Facebook Avocats Entre Nous : success story d’une initiative confraternelle en période de confinement

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Et si Le Monde du Droit vous racontait une jolie histoire pour rompre avec l’ambiance actuelle ? Dans cette période difficile liée au Covid-19, Me Brigitte Bogucki, avocate au barreau de Paris, et ses confrères ont souhaité briser l’isolement. Mettant à profit la période du confinement, ils animent des Facebook Live pédagogiques à destination des avocats.

« Créer un regain de confraternité… un sentiment d’appartenance à une communauté qui a tendance à se déliter mais qui, ainsi, se rapproche un peu, alors que le monde nous éloigne plutôt ». Ce sont par ces mots que Me Brigitte Bogucki, avocate au barreau de Paris, décrit l’aventure Facebook Live qu’elle orchestre avec ses confrères en cette période d’isolement liée au Covid-19.

L’histoire démarre fin 2018. A l’origine, l’idée est de créer un espace de discussion entre avocats où les échanges porteraient tant sur l’exercice de la profession que sur le monde juridico-judiciaire. Utilisatrice du réseau social Facebook, Me Bogucki s’inspire de groupes professionnels déjà existants. Début décembre 2018, elle crée Avocats Entre Nous (AEN), groupe qu’elle coadministre avec son associée Me Dominique Lopez-Eychenié, avocate au Barreau de Lille.

Des conditions d’entrée sont posées pour s’assurer que le groupe « privé » est composé uniquement d’avocats, « une garantie dans la mesure des limites de Facebook », comme elle le souligne. Ainsi, le groupe est exclusivement réservé aux avocats en exercice ou honoraires des barreaux français. « On n’est pas sur l’exclusion des autres. On est sur l’inclusion », explique Me Bogucki. « C’est exactement comme dans une famille ou dans un couple. On a besoin d’échanger entre nous, entre confrères, sur des sujets propres à l’exercice de notre profession : cotisations CNB, clé RPVA, Cloud, pratiques procédurales, etc. C’est important et c’est le principe de base qui ne changera pas. »

Communiquer au sein du groupe sous pseudo est accepté. Le formulaire d’entrée exige toutefois de donner son identité et son barreau. Ces informations restent confidentielles, seuls les modérateurs y ont accès au moment de l’inscription et ils ne les divulguent pas.

Des règles régissent le fonctionnement de la communauté : obligation de quitter le groupe en cas de cessation d’activité ; respect des principes déontologiques et du serment ; confiance mutuelle : « ce qui est dit dans le groupe, reste dans le groupe » ; absence d'attaque ad hominem ; ni trolls, ni injures ; post portant uniquement sur la profession et l’univers juridico-judiciaire. En cas de non-respect, les sanctions vont de la suppression du message par les administrateurs jusqu’à l'exclusion du membre.

Au fur et à mesure, le groupe se constitue d’avocats et d’avocates exerçant en Métropole et en Outre-mer, peu de Parisiens au départ. Les jeunes sont au rendez-vous, heureux de trouver de l’aide à leur démarrage et de pouvoir bénéficier de l’expérience de leurs pairs. Le bouche-à-oreille fonctionne. Face à l’ampleur du succès, cinq modérateurs viennent en renfort des deux administratrices. Sept avocats et avocates qui ont entre 30 et 60 ans et exercent leur profession sur Paris, Lille, Pontoise, Macon, Toulon, Nantes et Perpignan. La fine équipe veille au maintien du bon état d’esprit du groupe et s’assure que les échanges ne dérapent pas, comme par exemple lorsque est abordée la réforme controversée des retraites.

Côté discussions justement, les questions sont variées du fait du caractère généraliste du groupe. « Ce sont des échanges d’informations : numéro de téléphone du service JAF de telle ville ; jurisprudence sur tel sujet ;  avis sur l’exercice en société d’avocat ; les difficultés pour recouvrer les honoraires, etc. Sur les questions purement juridiques, on avait beaucoup de problématiques en droit de la famille, ce qui démontrait un réel besoin. En s’inspirant du groupe des avocats travaillistes qui existait déjà, j’ai créé un groupe spécifique, Avocats Familialistes, en février 2019 », raconte Me Bogucki. Il repose sur les mêmes règles avec quelques différences : les conversations sont exclusivement orientées sur ce thème – ainsi par exemple la réforme des retraites n’a pas été abordée dans ce groupe –  et l’avocat n’est pas obligé d’être un spécialiste de la matière pour y adhérer, il suffit qu’il s’intéresse au droit de la famille. Dans la foulée, en mars 2019 son associée, Me Lopez-Eychenié, lance Avocats des M.A.R.D pour discuter exclusivement des modes amiables de règlement des différends car elles pensent que les MARD sont l’avenir.

