A l’aune de la décision du Sénat de l’état de Californie qui requalifie les travailleurs indépendants d’Uber et Lyft en salariés, Christine Artus, avocat associé en droit social au cabinet K&L Gates, alerte sur le retard accusé par la France qui peine à légiférer sur un modèle économique en proie à de nombreuses contestations.
La Californie, berceau de l’uberisation, a connu le 11 septembre un bouleversement sans précédent : le sénat a voté la fin du statut indépendant pour les chauffeurs des plateformes de transport telles que Uber ou encore Lyft. A compter de janvier 2020, les travailleurs de ces entreprises pourront ainsi jouir d’une meilleure protection et d’un salaire minimum. Une requalification du travail indépendant en salariat qui pourrait s’étendre aux autres États et ainsi redéfinir le modèle économique de ces plateformes à travers le monde.
Une orientation contraire pour la France
Sur ce sujet-là, la France accuse un gros retard. Il est vrai que depuis une dizaine d’année, les plateformes de travail désintermédié essaiment dans notre économie jusqu’à avoir été le fer de lance de Macron lors des dernières élections présidentielles. Pourtant ce modèle a très vite montré ses limites. Plaintes, manifestations… les travailleurs dénoncent entre autres le lien de subordination auquel ils sont soumis ainsi que le manque de couverture sociale. Des conditions de travail qui s’apparentent notamment à du salariat, les avantages en moins…
C’est à la suite de ces nombreux événements qu’est né l’article 20 du projet de loi d’orientation sur les mobilités. Un texte visant à encadrer les relations entre les plateformes destinées au transport de personnes et de marchandises à travers l’établissement d’une charte facultative, de formations pour les travailleurs de plateforme.
Une goutte d’eau dans l’océan à l’aune de la décision du Sénat californien. Frileux à l’idée de remettre en cause le statut indépendant, le législateur français s’attelle à un exercice d’équilibriste afin de satisfaire des travailleurs mécontents sans pour autant vouloir mettre à mal un modèle économique qui a un réel impact sur le nombre de demandeurs d’emploi.
Un texte qui manque d’ambition
Le texte de loi sensé améliorer la situation sociale des travailleurs des plateformes n’assure toutefois pas de résultats probants. Et il est peu probable que cela suffise à calmer la contestation des travailleurs ubérisés. Pour preuve, de nombreux syndicats ont été créés.
A noter également qu’il prend seulement en compte les activités liées au transport de personnes et de marchandises. Les plateformes de travail domestique (Stootie…), de traduction (Translate, One sky…) ou de missions en événementiel, droit, marketing… (Malt, Freelancer.com..) ne sont pas soumises à ce texte. Ce qui interroge toutefois sur le réel impact de ce dernier.
Christine Artus, Avocat Associé au sein du cabinet K&L Gates