Quand peut-on prétendre être "la seule" radio à pouvoir faire gagner des "centaines de places" pour les matchs de l’OL ?

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Etienne Petit, juriste, Cabinet d’avocats Mathieu & AssociésLes décisions de justice qui concernent la formulation des messages publicitaires sont suffisamment rares pour les regarder de près. Celle rendue par la Cour d’appel de Lyon en début d’année porte sur le cas d’une radio locale qui affirmait être la seule à pouvoir faire gagner à ses auditeurs des centaines de places pour les matchs de l’OL. Une décision intéressante sur plusieurs points.

Récemment mis en ligne sur Légifrance même s’il date de quelques mois, l’arrêt de la Cour d'appel de Lyon rendu en début d’année mérite d’être signalé (CA Lyon, 7 févr. 2012, RG: 11/07345). Une rapide présentation des faits : alors que Radio Scoop, radio lyonnaise, détenait pour 2011 les droits exclusifs d’utilisation de la dénomination "radio officielle de l’OL" et tous les droits commerciaux attachés, Radio Espace, sa concurrente, organisait un jeu pour ses auditeurs leur permettant de gagner "des centaines de places" pour les matchs de l’équipe, affirmant être "la seule" à pouvoir le faire. Réaction immédiate de Radio Scoop qui l’assigne en référé, sans succès. Guère plus de réussite en appel, mais une décision intéressante sur plusieurs points.

Sur l’utilisation de l’expression "des centaines de places" à gagner, tout d’abord : pour Radio Scoop, une offre de gain chimérique interdite par l’article L. 121-1-1 du Code de la consommation qui répute trompeuse la pratique consistant à affirmer "qu'un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable". Un argument qui n’a pas convaincu les juges qui s’en tiennent à la formulation précisément utilisée par Radio Espace dans ses messages, constatée par huissier : les places étaient à gagner pour l’ensemble de la saison de l’OL et non pas, comme le soutenait Radio Scoop, pour les seules matchs Lyon/Marseille et Lyon/Bordeaux. Or, avec ses vingt abonnements annuels, la radio disposait d’environ 400 places par saison, soit bien des centaines…

Sur la preuve qu’elle est bien "la seule" : Radio Espace affirmait être la seule radio à pouvoir offrir ces centaines de places. Pour les premiers juges, une allégation pas nécessairement fausse dans la mesure où rien ne démontrait qu'à la date d'affirmation, d’autres acteurs disposaient encore de places à offrir. Une inversion de la charge de la preuve sanctionnée en appel : c’est à l’annonceur que revient la charge de justifier de l’exactitude de ses dires et non l’inverse. En considérant qu’une affirmation doit être admise tant qu'elle n'est pas démentie par une démonstration contraire, les premiers juges ont méconnu ce principe solidement établi.

Sur la qualification de l’opération, enfin: l’animation consistant à offrir au premier auditeur qui appelle une place pour aller voir un match peut-elle être qualifiée d’opération promotionnelle ou publicitaire ? Saisie en référé , procédure qui ne permet de juger que l’évidence, la Courrefuse de répondre à la question, considérant qu’il existe au minimum une contestation sérieuse sur ce point. Elle sera donc tranchée plus tard, au fond. On peut toutefois penser qu’elle sera positive. En effet, l’objectif poursuivi par l’annonceur en organisant cette loterie est bien de promouvoir la radio, le produit, en fidélisant ses auditeurs ou en en attirant de nouveaux puisque, pour pouvoir concourir et espérer gagner l’une des places mises en jeu, il faut écouter ses programmes. Il s’agit donc bien d’une "pratique commerciale" au sens de la directive PCD du 11 mai 2005, notion large qui recouvre "toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d'un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs" (Dir. PCD, art. 2, d). Et c’est justement parce qu’il s’agit d’une pratique commerciale que les deux questions précédentes (l’utilisation de l’expression "des centaines de places" à gagner et de l’adjectif "la seule") ont pu être posées, et ont été réglées par les magistrats selon les règles applicables aux pratiques commerciales déloyales.

Or, l'article 15 des CGV de l'OL interdisant l’utilisation à des fins promotionnelles, publicitaires, commerciales quelles qu'elles soient, notamment dans le cadre de jeux concours, loterie, opérations de stimulation interne ou toute autre action de ce type des places pour ses matchs, Radio Espace ne pouvait pas les offrir en dotation. A suivre, donc.

 

Etienne Petit, auteur du "Guide du nouveau droit de la publicité et de la promotion des ventes" (Edition Gualino), est juriste au sein des Cabinet d’avocats Mathieu & Associés.


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