuable.

A l’aune de ce rapport, il est utile de comprendre ce qui est arrivé à celui qui fut pendant longtemps le bon élève de la Sécurité Sociale.

1. Les causes probables du déficit.

La prise en charge de la réparation des AT/MP par la Sécurité Sociale se traduit par la mise en place d’une obligation, pour l’employeur, de cotisation et par sa modulation en fonction du risque propre à chaque entreprise. Nous sommes donc au cœur de la logique assurantielle selon laquelle les dépenses doivent être strictement financées par les cotisations. L’existence même d’un déficit montre à quel point ce pacte de départ a été rompu.

Pourtant cette branche a connu des années d’équilibre voire d’excédents. Le taux de cotisation entre les années 1970 à 2006 a même été divisé par 2.

Une des principales causes du déficit trouve sa source dans la dégradation de la conjoncture économique de 2009 et 2010. Depuis les maladies professionnelles n’ont cessé de croître (2,1% d’augmentation en 2011) et la réduction des accidents du travail marque le pas (1,1% d’augmentation en 2011).

De plus, l’ancienne tarification antérieure à 2010, à tort ou à raison a été très critiquée. On a pu lire à son propos qu’il s’agissait "d’un dispositif plus redistributif qu’incitatif [2]".

En d’autres termes, il lui était reproché de favoriser de par sa complexité et de par les ristournes, les entreprises ayant la plus forte sinistralité.

Mais de manière plus profonde, il faut être conscient que les transferts de la branche AT/MP vers d’autres branches ou vers d’autres régimes (Vieillesse, MSA, FIVA, branche maladie) représentaient 2,5 milliards d’euros en 2011 sur un budget total de 12 milliards, soit plus de 20%. Pour la seule branche maladie, ce transfert représente pour 2012, 790 millions d’euros alors qu’en 2008, cette contribution dépassait à peine 400 milliards d’euros. C’est dire à quel point la branche AT/MP est sollicitée. C’est tellement vrai que le départ anticipé en retraite pour cause de pénibilité n’est pas financé par la branche retraite, mais par la branche AT/MP, à hauteur de 110 millions pour l’année 2012, sans savoir jusqu’où ce financement peut aller.

La gestion même de cette branche pose problème. Comment imaginer que pour la deuxième année consécutive la gestion de 12 milliards d’euros puisse faire l’objet d’un refus de certification par la Cour des comptes ? Cette branche n’applique pas les principes de base de la comptabilité, savoir la provision pour risque et le contrôle interne [3].

Enfin, force est de constater que l’année 2009 qui a enregistré le déficit est aussi l’année où la masse salariale s’est contractée de 1,2 % ce qui n’avait jamais été observé depuis 1945, c'est-à-dire depuis l’instauration de ce régime d’assurance. Cela constitue un défaut énorme de cotisations.

2. L’ampleur du déficit.

La branche AT/MP dispose du budget le plus faible de la Sécurité Sociale.

162 Md€ pour la branche Maladie ; 111 Md€ pour la branche Vieillesse ; 57 Md€ pour la branche Famille ; enfin 12 Md€ pour la Branche AT/MP dans le cadre de la LFSS 2012.

Néanmoins et en rapport avec ce budget, la Cour des comptes estime que le déficit cumulé atteint désormais 1,7 Md€. L’ACOSS quant à elle estime son besoin à 2,2 Md€. Cet écart ne reflète pas une distorsion de comptabilisation du déficit ou une imprécision, mais constitue en réalité la différence entre le déficit et le besoin de financement de la branche. Ce déficit est important puisqu’il avoisine 15% du budget de la branche, sachant que ce déficit s’est constitué depuis seulement l’année 2009.

3. Les solutions possibles pour résorber le déficit.

Dès lors que les parlementaires refusent une mutualisation de cette dette, il convient de voir quelles sont les pistes possibles. Mais il faut rappeler que le taux moyen de cotisation s’élève à 2,385% de la masse salariale.

· La résorption du déficit en un an, entrainerait mécaniquement une hausse du taux de 0,4%. Ce qui suppose en contrepartie que l’activité des entreprises ne connaisse pas d’importants changements.

C’est donc un vrai sujet à l’aune de la compétitivité des entreprises.

· Il serait également possible de lisser dans le temps ce déficit, ce qui ne serait pas juste pour les nouvelles entreprises et onéreux en termes d’intérêts de la dette.

· Il serait possible de dissocier la dette en considérant qu’une partie est structurelle et doit dès lors être financée par la branche et que l’autre partie est conjoncturelle et pourrait être mutualisée et supportée par la collectivité nationale à travers l’impôt.

Quoiqu’il en soit, compte tenu que la nouvelle tarification induit des augmentations, compte tenu que la baisse de la sinistralité marque le pas, compte tenu que la branche sera de plus en plus sollicitée par la branche maladie et par la pénibilité, compte tenu enfin qu’il faut bien résorber ce déficit qui est contraire à la logique assurantielle et qui coûte en termes d’intérêts de la dette, les entreprises vont devoir à l’évidence faire un effort conséquent dans les années à venir pour le financement de la branche AT/MP.

Incontestablement les cotisations vont augmenter.

 

Michel Franco, Directeur Juridique Atequacy

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NOTES

 

[1] La CADES – Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale a été instauré par les ordonnances « Juppé » en 1996. Elle est alimentée par un impôt, la CRDS (Contribution au Remboursement de la Dette Sociale) qui est acquittée par les entreprises et les contribuables. Elle a pour mission d’amortir et de rembourser la dette sociale.

[2] Etudes et Recherches n°115, mars 2012, François Lé et Frédéric Tallet.

[3] Rapport de la Cour des comptes pour l’exercice 2011, pages 86 à 100.

 


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