Puis arrive le Covid-19 en France avec pour conséquences le confinement et la fermeture des juridictions. « Plus d’audiences… On a commencé à se sentir un peu seuls », ironise Me Bogucki. Alors l’idée vient de vouloir rompre l’isolement et de proposer des rendez-vous en ligne pour partager les savoirs, un point dans l’agenda qui relie à l’exercice de la profession. « Si au début le groupe avait pour objet de discuter, j’ai pris conscience que l’on pouvait aider, apporter.  Je me suis rendue compte que l’on est très isolé dans ce métier, que l’on soit rattaché à un grand ou un petit barreau. En ce moment des confrères sont confrontés à des choses difficiles. Ces conférences quotidiennes permettent de casser un peu cet isolement, d’être solidaires et de briser le côté très local que l’on peut avoir parfois », constate l’avocate.

Ainsi, depuis le 23 mars, tous les jours, sauf le dimanche et les jours fériés, se tient à 15h00 un Facebook Live de 30 à 45 minutes soit sur Facebook AEN soit sur Facebook Familialistes, selon le sujet traité. Et les thèmes abordés sont vastes : comment se faire payer par carte bancaire ; la fiscalité du divorce ; le rôle de l’avocat dans la médiation ; la réforme du divorce ; la réforme de la procédure civile ; l’ordonnance de protection ; la liquidation d’un régime matrimonial international ; informatique et confidentialité ; ma première hospitalisation d’office ; la QPC ; avocat enquêteur et harcèlement moral ; droit de la nationalité ; la protection du mineur non accompagné, etc. « Les sujets viennent au gré de ce que proposent les confrères. C’est pratico-pratique. Il ne s’agit ni de faire une formation à l’état pur, ni de concurrencer les organismes de formation. La quasi-totalité des thématiques nécessite plusieurs heures de formation. Nous, on dispose d’une trentaine de minutes ! En une demi-heure on partage de l’information et malgré ce court laps de temps, il faut souligner que les interventions sont remarquables. C’est très pédagogique. On apprend énormément sur des matières parfois inconnues ou on approfondit ses connaissances. »

Le samedi, c’est un thème qui a un rapport avec la profession mais qui n’est pas nécessairement strictement juridique. « On a eu “savoir communiquer avec un client en souffrance” ou “initiation à la méditation”, utile dans le contexte du Covid-19. » Si certains pourraient y voir une approche psychologique dans la démarche, Me Bogucki recadre tout de suite : « On n’est pas psy, on est avocat ! ».

Véritables échanges de savoir sur la base du volontariat, ces Facebook Live imposent toutefois la mise en place de toute une logistique. « J’ai commencé la première, le 23 mars. Maintenant j’organise. J’explique aux intervenants comment cela fonctionne. Je m’assure qu’il n’y ait pas de problème technique. C’est beaucoup de temps, en plus de la modération des groupes. Tous les jours, j’annonce le programme, les replay et je mets à jour les archives. Je tiens l’agenda en fonction des sujets qui me sont proposés : c’est plein jusqu’au 9 mai et même un peu plus ! ». L’avocate ne dit pas le nombre d’heures que lui prend au quotidien cette organisation : « je ne préfère pas savoir ! », plaisante-t-elle.

Vrai succès. Depuis le début du confinement les membres des groupes ne cessent d’augmenter. Selon les statistiques Facebook, plus de 1290 avocats ont rejoint Avocats entre Nous qui devrait passer prochainement la barre des 10 000 membres. A ce jour, Avocats Familialistes compte 5066 adhérents dont 1246 de plus depuis la mise en place des Facebook Live. « Je suis impressionnée par le nombre de personnes qui regardent en live puis en replay : on passe rapidement aux milliers de vues. Je suis ravie que les confrères nous rejoignent », conclut Me Bogucki.

Bonne volonté, entraide, confraternité, bienveillance, c’est ce qui ressort majoritairement de cette initiative. Triste et bonne nouvelle à la fois : à la fin du confinement… pas forcement le 11 mai…, les Facebook live quotidiens s’arrêteront. Toutefois, à la demande générale, Me Bogucki envisage de continuer à en organiser mais à un rythme moins soutenu, du moins tant que des confrères de bonne volonté se proposeront puisque la vie du cabinet devrait reprendre pour tous !

Marie Beau


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