Stéphane Jacquin, Directeur de l'ingénierie patrimoniale chez Lazard Frères Gestion, détaille et analyse les mesures contenues dans ce projet.
Informations sur les principales mesures à caractère patrimonial contenues dans le projet de loi de finances rectificative 2012 :
1) Les donations de titres et valeurs mobilières suivies de leur vente dans un délai inférieur à 2 ans ne purgeraient plus les plus-values
En effet, le prix d’acquisition retenu lors de la vente par le donataire serait, non plus la valeur des titres retenue pour le calcul des droits de donation, mais le prix d’acquisition par le donateur, augmenté éventuellement des droits de
donation supportés par le donataire.
En contrepartie, le donataire pourrait bénéficier des abattements pour durée de détention décomptés à partir de la date d’acquisition des titres par le donateur dans le cadre du nouveau régime d’imposition des plus-values de cessions de parts et titres de sociétés qui sera introduit par la loi de finances pour 2013 (pour mémoire, abattements applicables aux cessions réalisées à compter de 2013 de 20%, 30% ou 40% en fonction d’une durée de détention des titres respectivement de plus de 2 ans, 4 ans ou 6 ans).
Cette mesure entrerait en vigueur pour les donations réalisées depuis le 14 novembre 2012.
A titre d’exemple, supposons que Monsieur X détient dans son portefeuille les titres d’une société cotée acquis pour
1,5€ qui sont actuellement valorisés à 15€, et les donne à ses enfants le 16 novembre 2012. La donation portera sur un bien évalué à 15€ multiplié par le nombre de titres donnés.
A l’issue de la donation, si ses enfants décident de vendre immédiatement leurs titres, en supposant que le cours soit
toujours de 15€ et qu’ils n’ont pas payé de droits de donation, ils seront désormais imposés sur la plus-value de 13,5€ par titre, car le prix de revient sera de 1,5€.
S’ils attendent deux ans pour céder leurs titres, leur prix de revient unitaire sera alors revalorisé à 15€ correspondant à la valeur retenue au jour de la donation.
2) L’apport de titres à une société ne bénéficierait plus d’un sursis automatique d’imposition mais serait remplacé par un report d’imposition sur option du contribuable
Actuellement, les personnes physiques peuvent apporter les titres qu’elles possèdent dans une société soumise à l’IS (société A) à une autre société IS (société B) sans que la plus-value d’apport constatée sur les titres A (égale à la différence entre la valeur au jour de l’apport et le prix d’acquisition initial des titres A) ne fasse l’objet d’une imposition.
L’opération est considérée comme purement intercalaire. La plus-value ne devient imposable qu’en cas de vente des
titres reçus en contrepartie de l’apport (titres de B). La vente par B des titres de A est sans incidence sur le sursis
d’imposition.
Le projet de loi prévoit de supprimer le bénéfice du sursis automatique d’imposition pour les apports de titres à une
société que l’apporteur contrôle. Désormais, le contribuable aurait à opter pour un report d’imposition ou, à défaut
d’option, il serait imposable sur le montant de la plus-value constatée lors de l’opération d’échange dans les conditions de droit commun.
Il serait notamment mis fin au report d’imposition :
- en cas de transmission, de rachat, de remboursement ou d’annulation des titres apportés (titres de A) à moins que la société bénéficiaire de l’apport (B) ne réinvestisse le produit de cession, dans un délai de 5 ans à compter de la date de l’apport, à hauteur de 50% dans le financement d’une activité opérationnelle ;
- en cas de transmission, de rachat, de remboursement ou d’annulation des titres reçus en contrepartie de
l’apport (titres de B) ;
- en cas de transfert hors de France du domicile du contribuable.
Cette mesure entrerait en vigueur pour les apports de titres réalisés depuis le 14 novembre 2012.
3) Les cessions à titre onéreux portant sur l’usufruit temporaire de biens seraient imposées dans la catégorie des revenus et non des plus-values.
Les ventes d’usufruit temporaire de biens immobiliers (cession du flux de revenus fonciers futurs) sont actuellement
imposées dans la catégorie des plus-values immobilières. C’est à dire au taux de 19% (plus 15,5% de prélèvements
sociaux) après l’application d’abattements pour durée de détention qui conduisent à une exonération totale après 30
années de détention.
Avec la réforme, la cession d’usufruit temporaire portant sur des biens immobiliers serait taxée dans la catégorie des
revenus fonciers et non plus des plus-values. L’imposition s’effectuerait donc au barème progressif de l’IR (plus les
prélèvements sociaux) et non plus à taux forfaitaire (plus les prélèvements sociaux).
Il en serait de même pour les ventes d’usufruit temporaire portant sur des valeurs mobilières (actions, obligations).
NB : Ces mesures ne constituent à ce stade qu’un projet et, pour entrer en vigueur, elles devront être votées en l’état par le parlement et ne pas être censurées par le Conseil constitutionnel s’il est saisi.
Stéphane Jacquin, Directeur de l'ingénierie patrimoniale chez Lazard Frères Gestion