Sylvie Gallage-Alwis, Associée et Deborah Azerraf, Avocate chez Signature Litigation, nous apportent un nouvel éclairage concernant la rupture brutale des relations commerciales à la suite de l’ordonnance du 24 avril 2019.
Une spécificité française longtemps décriée et incomprise dans son principe par la plupart des acteurs économiques est-elle sur le point de disparaître ? Nombreuses sont les entreprises qui se sont retrouvées confrontées au juge français qui leur impose une durée de préavis supérieure à la durée prévue dans leur contrat pour y mettre fin. Penser que le contrat vaut loi et que la liberté contractuelle l'emporte était ainsi imprudent au regard de la jurisprudence appliquant l'article L. 442-6-1 du Code de Commerce.
L'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant réforme du Titre IV du Livre IV du Code de Commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées, a modifié les dispositions du code relatives aux pratiques restrictives de concurrence. Il n'y a en a désormais plus que trois sanctionnées (au lieu de 13) : (1) l'obtention d'un avantage sans contrepartie, (2) le déséquilibre significatif et (3) la rupture brutale des relation commerciales établies. S'agissant de cette dernière, le nouvel article L. 442-1 II devrait enfin venir réduire les
contentieux en ce domaine.
En effet, s'il étend la liste des acteurs susceptibles d'engager leur responsabilité en cas de rupture brutale de relations commerciales, le législateur limite les hypothèses dans lesquelles l'auteur de la rupture pourra voir sa responsabilité engagée. En particulier, cet article mentionne une durée de 18 mois de préavis comme étant une durée qui pourrait permettre d'échapper à tout engagement de responsabilité. Cette durée est présentée comme un plafond au-delà duquel il ne sera plus possible d'engager la responsabilité de l'auteur de la rupture, à défaut de pouvoir prouver une faute de la victime ou d'un cas de force majeure.
Cette démarche qui vise à ramener une sécurité juridique dans un domaine où elle avait disparue est bienvenue. Cependant, il est à craindre que les 18 mois soient analysés comme un délai de référence sans plus d'égard à la dépendance économique et à la longueur des relations commerciales propres à
chaque dossier. Cette démarche qui vise à rendre la France de nouveau attractive aux investissements ne devra dès lors pas laisser place à un schéma emportant condamnation automatique en cas de préavis inférieur à 18 mois si les faits le justifient.
Ceci viendrait en effet, de nouveau, décourager les opérateurs étrangers qui restent étonnés que la volonté des parties exprimées dans le contrat soient écartée aussi facilement.
Sylvie Gallage-Alwis, Associée et Deborah Azerraf, Avocate chez Signature Litigation